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Une étude des sous-types instinctifs
Katherine Chernick-Fauvre (Traduction par Isabelle Goury)

Cet article présente quelques résultats issus de la recherche que je mène actuellement sur la façon dont les points de l'Ennéagramme se définissent à partir des trois pulsions instinctives : conservation, sociale et sexuelle. Dans le cadre de cette étude, j'ai envoyé des questionnaires aux membres de la communauté de l'Ennéagramme et cet article expose mes premières découvertes sur les schémas qui ont émergé des contributions des participants. En particulier, je veux me concentrer ici sur la façon dont les ennéatypes se perçoivent eux-mêmes par sous-type, et plus spécifiquement sur l'opposition "Image intériorisée-Image exprimée" : par exemple, ce que les neuf types ont tiré de leur propre expérience intérieure et qu'ils souhaitent ajouter à l'étude des sous-types instinctifs.

Des termes comme "instincts", "pulsions", "sous-types", "pulsions instinctives", "types instinctifs", "variantes instinctives" sont utilisés par différents auteurs pour décrire ce dont je parlerai ici comme de "sous-types instinctifs". Et tout comme pour les ennéatypes, on trouve chez les auteurs différentes vues au sujet des sous-types instinctifs. Cependant, de manière surprenante, il n'y a eu à ce jour, que très peu de publications sur le sujet.

Les recherches semblent indiquer que l'étude des "instincts" et des "pulsions" a fait partie des premiers enseignements "Ennéagones" d'Oscar Ichazo. En 1970, le Dr Claudio Naranjo et d'autres ont suivi un entraînement intensif, avec Ichazo, à Arica au Chili, qui incluait à la fois l'Ennéagramme et les sous-types instinctifs. De 1971 à 1973, Naranjo a formé les groupes SAT [Seekers After Truth : Chercheurs de Vérité] à Berkeley (Californie), et il a commencé à intégrer l'Ennéagramme et les sous-types instinctifs à ses propres enseignements. En 1996, après plus de vingt ans, Naranjo a enseigné à nouveau l'Ennéagramme aux États-Unis, à Boulder (Colorado), en intégrant un regard en profondeur de sa vision des sous-types instinctifs.

Vue d'ensemble

D'après ce que j'ai compris, il y a trois pulsions ou types instinctifs : conservation, social et sexuel. Comme les neuf passions des points de l'Ennéagramme, les pulsions instinctives agissent comme des forces sous-jacentes aux stratégies de notre vie, souvent inconscientes et cependant omniprésentes, et représentant notre façon d'être la plus fondamentale. Les trois pulsions instinctives colorent la façon dont nous agissons, pensons, ressentons, et en fin de compte nous exprimons. Chaque pulsion instinctive peut se manifester au sein de chacun des neuf ennéatypes (d'où au total vingt-sept sous-types instinctifs).

Ichazo nous apprend que "les instincts sont définis… comme trois réactions fondamentales de notre organisme pour maintenir la vie. La relation entre les instincts produit une triade correspondante aux niveaux psychologiques plus élevés ; et ce que ces trois systèmes organiques détectent, intervient à un niveau psychologique fondamental sous forme de centres d'attention instinctifs, dont nous ne pouvons ignorer les exigences parce qu'elles menacent de façon immédiate notre survie."

Naranjo nous apprend que "le type instinctif, qui est une des trois sous-personnalités possibles, est la passion auxiliaire." Il laisse entendre que si le sous-type instinctif peut extérieurement paraître positif, comme un talent ou quelque chose dont on devrait être excessivement fier, intérieurement, il est en fait un reflet de notre tristesse et a un prix à payer — ainsi, "l'huître n'est pas trop intéressée par le prix des perles". Il nous apprend aussi l'origine et la pulsion de chaque sous-type instinctif : "le sous-type conservation provient du ventre et est relié à la protection ; l'instinct social provient de la langue et du désir d'être apprécié ; l'instinct sexuel a une origine génitale et est dirigé par la sexualité et les problèmes œdipiens."

Palmer nous apprend que "comme les neuf passions, les comportements appelés sous-types de l'Ennéagramme agissent comme une préoccupation cachée du type de personnalité. Une fois découvert grâce à l'observation de soi, le point d'attention du sous-type se révèle être un comportement motivé par un instinct (pour la survie, les relations sociales et les relations sexuelles) dominé par la passion du type. Les sous-types désignent une préoccupation mentale, au sein de laquelle sont réunies les énergies du corps physique (les instincts) et les énergies émotionnelles des passions. Comme le point d'attention du sous-type est un comportement ordinaire, je trouve que ces derniers sont des pivots cruciaux dans la transformation des neuf passions en leur opposé supérieur."

