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Ennéagramme et guérison des dépendances (1e partie)
chimiques, médicamenteuses et/ou comportementales
Jennifer P. Schneider, M.D., Ph.D. et Brenda Schaeffer, M.A. L.P, C.A.S. (Traduction par Fabien Chabreuil)

La théorie de l'Ennéagramme décrit la "compulsion" de chaque type. Poussées à l'extrême, ces compulsions peuvent devenir de véritables dépendances, que ce soit à des substances chimiques (alcool, nicotine, cocaïne…) ou à des comportements (consommation excessive de nourriture, jeu, sexe, prise de risques). Les personnes cherchant à guérir de leur dépendance travaillent dur à leur développement personnel et comprennent très vite que le déni fait partie de leur problème, mais bien souvent, ils ne réalisent pas que leur type dans l'Ennéagramme (fixation, besoins, évitement) peut jouer contre leur guérison. En mettant ces éléments en lumière et en utilisant les besoins et motivations liés au type, un conseiller peut les aider à tirer plus de profit de leurs groupes d'aide et de leur thérapie.

Je suis un médecin hospitalier, spécialisé dans les dépendances, et particulièrement intéressé par les dépendances à des comportements. Je conseille des personnes dépendantes depuis plusieurs années. Pour cette étude, j'ai interviewé 33 personnes dépendantes (18 hommes et 15 femmes) qui étaient guéries depuis 8 ans en moyenne. Les interviews ont porté sur l'histoire de leur dépendance et de leur guérison, ainsi que sur leur type dans l'Ennéagramme. Ce dernier a été confirmé par Brenda Schaeffer, une enseignante certifiée dans la tradition orale. Le but de l'étude était de déterminer pour les 33 personnes :

  1. comment la fixation était utilisée pour justifier la dépendance,
  2. quel a été l'effet de la fixation sur le processus de guérison,
  3. comment un conseiller peut être plus efficace avec chaque type de l'Ennéagramme.

Nous croyons que l'expérience des personnes dépendantes est pertinente pour chacun de nous, quand nous essayons de dépasser notre compulsion.

Définition de la dépendance

Selon le DSM-IV, le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (4e édition), qui est actuellement l'outil de référence pour le diagnostic des troubles psychologiques, une personne est dépendante à une substance :

  • si la substance est prise en quantité plus importante qu'elle n'en a l'intention,
  • si elle consacre beaucoup de temps à des activités nécessaires à l'obtention de la substance, à son utilisation et récupérer de ses effets,
  • si elle renonce à des activités sociales, professionnelles ou de loisirs à cause de l'utilisation de la substance,
  • et si elle continue à utiliser la substance malgré les problèmes physiques, sociaux, légaux ou autres que lui crée son utilisation.

De plus, pour certaines drogues, la personne développe une tolérance à leur utilisation, ce qui signifie qu'elle doit en consommer des quantités de plus en plus importantes pour obtenir le même effet, et que des symptômes déplaisants ou dangereux apparaissent quand la prise de drogue est interrompue brutalement (symptômes de sevrage). Cependant la tolérance et le symptôme de sevrage ne sont pas indispensables pour porter le diagnostic de dépendance à une substance.

Le DSM-IV a des critères similaires pour diagnostiquer le jeu pathologique, qui peut être considéré comme une dépendance à un comportement plutôt qu'à une substance. Le sexe, la nourriture, le fait de dépenser peuvent aussi être l'objet de dépendances. Beaucoup de personnes dépendantes le sont à plus d'une substance ou d'un comportement : cocaïne et sexe, ou alcool et jeu, ou nourriture et médicaments. Toutes ces dépendances ont en commun :

  1. une préoccupation ou une obsession à propos de la substance ou du comportement,
  2. la perte de contrôle sur son utilisation,
  3. sa continuation malgré des conséquences négatives.

