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Crossing Guard
Analyse

Freddy Gale (Jack Nicholson) : 7

Le personnage de Freddy est une intéressante illustration des comportements possibles d’un 7 quand il se désintègre sous l’effet d’une douleur à laquelle il n’a pas pu échapper, en l’occurrence la mort de sa fille Emily.

Cette souffrance terrifie Freddy et il n’a pas assisté à l’enterrement de sa fille, ni n’est jamais allé sur sa tombe. Mary est bien consciente de cette peur et n’est pas dupe de ses tentatives de mensonge :

  Freddy : J’y suis allé de mon côté, Mary. En privé.
  Mary : Oh ! Vraiment ?
  Freddy : Oui.
  Mary : Alors tu es plus courageux que je ne le pensais. Qu’est-ce qui est inscrit sur la tombe, Freddy ? De quelle couleur est-elle ? Elle est sur une colline ? Sous un arbre ? C’est une stèle ou est-ce une simple dalle de granit ?
  Freddy : [Silence.]
  Mary : C’est ce que je pensais.

Cet évitement de la souffrance étant insuffisant, Freddy essaye de s’étourdir dans le plaisir, écumant les boîtes de nuit avec un groupe d’amis, buvant à l’excès et passant de go-go girls en strip-teaseuses.

C’est suffisant pour occuper ses nuits. Quant aux journées, il met en œuvre sa fixation de planification. Il a entouré sur un calendrier la date de libération de John Booth et fantasme sur le fait qu’il va se venger et le tuer, que Mary en sera "soulagée et fière" et qu’ainsi il reconquerra son amour.

Mais Freddy est un 7 et non pas un 8 ! La vengeance est un projet excitant dont il parle avec enthousiasme :

  Freddy : J’ai une grande nouvelle. C’est une très grande nouvelle. Une nouvelle extraordinaire. Tu veux l’entendre ou pas ?
  Mary : Mmm. Mmm.
  Freddy : Tu es sûre ?
  Mary : Oui.
  Freddy : Il est sorti. John Booth est sorti. Je vais le tuer, Mary.

Mais quand il s’agit de réaliser ce projet, tout change : "Nom de Dieu ! Nom de Dieu ! Ce putain de flingue est pas chargé !" Comment ne pas penser qu’inconsciemment il n’a jamais réellement souhaité concrétiser son projet ? D’ailleurs, il s’assoit, discute avec John et repart dans la planification : "Je vais te donner trois jours. Trois jours. J’oublierai peut-être pas cette saloperie de chargeur, putain de merde !" On notera ce magnifique "peut-être" ! Freddy rentre chez lui et fait une nouvelle marque sur son calendrier.

Ce goût de la planification, cette orientation vers le futur propre au centre mental, Freddy l’exprime aussi avec son assistant à la bijouterie :

  Jefferey : Je pense qu’il faudrait mettre les émeraudes devant les diamants. Ce serait superbe.
  Freddy : Tu as un goût très sûr pour les pierres. Je te fais confiance, Jefferey, mais… Je suis très occupé. Tu as remarqué, hein ? Tout le temps très occupé. Alors euh… Essaye d’anticiper. Je m’apprête à quitter la boutique, c’est toi qui vas fermer, si tu n’as pas les clés du coffre dans la poche, arrête-moi.
  Jefferey : Oui.
  Freddy : Les émeraudes devant, superbe !

On remarquera que Freddy est très positif avec Jefferey. C’est plutôt une attitude habituelle :

  Freddy : Tu es superbe !
  Mary : Superbe, c’est peut-être un peu exagéré.
  Freddy : Non ! Ah non ! Tu es superbe.

Mais si quelqu’un le met en position d’infériorité, il a immédiatement une réaction verbale violente :

  Freddy : Je te fais pitié. Je te fais pitié. Je te fais pitié. Oh bon sang, c’est marrant ce truc, c’est un truc…
  Mary : Freddy, arrête ça tout de suite s’il te plaît.
  Freddy : [Il singe la voix de Mary.] Freddy, arrête ça tout de suite s’il te plaît. [Il reprend sa voix normale.] J’aimerais que tu meures. Putain, j’aimerais que tu crèves.

