Scroll To Top

Père et fille
Analyse

Père et fille : Ollie TrinkeOllie Trinke (Ben Affleck) : 3

Au début du film, Gertie décrit ainsi son père dans une rédaction : "Il adorait son travail, mais il adorait encore plus maman." Certes, mais il l’adorait comme un 3, en lui offrant son travail et sa réussite. Trois phrases plus loin, Gertie précise : "Papa travaillait tellement que souvent maman ne le voyait que très tard le soir." Et nous voilà immédiatement devant le grand reproche que les 3 reçoivent de leur conjoint : ne pas être assez présent. Aussi Gertrude est obligée de mettre les points sur les i :

  Gertrude : Un jour, je me trouverai un mari qui daignera assister aux séances de préparation.
  Ollie : Je sais, ma chérie. Pardonne-moi. C’est Madonna.
  Gertrude : Tu me fais passer après une autre femme. C’est très galant.
  Ollie : Il faut que je travaille. N’en fais pas un drame.
  Gertrude : Moi aussi je travaille. Pourtant, je n’étais pas en retard.
  Ollie : [Il lève les yeux au ciel.]
  Gertrude : Écoute-moi bien. Le jeune loup qui bossait toute la nuit et qui passait en coup de vent à l’appartement, ce n’est plus toi Ollie. Maintenant tu dois être le jeune papa qui finit à six heures et qui revient passer la soirée en famille. On ne s’en sortira jamais autrement. Tu comprends ?

La mort de son épouse crée évidemment une forte détresse, et cela ravive la compulsion. Il amène Gertie chez son père et cesse de s’en occuper : "Ça m’ennuie d’abuser de ton temps, mais j’ai un max de boulot qui s’est accumulé depuis que… Depuis avant. Je peux pas rentrer très tôt ce soir." Ce dernier essaye bien de l’amener à s’occuper de l’enfant, mais en vain :

  Bart : T’es sourd ou quoi ? Elle braille.
  Ollie : Tu veux t’en occuper ? Je fais un truc hyperimportant là. Tu seras gentil. Merci.

Bart utilise alors les grands moyens. Il part travailler et force ainsi Ollie à emmener le bébé pendant une opération de communication. C’est un coup de stress supplémentaire et comme il se doit, le centre émotionnel bascule en dernière position de la hiérarchie des centres. Ollie traite Will Smith de "médiocre" et les journalistes de "pisseurs de copie".

Cette bascule entre un émotionnel préféré et réprimé est très bien montrée dans le film. En bon 3, Ollie est remarquablement relationnel, mais dès que la compulsion est présente, il devient impitoyable.

Le premier à en faire les frais est le doux Arthur. Son seul tort : n’avoir pas voulu déranger Ollie pour un dossier mineur alors qu’il venait d’enterrer sa femme. La réaction est immédiate : "Quand ce genre de choses se produit et que je ne suis pas à New York, soit tu me trouves, soit tu trouves une autre boîte." Cela ne suffit pas à décourager Arthur qui s’inquiète du moral d’Ollie et de la santé de sa fille. Mais on ne s’occupe pas de ce genre de sujets quand il y a du travail à faire : "Le bébé va bien, Arthur. Tout ce que je demande, c’est qu’on me laisse bosser en paix. Alors, lâche-moi à la fin."

Cette répression de l’émotionnel lui fait complètement oublier les personnes qu’il a en face de lui. Il dit à sa fille : "Je te déteste autant, petite chieuse. Toi et ta mère, vous avez bousillé ma vie. Je veux la récupérer."

Quand il pense enfin retrouver un poste chez Angelotti, il exulte : "Après avoir vécu six ans comme un paria, bam !, je repars à l’attaque. Terminé la balayeuse ! Terminé le camion poubelle ! Terminé les canalisations ! À moi les tapis rouges ! À moi les soirées mondaines ! À moi l’appartement sur Central Park !" Oui, mais il dit cela devant son père et ses deux amis en oubliant qu’eux aussi font ce métier d’employé municipal et ont l’impression de faire un travail honorable.

Seule Maya aura le courage de le lui dire en face : "En fait, ce que tu dis à tous ceux qui t’aiment c’est que ce qu’on a à t’offrir, ça ne te suffit pas, et ça vexe un peu tout le monde."

La passion de mensonge est là et bien là : "C’était dingue. Je suis allé sur l’estrade et je leur ai sorti un tissu de bobards tellement invraisemblables et hypnotisants que je me suis mis la salle dans la poche en moins de deux. Tout ce que je disais tombait pile poil. Tout faisait mouche." Plus encore que de mensonge aux autres, il s’agit d’abord bien sûr de mensonge à soi-même : Ollie ne fait pas le métier de chargé de communication, il est chargé de communication ; il n’y a que là qu’il "assure".