Le traitement classique des dépendances est une combinaison de thérapie de groupe, de participation à des programmes de soutien conçus sur le modèle de ceux des Alcooliques Anonymes (appelé aussi "programme en douze étapes" ou "Al-Anon"), d'information à propos de la dépendance, de conseil individuel, et de thérapie familiale ou de couple. Les conjoint(e)s des dépendants et les autres personnes significatives de leur vie ("codépendants") viennent souvent de familles dysfonctionnelles ayant déjà des problèmes de dépendances, ont leurs propres problèmes psychologiques et tirent souvent profit de la thérapie ou de la participation à des groupes comme ceux d'Al-Anon.

L'étude

Pour cette étude, notre objectif était d'interroger, pour chacun des neuf types de l'Ennéagramme, au moins un homme et une femme ayant guéri d'une dépendance. Cependant, comme je ne connaissais par leur type à l'avance, j'ai fini par interviewer 33 dépendants, 18 hommes et 15 femmes. Tous étaient dépendants au sexe, mais seulement un tiersd'entre eux n'avait que cette dépendance : la moitié était aussi dépendante à une substance, un tiers avait des désordres alimentaires, et deux personnes avaient des problèmes sérieux de travaillolisme. En moyenne, ils étaient guéris depuis 11 ans de la dépendance à une substance et depuis 8 ans de la dépendance au sexe. Un tiers d'entre eux exerçait une activité de conseil, de travailleur social ou de psychiatre. Tous étaient activement impliqués dans le processus de guérison, par exemple en participant à des réunions de programmes en 12 étapes, ou en travaillant dans le secteur de la dépendance.

Résultats

La découverte la plus étonnante de cette étude est la proportion anormalement élevée de personnes de type 1 (9 sur 33, soit 27 %), et un net excès de femmes de type 8 : sur 18 hommes, un était de type 8 ; sur 15 femmes, cinq étaient de type 8.

Type 1, le Perfectionniste
Excès de dépendants de type 1

Nous avons trouvé un excès d'hommes et de femmes de type 1 dans notre échantillon de dépendants ayant guéri depuis plusieurs années. Beaucoup de gens abandonnent au bout de quelques années leur travail actif de guérison. Les 1, perfectionnistes, aiment que les choses soient bien faites et suivent les règles. Ayant appris que les dépendances ne sont jamais totalement guéries et qu'un dépendant doit rester indéfiniment impliqué dans le travail de guérison, ils ont plus tendance à le faire que par exemple des 7 qui se lassent facilement et veulent passer à des choses nouvelles, ou des 3 qui veulent atteindre leurs objectifs aussi efficacement et rapidement que possible.

Comment les caractéristiques du type affectent le processus de dépendance

Le perfectionnisme et la propension au jugement avaient eu un fort impact sur les 1 dépendants. Ils étaient critiques vis-à-vis des autres, et souvent encore plus critiques vis-à-vis d'eux-mêmes. Cet esprit critique, leur colère "juste" et leur sens de leur bon droit sont fréquemment des déclencheurs de leur dépendance. Leurs actes dépendants sont souvent commis en dehors de l'endroit où ils vivent, leur permettant ainsi de maintenir une apparence convenable et bienséante au travail et à la maison. De tous les types de l'Ennéagramme, les 1 étaient les plus conscients de la double vie qu'ils menaient (plusieurs ont déclaré qu'ils menaient une "existence à la Dr Jekyll and Mr Hyde") ; ils étaient aussi les plus durs vis-à-vis d'eux-mêmes à propos de la divergence entre leurs idéaux et leurs comportements.

Cas n° 1 (homme) : "Ma nature critique et ma tendance au jugement m'ont éloigné des autres. Je me sentais très inférieur, particulièrement à cause de la double vie que je menais. J'avais cette double nature, la personne publique et la personne privée. Si je pouvais critiquer les autres et les tenir à distance de moi, alors ils ne sauraient jamais la vérité sur moi."