On remarquera l’emploi du mot "marrant" dans des circonstances qui ne le sont pas et de façon similaire, cette phrase plus tard avec John : "Je vais te faire rire mon vieux. Je me suis fait arrêter ce soir par la police. La totale. Tu veux savoir pourquoi ? Conduite en état d’ivresse ! Conduite en état d’ivresse." Quand Freddy évoque avec Mary les bons moments vécus avec elle, il en parle comme d’un temps où ils étaient "copains", "potes". Il sort du commissariat et déclare : "C’est le bonheur intégral. […] La grande forme." Lorsque le policier le fait marcher sur une ligne pour vérifier qu’il ne conduit pas en état d’ivresse et qu’il trébuche, il rit.

En temps normal, Freddy voit le côté positif des choses. Quand Mary et lui sont en avion et qu’ils traversent une zone de très violentes turbulences, il dit à Mary : "Prie pour qu’on s’écrase. Comme ça, on pourra dire qu’on est des survivants."

Freddy exprime aussi régulièrement sa préférence pour le mental et sa fierté à ce propos : "Un jour, on a enfin une idée originale. On est fier de soi. Elle vous excite. Elle vous fait gamberger." En toutes circonstances, il est important de comprendre. Par exemple, le matin où il arrive en retard à la bijouterie, il dit à son assistant : "Jefferey, je comprends pas. Il est plus de dix heures, et il y a pas un seul bijou en vitrine. Comment ça se fait ?" Quand Freddy se retrouve au commissariat après l’esclandre dans le restaurant, il s’enquiert du fonctionnement de l’ordinateur central et du système de fichage des empreintes digitales.

Nier la capacité de John Booth à comprendre une situation est le moyen d’exprimer sa colère à son égard :

  Freddy : Écoute, je suis bijoutier. J’ai une petite bijouterie. C’est tout ce que j’ai. C’est tout. Voilà ce que je suis. Tu comprends ce que je dis ?
  John : Je crois que oui.
  Freddy : La ferme ! Tu comprends pas. Tu comprends rien. Rien du tout !

Identification avancée : Freddy est un 7 α à aile 8 de sous-type conservation ("Clan").

John Booth (David Morse) : 9

En dehors du fait qu’il est écrasé par la culpabilité, le personnage de John est caractérisé par son calme permanent. Quelles que soient les circonstances, il paraît anesthésié : "La liberté est surestimée." Quand Freddy surgit dans la caravane où il loge pour le tuer, il reste impassible :

  Freddy : Nom de Dieu ! Nom de Dieu ! Ce putain de flingue est pas chargé !
  John : Je peux prendre une cigarette ? Écoutez. Vous voulez fermer la porte, je veux pas réveiller mes parents.
  Freddy : Il veut pas réveiller ses parents ! [Il va fermer la porte de la caravane.]
  John : Quand c’est arrivé… [Silence.] Je voulais mourir. Il y avait pas… [Silence.] Vous savez. Je voulais pas de votre pardon. Je pensais pas le mériter… Et je le mérite pas. Mais… J’imagine que ça faisait longtemps que vous attendiez ce jour. Ça va. Asseyez-vous. Asseyez-vous. Je sais que ça a été long mais j’irais nulle part. Je préviendrai pas les flics. Je serais ici. [Silence.] Je serais ici en train d’essayer d’aller de l’avant. Vous pourriez prendre quelques jours… [Silence.] Pour réfléchir un peu… [Silence.] Et voir si vous pourriez pas me laisser en vie.

Il est tout aussi placide quand Jojo le quitte ("Continue à danser.") ou quand son ami l’interroge sur les sévices qu’il a pu subir en prison :

  Peter : En taule, est-ce que tu t’es fait mettre ?
  John : Ça fait mal que la première fois.

John ignore qui il est réellement, s’il veut vivre ou être tué par Freddy :

  Jojo : Tu veux mourir ?
  John : Je ne sais pas.

John comprend naturellement et facilement les autres, et cela se voit avec ses parents, avec la femme qui lui parle spontanément dans l’autobus, avec Freddy bien sûr :

  John : J’imagine que ça faisait longtemps que vous attendiez ce jour. Ça va. Asseyez-vous. Asseyez-vous. Je sais que ça a été long mais j’irais nulle part. […]
  Freddy : Écoute, je suis bijoutier. J’ai une petite bijouterie. C’est tout ce que j’ai. C’est tout. Voilà ce que je suis. Tu comprends ce que je dis ?
  John : Je crois que oui.

Mais un 9 préfère le centre instinctif autant qu’il le réprime. Derrière son attitude acceptante, il y a chez John une vraie force, une présence physique qui se manifeste lors de la rupture avec Jojo ou quand il entraîne Freddy jusqu’au cimetière où est enterrée Emily.