Condon enseigne que "la formulation initiale établit qu'à l'intérieur de chaque style, les gens peuvent tendre vers trois sous-orientations possibles. Le sous-type est déterminé par le fait que vous êtes inconsciemment préoccupé par la survie personnelle (conservation), ou que vous êtes enclin aux relations exclusives (intimité) ou que votre style de relation inclut beaucoup de gens (social)."

Riso et Hudson nous apprennent qu'"on peut répartir les gens dans ces trois types instinctifs (auxquels ils se réfèrent comme des "variantes instinctives") simplement en connaissant la définition de ces catégories, sans connaître l'ennéatype des individus… Les types instinctifs peuvent exister en tant que typologie distincte, mais ils peuvent aussi être combinés avec les ennéatypes d'une façon qui explique certaines des variations que l'on voit chez les vraies personnes et que l'on ne peut pas attribuer complètement aux ailes ou aux niveaux de développement."

En théorie, nous sommes gouvernés par les trois pulsions instinctives, car elles représentent notre façon d'être la plus fondamentale, mais il y en a en général une qui est plus dominante et influente dans notre vie, et qui définit la façon dont nous exprimons la passion de notre point de l'Ennéagramme. Si les pulsions étaient toutes les trois en équilibre, nous pourrions fonctionner "à la perfection" ou "de manière appropriée" suivant les besoins de chaque situation. Néanmoins, un tel équilibre est rare, et habituellement une de ces trois pulsions est "endommagée" et capte un montant exagéré de notre attention ; c'est la pulsion instinctive la plus "endommagée" d'une personne, trop employée, qui devient dominante. Le déséquilibre qui en résulte déforme la perception de nos besoins essentiels, et nous pouvons nous retrouver à vivre de grandes parties de notre vie "au service" de cette pulsion endommagée.

Sous-types instinctifs

Nous nous identifions fortement à notre pulsion primaire ainsi qu'à quelques traits secondaires d'une autre pulsion. Parfois, quand deux pulsions instinctives sont tout aussi dominantes, il convient de noter que la troisième est habituellement omise. Peut-être cela démontre-t-il encore l'usage déséquilibré des trois pulsions instinctives tellement essentielles. L'enseignement des sous-types instinctifs laisse entendre que l'on doit prendre soin de ces pulsions instinctives fondamentales, de manière égale, et qu'elles ont besoin d'être équilibrées pour exploiter l'énergie nécessaire pour s'acheminer vers la transformation. L'idée est que l'énergie consacrée à traiter le déséquilibre des pulsions instinctives réduit l'accès que l'on a à l'énergie nécessaire pour aller à l'encontre de la fixation et s'acheminer vers la transformation.

Les pulsions instinctives semblent, non seulement contribuer à établir la distinction entre les différents styles de manifestation de notre ennéatype, mais elles semblent aussi être peut-être l'élément le plus fort de notre type de personnalité, élément plus inconscient et cependant omniprésent. L'influence sous-jacente de notre pulsion instinctive dominante peut être vraiment puissante. De fait, les pulsions instinctives de deux personnes sont plus appropriées pour déterminer des relations réussies que leurs points d'Ennéagramme, car une pulsion instinctive partagée serait un dénominateur commun qui soutient probablement mieux qu'un ennéatype partagé. La raison en est que notre pulsion instinctive donne plus d'indications sur notre "nature animale", celle qui nous permet de survivre, alors que notre personnalité inclut les qualités de notre essence que nous définissons comme notre "nature humaine." Ensemble, elles créent une association qu'on appelle la personnalité ou le "faux soi".

Résultat général

Il semble que les impulsions de notre pulsion instinctive contrôlent notre vie à un degré qui est soumis au même type d'énergie que notre point de l'Ennéagramme. Par exemple, nous pouvons faire l'expérience de nos pulsions et de nos passions de façon modérée ou intense ; nous pouvons avoir le sentiment de les contrôler à un certain niveau ou pratiquement pas ; en outre, nous pouvons soit adopter notre pulsion instinctive, soit agir totalement à son encontre. Que l'on adopte la pulsion comme un atout ou qu'on la voit comme un handicap, il est important de remarquer qu'elle est cependant toujours présente et influente.