"La dichotomie entre mes deux natures, mon apparence publique et spirituelle, la bonne personne d'une part, et la mauvaise personne d'autre part, était si forte que je ne pouvais les réconcilier. Je me reprochais terriblement cette contradiction."

Arrivée à un certain point, la divergence entre leurs comportements et leurs standards intérieurs occupe toute leur attention et les 1 cherchent de l'aide.

Effets de la fixation sur le processus de guérison

La tendance du 1 au jugement, à la critique et à l'autocritique l'isole des autres personnes en voie de guérison. Les 1 "savent" comment les choses doivent être faites, et trouvent souvent que les autres ne sont pas à la hauteur. Ceci peut aboutir à une irritation permanente envers eux. D'un autre côté, le désir des 1 de "faire bien" les aide à continuer à participer au programme et aux séances de conseil, même quand cela devient difficile. Là où d'autres types se fatigueraient vite de la routine (les 7, par exemple), ou croiraient qu'ils ont pris tout ce qu'il y avait à prendre dans le processus de guérison (les 3, par exemple), les 1 restent impliqués pendant toute la durée du programme. Ce n'est pas probablement pas par accident que le 1 a été le type le plus représenté dans notre série d'interviews.

Cas n° 3 (homme) : "Si vous êtes un perfectionniste, vous voulez agir parfaitement et suivre les étapes une par une. Je vais aux réunions et je suis très critique vis-à-vis des autres participants. Cela n'aide pas à s'intégrer dans le groupe. Je suis critique à propos de la manière dont se tient la réunion et d'un tas d'autres choses. S'ils lisent quelque chose de faux ou qui est hors sujet, je les corrige immédiatement. Cela ne vous fait pas aimer des gens, mais c'est comme cela que je suis."

"C'est très difficile pour moi de me retenir et de ne pas donner mon avis quand je sais ce qui est juste. Mais le perfectionnisme aide aussi en vous donnant la forte volonté d'être sobre."

Cas n° 2 (homme) : "Mon perfectionnisme a été une aide. Avec cette forme de pensée binaire, juste ou faux, blanc ou noir, soit j'étais dans le processus de guérison et je faisais ce qu'il fallait faire, soit je n'y étais pas. Avoir une vue claire de ce qui était bien et de ce qui était mal m'a permis de rester sur la bonne voie."

"Quand je vais aux réunions, et que les gens sont assis là à gémir et à se plaindre, et que semaine après semaine après semaine la même personne parle des mêmes problèmes, je perds toute tolérance. Ils ne font pas bien leur processus de guérison. Voilà comment le processus de guérison est censé se dérouler, et vous ne le faites pas !"

Conseiller les 1

Il est souvent plus facile pour les 1 de parler de leurs émotions que de les ressentir.

Cas n° 3 (homme) : "Normalement, j'aime rester assis et intellectualiser, mais mon thérapeute a été capable de me faire entrer dans mes émotions. J'ai pu faire un certain travail sur la colère, mais cela a toujours été difficile. Je n'ai jamais aimé cela. Cela aurait été plus facile pour moi de m'asseoir et de parler d'à quel point j'étais en colère."

Cas n° 4 (homme) : "La partie cognitive de la thérapie a été plus confortable. Mais pour moi, le travail corporel a été très utile. Affronter la peur que j'en avais a été un préalable pour arriver à diminuer la peur intense que j'avais de mes émotions. Le travail cognitif ne m'a pas mis en contact avec mes émotions ; le travail corporel et le psychodrame l'ont fait."

Conseils aux thérapeutes à propos du type 1

Cas n° 3 (ancien thérapeute) : "J'encourage le thérapeute à continuellement pousser les 1 à entrer en contact avec leurs émotions (visualisation, PNL, EMDR, quoi que ce soit qui leur convienne). Si la personne a un métier intellectuel, je lui conseillerai de faire quelque chose de manuel (menuiserie, jardinage, quoi que ce soit qui le sorte de sa tête et qui occupe ses mains)."