On notera dans cette dernière scène une préoccupation spirituelle assez caractéristique du type : "Papa arrive. Il faut que tu l’aides."

Identification avancée : John est un 9 α à aile 1.

Mary Gale (Anjelica Huston) : 1

Le personnage de Mary n’est pas particulièrement fouillé mais il ne laisse pas la place à d’autres hypothèses de type. Mary essaye d’être forte, de gérer la situation : elle participe à une thérapie de groupe, elle a pris en charge l’enterrement d’Emily, elle essaye de reconstruire sa vie. Elle ne réussit pas à comprendre l’attitude de fuite de Freddy : "Je t’ai haï pour ta faiblesse."

Mary dit ce qu’elle a à dire et le manifeste corporellement :

  Freddy : J’ai fait des tas de chose pour toi, tu le sais. Des tas de choses. Alors je trouve ça mesquin de ta part de refuser de m’écouter, vraiment mesquin.
  Roger : [Il prend Mary par l’épaule] Mary est contrariée…
  Mary : [Elle se dégage d’un coup de coude.] Excuse-moi, mais je ne suis pas contrariée.

Mary oscille entre des colères fréquentes, soudaines, fortes et brèves et des moments de sensibilité, comme lorsque Freddy lui téléphone après avoir fait un cauchemar.

Identification avancée : Mary est un 1 α de sous-type social ("Inadaptation sociale").

Jojo (Robin Wright Penn) : 7

Jojo est attirée par John Booth, mais elle n’est pas prête à supporter sa souffrance. Elle s’en rend compte dès la première nuit qu’ils passent ensemble : "John, je pense que ta culpabilité est un obstacle trop grand entre toi et moi. Alors préviens-moi quand tu auras choisi la vie."

John revient à la charge le lendemain même, et la réaction immédiate de Jojo est d’éviter toute discussion et de proposer une activité plaisante de diversion :

  John : C’est quoi la culpabilité ?
  Jojo : Pardon ?
  John : Ma culpabilité. T’as parlé de ma culpabilité. C’est quoi ? Définis-la.
  Jojo : Tu veux danser ? [Silence. John reste immobile. Jojo met de la musique] On danse. [Jojo commence à danser, seule.]

Identification avancée : Jojo est un 7 α de sous-type conservation ("Clan").

Roger (Robbie Robertson) : 9

Roger, le nouvel époux de Mary, essaye d’arranger les choses entre Mary et Freddy. Quand Freddy surgit chez eux, il essaye de protéger Mary sans oser s’affirmer face à Freddy :

  Freddy : Dis donc, tous les quatre, vous avez l’air d’une vraie famille. Tu pourrais être leur père.
  Roger : Merci, Freddy.
  Freddy : Une merveilleuse petite famille. Ah oui !
  Roger : Euh… Et qu’est-ce que je peux… Euh… Qu’est-ce que je peux faire pour toi ?
  Freddy : Rien du tout. Je suis venu voir Mary.
  Roger : Ah ! Je voudrais surtout pas être indiscret, Freddy, mais pour quelle raison ?
  Freddy : Si tu n’y vois pas d’inconvénient, je préfère en parler avec elle.
  Roger : Bon.

Roger essaye de minimiser la signification de la colère de Mary :

  Freddy : J’ai fait des tas de chose pour toi, tu le sais. Des tas de choses. Alors je trouve ça mesquin de ta part de refuser de m’écouter, vraiment mesquin.
  Roger : [Il prend Mary par l’épaule] Mary est contrariée…

Quelques instants plus tard, Freddy furieux se précipite sur Mary et agresse physiquement Roger qui propose : "Freddy, si tu me lâchais. Je vais vous faire un café. […] Je propose qu’on aille tous s’asseoir, qu’on boive notre café, et qu’on discute calmement."

Freddy parti, Roger s’excuse auprès de Mary : "Il a sonné à la porte. Je savais pas ce que je devais faire. Je suis navré."

Identification avancée : Roger est un 9 μ de sous-type sexuel ("Union").

Autre

Un autre personnage peut être identifié sur l’Ennéagramme :

Emily, la fille de Freddy et Mary écrasée par John, est un 1. Quand John, après l’avoir renversé avec sa voiture, se penche vers elle qui est mourante, elle s’excuse de ne pas avoir regardé avant de traverser. C’est quand même le comble de la formation réactionnelle !

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