Plus précisément, notre pulsion instinctive dominante est, en réalité, notre zone de plus grande faiblesse. Ainsi, quand notre sens de "survie" est menacé, quelque chose pousse sur une sorte de "bouton" qui est relié non seulement à notre point de l'Ennéagramme mais aussi, ce qui est plus important, à notre pulsion instinctive. La fixation devient alors encore plus sévère, alors que nous assumons en plus les peurs de la pulsion instinctive. Ici, le facteur important est que l'élément déclencheur de la fixation est le problème de la pulsion instinctive. Néanmoins, la saveur en sera toujours celle de l'ennéatype, puisque la fixation et la pulsion sont interactives, liées, et toujours rattachées à l'ennéatype.

Dans le contexte du "faux soi" ou personnalité, c'est la pulsion instinctive, qui soi-disant protège la survie du point de l'Ennéagramme, qu'on appelle pour monter au feu quand ce dernier est sous stress. Cependant, puisque la pulsion instinctive dominante est en réalité notre "maillon faible", son entrée en jeu en période de stress peut en fin de compte ne fournir aucune "protection" à notre survie, et en fait exacerber le niveau de stress et de fixation.

La vraie question est : comment exprimons-nous la colère, la peur et le désir ? Comment faisons-nous l'expérience de la maladie et quels types de maladies avons-nous ? Comment agissons-nous quand nous sommes heureux ou malheureux ? Ainsi, demandez-vous comment vous aimez passer votre temps. Avez-vous tendance à vous assurer que vos propres besoins sont satisfaits en ce qui concerne les choses essentielles de la vie (conservation) ? Ou est-ce que votre attention se porte sur le fait d'être en compagnie d'autres personnes et, dans ce cas, de combien, et/ou avez-vous besoin d'être au service des autres (social) ? Ou trouvez-vous plutôt que l'expression fondamentale de vous-même est liée à la compagnie d'un partenaire, d'une façon intime et profonde, et où que vous soyez ou quoi que vous fassiez, êtes-vous toujours à la recherche de cette personne bien-aimée particulière (sexuel) ?

Conclusion

J'ai découvert que les pulsions instinctives, non seulement semblent contribuer à établir la distinction entre les différents styles de manifestation de notre ennéatype, mais qu'elles semblent aussi être peut-être l'élément le plus fort de notre type de personnalité, élément plus inconscient et cependant omniprésent. Nos pulsions instinctives nous motivent dans la lutte humaine continuelle visant à créer et maintenir des relations, à chercher agressivement ce dont nous avons besoin pour survivre, et à défendre ce que nous avons et que nous craignons de perdre. Il est clair que le voyage vers la complétude devrait inclure l'exploration consciente de ces routes instinctives relativement peu fréquentées, et par conséquent conduire finalement à une conscience plus équilibrée et plus intégrée.

Quand on fait œuvre de pionnier dans un nouveau domaine d'étude, il y a toujours la possibilité de controverses, de risques, d'erreurs, de malentendus, de déformation, et ce travail ne fait pas exception. Avec cette étude, j'ai découvert que les réponses de chacun des points de l'Ennéagramme ouvraient des perspectives qui élargissaient profondément ma vision du monde.

(Un témoignage tout particulier de ma reconnaissance : en tant qu'étudiante de nombreux maîtres et de nombreux enseignements, je souhaite manifester ma gratitude pour les travaux d'Ichazo, Naranjo, Speeth, Palmer, Daniels, Riso, Hudson, Hurley, Donson, Condon, Wolinski, Jaxon-Bear, Rohr, Linden, Olson, Forster, O'Hanrahan, Dentai, Keyes, Becker, Spalding, Shane ainsi qu'aux participants de l'étude.)

Sous-type instinctif de l'Ennéagramme et liens affectifs dans les couples

Relations des pulsions instinctives entre elles

Il convient de noter un point d'intérêt remarquable, en ce qui concerne les sous-types instinctifs de l'Ennéagramme : quand cela est nécessaire pour garantir son rôle influent dans le système instinctif trialectique, la pulsion instinctive dominante (conservation, sociale ou sexuelle) se déplace vers les deux autres sous-types. La manière dont le sous-type dominant se sert des deux autres paraît être très spécifique et prévisible. La pulsion dominante conserve le rôle de commandant en chef et les deux autres sont canalisées à travers son objectif. En général, ceci est très primitif et souvent inconscient. Ce déplacement est particulièrement évident en ce qui concerne la pulsion humaine à rechercher un compagnon et à se lier au sein d'un couple, mais cela s'applique à tous les domaines de la vie. Si une relation montre des besoins instinctifs contradictoires, la pulsion instinctive dominante perçoit cela comme une menace pour sa sécurité et agit en conséquence. La confusion sur la manière dont les pulsions instinctives se manifestent pour créer et maintenir un sentiment de sécurité est souvent à l'origine de malentendus. De telles perturbations dans la pulsion instinctive sont souvent un catalyseur qui pousse à demander du conseil ou de la thérapie.