Résumé

Les 1 ont un avantage dans leur travail de guérison parce qu'ils sont motivés à le faire et à le faire bien. En thérapie, ce sont de "bons" clients. Mais les 1 sont peu en contact avec leurs émotions et leurs sensations, préférant une discussion intellectuelle et des solutions pratiques. Ils sont critiques vis-à-vis d'eux-mêmes et des autres. La colère est exprimée comme un juste ressentiment. Les 1 ont besoin de prendre conscience des moments où ils pensent de manière binaire et rigide, et reconnaître qu'il existe d'autres choix. Ils ont aussi besoin de se connecter à leurs émotions, de mieux s'accepter, d'être plus enthousiastes et optimistes, et de profiter de la vie avec spontanéité. Le défi pour les 1 est de calmer leur critique intérieur qui les isole des autres, de devenir plus acceptants, et de mieux s'intégrer au groupe. Ils peuvent être aidés par l'écoute attentive de certains des slogans du programme en 12 étapes, comme "Le progrès, pas la perfection", "Allez-y doucement" et "Un jour à la fois".

Type 2, Celui qui donne et/ou fait plaisir
Comment les caractéristiques du type affectent le processus de dépendance

Les 2 donnent pour recevoir ; ils aident les autres pour être approuvés. Les dépendants de type 2 sont les plus séducteurs des neuf types ; ils savent comment caresser et flatter, comment créer faussement confiance et amour. Ils tirent fierté du fait de donner. Ils s'épuisent à donner et cela leur sert de justification à leur dépendance : "J'ai tant donné à tant de gens pendant tant de temps, que je mérite bien cela."

Les 2 ont tendance à s'engager dans le processus de guérison quand quelqu'un le leur conseille.

Cas n° 7 (femme) : "Très tôt dans mon processus de guérison, nous avons créé un groupe de femmes. J'y participais parce que je sentais qu'on avait besoin de moi pour que le groupe fonctionne bien… Dans mon programme en 12 étapes, j'aimais le sentiment d'appartenance au groupe, le fait d'avoir à parler aux gens, et parce que mon parrain y participait aussi, j'aimais le sentiment d'avoir son attention… Au commencement, cela a été un problème de réussir à être réellement honnête avec moi-même. Au début, je suis resté en surface, juste pour participer et satisfaire les obligations des réunions, puis je suis devenue de plus en plus consciente de mon fonctionnement et j'ai pu être vraiment sincère et aller en profondeur."

Résumé

Les 2 ont tendance à nouer des relations avec les autres membres des groupes de thérapie et de programme en 12 étapes ; ils deviennent très impliqués et très empathiques pendant les réunions. Les émotions les aident à rester dans le programme. Pourtant, parce qu'ils veulent maintenir le lien avec les autres, ils peuvent trouver difficile de révéler des aspects peu plaisants de leur personnalité. Le défi pour les 2 est de reconnaître leur orgueil d'être indispensable aux autres, et de prendre conscience de comment ils ont ignoré leurs propres besoins et perdu le contact avec eux-mêmes.

L'attention portée au fait de donner coupe les 2 de leurs propres émotions. Le fait de vouloir être perçus comme des gens qui prennent soin des autres peut les empêcher d'exposer leur être véritable. Ils ont besoin de se trouver et d'apprendre à satisfaire leurs besoins autrement qu'en donnant et en s'occupant des autres. Plus précisément, les 2 ont besoin d'apprendre à demander directement plutôt qu'à manipuler, à aider les autres sans vouloir les contrôler, et à découvrir combien il est facile de les manipuler en leur demandant de l'aide. S'engager à parler en premier dans un groupe ou à recevoir des autres aide les 2 à identifier plus aisément leurs besoins et leurs désirs.

Type 3, Celui qui réalise

Les 3 désirent le succès et montrent l'image appropriée à l'atteinte de ce succès. Pour cette image, ils peuvent mentir à eux-mêmes et aux autres. Pour éviter de ressentir des émotions, ils deviennent des travailleurs compulsifs. Ils se sentent honteux quand leurs comportements ont terni leur image.

Comment les caractéristiques du type affectent le processus de dépendance

Cas n° 8 (homme) : "Je savais bien faire aboutir les choses, aussi j'ai réussi en tant que dépendant. Pendant plusieurs années, j'ai eu toute la drogue et tout l'argent que je voulais, parce que je suis un réalisateur, un débrouillard, un artiste de la frime. J'utilisais continuellement mes talents de manipulateur pour obtenir ce que je voulais. C'était comme si le reste du monde était une pelouse, et moi celui qui la tondais. J'étais très centré sur mes objectifs. Je voyais l'objectif, et j'y allais même s'il fallait vous passer sur le corps pour cela. ça n'avait pas d'importance. J'étais presque complètement inconscient de l'existence des autres. Tout ce que je pouvais voir, c'est ce que je voulais et désirais, et j'y allais."

Effets de la fixation sur le processus de guérison

Bien souvent les 3 cherchent de l'aide quand des événements extérieurs interfèrent avec leur succès en tant que dépendants. Ceci fait, ils adoptent très vite l'image de "Monsieur Guérison".

Cas n° 8 (homme) : "J'ai travaillé à ma guérison comme à tout le reste : je devais devenir le meilleur. Je devais apprendre comment réussir mieux que quiconque. J'aimais aller aux réunions, lever la main, parler et que tout le monde dise : 'Ce Joe, c'est le meilleur dépendant que nous ayons jamais eu.' Ma principale faiblesse de caractère, c'est l'égoïsme. J'étais prêt à n'importe quoi pour me sentir bien et paraître bien, comme vous piétinez en traversant la pièce pour avoir une occasion d'obtenir de l'approbation. C'est dur pour moi de dire que j'ai vécu des choses difficiles. Je veux toujours paraître bien."

Conseils aux thérapeutes à propos du type 3

Cas n° 9 (thérapeute de type 3) : "Quand je me heurte au problème de l'Image, j'attends qu'ils aient été sobres pendant 45 à 60 jours, et c'est seulement après que nous commençons à travailler sur l'image, d'abord en identifiant sa fonction, ce qu'elle apporte. Ensuite, nous lui écrivons une lettre d'adieu… Le but est de passer d'une croyance de base selon laquelle ils sont mauvais et doivent le cacher, à une autre selon laquelle ils sont bien et c'est OK que les gens les connaissent même s'ils sont imparfaits. L'image a quelque chose à voir avec une croyance sur la perfection, et la perfection n'existe pas."

"Les dépendants qui ont besoin de réaliser sont généralement efficaces dans le processus de guérison, s'ils sont dirigés fermement. Ils vont acheter cinq livres et les auront lus la semaine suivante. J'utilise leurs forces pendant les premiers mois et traite les autres sujets plus tard, quand ils ont développé un sentiment de sécurité. Alors je leur dis : "Maintenant que nous avons traité les problèmes extérieurs et obtenu un certain succès dans le processus de guérison, passons d'un objectif purement comportemental à celui d'être authentique."

"Quoiqu'ils soient plutôt honnêtes avec vous, ils attendent généralement pour l'être une ou deux semaines. S'ils rechutent, ils ne vous le disent généralement pas lors de la première rencontre ; ils vous le diront la fois suivante après avoir été sobre pendant cinq ou sept jours. Ils peuvent même ne pas venir avant d'avoir obtenu un certain succès. C'est la partie d'eux qui ment, qui n'est pas franche."