Le sous-type conservation se déplace vers le sous-type sexuel
Par exemple, le sous-type conservation considère qu'un compagnon (ou une compagne) est une nécessité indispensable pour conserver et assurer sa sécurité. Par conséquent, quand il est en quête d'un compagnon, le sous-type conservation ressent de l'anxiété et de l'incertitude, jusqu'à ce qu'il se soit assuré ce compagnon. En réponse à cette peur, le sous-type conservation se déplace vers la pulsion instinctive sexuelle, afin d'attirer un compagnon. En apparence, le sous-type conservation se comporte comme un sous-type sexuel : sensuel, flirteur et prêtant plus d'attention à ses charmes. D'abord, il passe plus de temps en groupe avec l'éventuel compagnon. Une fois qu'il s'est assuré son compagnon, le sous-type conservation revient à ses routines de base, qui idéalement, devraient inclure ce compagnon. C'est un sujet de peine et de déception pour ce sous-type que d'avoir un compagnon qui ne veut pas prêter attention aux problèmes de sécurité, ce qui perturbe son besoin de calme intérieur.
Le sous-type social se déplace vers le sous-type conservation
Quand il choisit un compagnon, le sous-type social réfléchit suivant un point de vue plus révélateur du sous-type conservation. Ce déplacement est très important pour assurer la sécurité désirée, celle que le rang et le statut social peuvent fournir. Le sous-type social recherche un compagnon qui partage sa vision sociale et ses valeurs. Ce déplacement est nécessaire pour répondre au désir d'un compagnon qui se joigne à lui dans ses occupations. Une position sociale assurée est donc essentielle. Il va porter beaucoup d'attention aux relations, au rang et à la capacité à fournir une sécurité financière du compagnon potentiel. Ce sous-type aime rassembler les gens, estimant que "plus on est de fous, plus on rit". De telles personnes sont souvent expertes à se mettre au-devant de la scène et utilisent souvent leur maison pour des événements sociaux, des réunions, des grandes causes. D'abord, le sous-type social passe plus de temps en tête à tête avec le compagnon potentiel. Une fois que le compagnon est à sa place, le sous-type social retourne à ses intérêts extérieurs, groupes et/ou occupations, idéalement, avec son compagnon. C'est un sujet de peine et de déception pour ce sous-type que d'avoir un compagnon qui ne veut pas prêter attention à son besoin d'être entouré, son besoin d'occupations, de grandes causes à défendre, et qui ne veut pas partager son intérêt pour les autres.
Le sous-type sexuel se déplace vers le sous-type social
Le sous-type sexuel (intimité) recherche le grand monde ou l'arène sociale pour trouver le compagnon désiré. Le sous-type sexuel est normalement heureux, blotti dans un cadre retiré, avec un partenaire. Cependant, quand il est seul ou à la recherche d'un compagnon, ce sous-type se conduit beaucoup plus comme le sous-type social. Il faut être avec les autres pour trouver "l'autre". Une fois le compagnon choisi, l'activité sociale sera remplacée par la pulsion dominante à passer du temps en union avec l'autre, seul à seul. D'abord, le sous-type sexuel peut passer du temps avec le compagnon potentiel en compagnie d'autres personnes. Ils deviennent un couple même dans les groupes. Puis une fois la passion pour une relation plus profonde enflammée, le sous-type sexuel va vouloir créer un lien très fort avec la personne désirée. Quand le compagnon est bien déterminé, le sous-type sexuel reprend son style de relation intime : idéalement, des moments de grande intensité passés avec le compagnon désiré. C'est un sujet de peine et de déception pour ce sous-type que d'avoir un compagnon qui ne veut pas prêter attention à l'intensité de leurs relations et au partage intime des pensées les plus profondes et les plus secrètes.

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Katherine Chernick Fauvre & David W. Fauvre, MA : info@enneagram.net ou enneagram.net

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