Résumé

La compulsion à agir et à réussir aide les 3 au début du processus de guérison en les motivant à progresser aussi vite que possible. Cependant, leur tendance est de privilégier l'image et de vouloir paraître être la personne qui réussit le mieux le processus de guérison, plutôt que de faire de réels changements intérieurs. La priorité donnée au succès, à la réalisation et à l'apparence empêche les 3 d'être en contact avec leurs émotions. En thérapie, ils ont besoin de se révéler au-delà du mensonge et de l'image, et de ralentir afin de se connecter à leur Moi émotionnel et spirituel.

Type 4, le Tragique-Romantique

La problématique des 4 est le sentiment d'abandon et le besoin de se sentir spécial. Ils envient les autres et désirent ardemment recevoir de l'affection et trouver le partenaire idéal, mais ils repoussent ceux qui s'approchent d'eux. Les 4 idéalisent les gens et les situations qui sont lointains ou inaccessibles, tout en remarquant précisément les défauts de ce qui est à portée de main. Les 4 se complaisent dans la nostalgie et le drame. Les trois sujets 4 de notre étude ont tous un long historique de dépression.

Cas n° 11 (femme) : [Âgée de 40 ans, elle ne s'est jamais mariée] "J'ai eu beaucoup de rencontres d'une nuit. Avoir une relation sexuelle était OK, mais parler à un homme et le laisser me connaître était terrifiant. J'avais peur d'être rejetée. Si je me retrouve trop proche d'une personne, j'ai tendance à rompre et à la repousser… être avec un homme me donne le sentiment d'être entière, d'être à nouveau quelqu'un. Mais cela ne dure pas, et je dois partir et chercher à nouveau."

Effets de la fixation sur le processus de guérison

Au cours du processus de guérison, il est difficile pour les 4 de renoncer au mélodrame, à l'envie et au besoin d'être unique.

Cas n° 10 (homme) : "J'ai encore beaucoup d'envie - d'une famille, d'une maison - et j'ai tendance à penser être une personne spéciale. J'ai cessé d'être dépendant parce que c'était une illusion. J'ai probablement rencontré beaucoup de gens biens, mais cela m'était inconfortable de rester avec eux. Vouloir une relation qui est soudaine, intense et "spéciale" me ferait répéter sans cesse la recherche d'une personne qui dépendrait de moi, qui m'idéaliserait, et que je pourrais contrôler ; c'est se prescrire de souffrir et je ne le veux plus. Ma définition d'une relation spéciale a changé : non plus quelqu'un qui s'en laisse remontrer par moi, mais quelqu'un qui me remet en question, non plus quelqu'un qui m'idéalise et me respecte, mais quelqu'un qui a besoin de moi.

"Je participe au programme en 12 étapes depuis des années, mais je pense n'avoir jamais été le type ordinaire au cours d'une réunion. Je prenais toujours le leadership, ou le secrétariat, ou participais à un comité. Je voulais obtenir de l'attention, dire la chose juste. Pour moi participer à une réunion sans obtenir de l'attention, ce serait très dur."

Cas n° 11 (femme) : "Quand j'ai commencé à participer aux réunions SAA, je n'ai pas aimé que les femmes présentes soient heureuses et que tous les participants soient amis, et je me sentais vraiment seule. Cela a été très dur d'entrer en contact avec les autres. Mais cela a changé avec le temps.

"Je désire ardemment une relation intime impliquante et à long terme. Mais dès que je suis trop proche d'une personne, je romps avec elle et la repousse. C'est pareil au travail. J'occupe un poste pendant un an, puis je commence à m'ennuyer, et je pense toujours qu'il y a un meilleur travail, un meilleur job pour moi ailleurs, et je commence à chercher quelque chose de nouveau. Je regarde les autres et j'en ai marre parce qu'ils font ce qu'ils font et que moi je ne peux pas."

Résumé

La tendance à la dépression, à l'envie, au désir profond d'un partenaire idéal hors d'atteinte rend le processus de guérison difficile pour les 4. Leur besoin d'être "spécial" les isole des autres membres du groupe.

L'élément central d'une thérapie pour les 4 est le deuil. Les 4 ont besoin de renoncer à leur souffrance et à la recherche de la personne, de l'activité professionnelle et de la vie parfaites, tout en apprenant à se contenter de ce qui est disponible. Les 4 doivent apprendre à résoudre des problèmes, à être plus pratiques, à mieux voir ce qui est positif et moins ce qui est négatif, et à être moins contrôlés par leurs émotions (Baron & Wagele, 1994). En thérapie, ils ont besoin de prendre de la distance vis-à-vis de leur mélancolie, et de consacrer plus d'énergie à réfléchir et à agir.

Type 5, l'Observateur

Le 5 gère les problèmes en se retirant et en observant plutôt qu'en participant à la vie. Il se retire souvent dans son imagination. L'homme de type 5 dépendant au sexe privilégie les fantasmes et le voyeurisme, par exemple en fréquentant des sex-shops ou simplement en observant des femmes attrayantes ; la participation active avec d'autres gens est rare. Il préfère des activités impliquant en premier l'observation. Par exemple, le 5 peut passer beaucoup de temps sur les sites pornographiques d'Internet où il peut à la fois observer et être en retrait. Pour le 5 dépendant au sexe, Internet est l'endroit idéal.

Effets de la fixation sur le processus de guérison

Pour démarrer un travail de guérison, les 5 peuvent avoir besoin d'une impulsion donnée par les gens importants de leur vie, leur famille notamment. Une fois qu'ils ont commencé, ils trouvent difficile de s'engager et de se dévoiler. Un 5 dépendant est resté silencieux pendant les premiers mois de sa participation à des réunions du programme en 12 étapes et a passé son temps à prendre des notes ; la prise de notes aide à rester un observateur extérieur. Plus tard, il a utilisé ses notes pour s'aider à entrer en contact avec les autres.

Cas n° 12 : "Prendre des notes est un moyen d'organiser ma pensée. Une partie de mon programme de guérison est un petit carnet que j'emmène avec moi. J'y ai écrit des poèmes… J'y ai aussi écrit un tas de questions à poser aux gens du programme qui m'appellent, pour maintenir la conversation, pour savoir comment me comporter avec quelqu'un qui lutte. Quand j'écris des trucs, cela m'aide vraiment.

"Une partie de ma guérison a consisté à me sentir plus un homme, à être plus assuré, à prendre plus de responsabilités. Je me sens bien quand je fais cela ; il y a une partie de moi qui dit : "ça, c'est le vrai moi." J'aime cette sensation. J'appartiens à un club, et une fois j'ai animé la réunion, aucune personne présente ne pouvait le faire, et c'était bien."

Résumé

Les 5 ont besoin de temps pour traiter les informations nouvelles. Ils tendent à vivre la vie en restant sur le côté, et à intellectualiser plutôt qu'à ressentir, ce qui les isole des groupes de thérapie ou de programme en 12 étapes. Se relier à un groupe est un moyen d'échapper à la honte et à la douleur liées aux comportements dépendants. Le défi pour les 5 est d'apprendre à être plus assurés, à sortir de leur tête pour entrer dans leur cœur.

Un conseiller peut les aider à être plus impliqué, plus en contact avec leur côté actif. Les 5 valorisent la connaissance ; c'est important pour eux de croire que leur conseiller est une personne de grand savoir.

À suivre… le mois prochain

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Jennifer P. Schneider, M.D. pratique la médecine des dépendances à Tucson, AZ. Pour la joindre: 1500 North Wilmot, Suite B-250, Tucson, AZ 85712, U.S.A. Tél. : +1 (520) 721-7886. E-mail : jschndr@azstarnet.com.
Brenda Schaeffer est psychologue dans le Minnesota. Son adresse est : 6542 Regency Lane, Suite 215, Eden Prairie, MN 55344, U.S.A. Tél. : +1 (612) 903-9215.