Personne d’autre que lui n’y croit, mais encore une fois, c’est Maya qui le lui dira le plus clairement : "Tu es ce que tu es, que tu le veuilles ou non. Je veux dire : oublie qui tu croyais être et accepte-toi."

La fixation de vanité est elle aussi très manifeste. Par exemple il n’arrête pas de seriner à Maya qu’il a été "le plus jeune directeur de communication jamais nommé chez Mendel-Kirschner".

Ollie est un 3 α de sous-type conservation ("Sécurité").

Père et fille : MayaMaya Harding (Liv Tyler) : 8

On ne refuse rien à Maya. Elle fait une thèse sur le père de famille et l’obsession pornographique. Quand Ollie, qui a voulu louer une cassette porno, refuse de répondre à son questionnaire, la vengeance est immédiate. Alors que Gertie est à quelques pas, elle hurle : "Frank ! Billy le Bi se loue 24 ou 48 heures ?" Et bien entendu Ollie cède.

Elle n’a pas toujours besoin d’aller jusque-là. Il suffit de refuser de discuter :

  Maya : Je ne sais pas. Je peux vous inviter au resto un jour de cette semaine. Je suppose que vous déjeunez quand… Quand vous n’êtes pas plongé dans le X. [Rire]
  Ollie : C’est sympa, mais… non merci.
  Maya : Oh ! Je vous en prie, Ollie. Vous me flinguez mon karma.
  Ollie : Ah oui, parce que me payer à déjeuner, ça va vous rapprocher de Krishna ?
  Maya : Hare ! Hare ! Ça vous va lundi ? Ça marche ? [Elle s’éloigne sans attendre sa réponse.] On peut faire ça en toute simplicité. Je me disais qu’on pouvait aller au Diner. Vers midi.
  Ollie : Non.
  Maya : Va pour midi ! [Rire]
  Ollie : Mais…
  Maya : À lundi ! Au revoir !

Là aussi, Ollie cède et le repas va être un festival des caractéristiques de l’ennéatype 8. D’emblée la communication est directe, peu importe l’impact sur l’autre :

  Maya : Première question. Tu loues des films X tous les combien ?
  Ollie : Ah… Je suis obligé de te dire ça ?
  Maya : Je crois sincèrement qu’il n’y a pas de honte à avoir. Il n’est pas malsain de consommer du X tant que ça ne devient pas une habitude. Alors, dis-moi, tous les combien ?
  Ollie : Trois-quatre fois par semaine.
  Maya : Ah ! Je me suis trop avancé. Honte à toi finalement.
  Ollie : Tu as vraiment le talent de mettre les gens en confiance, de créer le climat propice.
  Maya : Tu loues ça, je suppose, pour te masturber. Exact ?
  Ollie : Je rêve…
  Maya : Je t’en prie ! Joue pas les saintes-nitouches. On est entre adultes.
  Ollie : Moi j’en suis un. Mais toi, t’as quel âge ?
  Maya : Je vais avoir 26 ans au printemps.
  Ollie : 26 ans et tu ne sais toujours pas qu’il y a des pratiques qu’on n’évoque pas en public.

Ici, la passion d’excès du 8 mérite bien son ancien nom de luxure :

  Maya : Si ça peut te rassurer, je le fais deux fois dans la journée. En moyenne.
  Ollie : Non ! Tu rigoles ?
  Maya : Ben, je m’ennuie vite.

Puis la bagarre commence. Maya rend coup pour coup et bien sûr l’emporte :

  Ollie : Attention, tu vas choper une tendinite à ce rythme-là.
  Maya : Eh, oh, t’es pas manchot non plus, alors tu les gardes tes sermons.
  Ollie : Mais enfin…
  Maya : Non, j’ai un solide appétit sexuel.
  Ollie : Alors qu’est-ce que t’attends ? Trouve-toi un petit fiancé.
  Maya : Et toi, qu’est-ce que t’attends ? Trouve-toi une petite fiancée.
  Ollie : Je bosse toute la journée et je garde ma fille le soir.
  Maya : Tu aimes mieux rester avec ta fille que t’envoyer en l’air ?
  Ollie : Ouais.
  Maya : Oh ! [Elle se recule choquée, puis ironique :] C’est adorable, ça. Tu commences à me faire sérieusement craquer, Trinke.
  Ollie : Je vois. J’ai le droit de partir ?
  Maya : Non.

Quand Maya découvre qu’Ollie n’a pas fait l’amour depuis sept ans qu’il est veuf, elle prend vite la décision de le "dégripper" : "Je propose simplement à deux adultes consentants de tirer un coup sans lendemain. A priori un petit coup express, vu que tu manques un peu de pratique." On notera le petit coup de griffe final…

C’est son style de communication habituel : "Vous tenez la forme, je vois. Vous frappez tous azimuts ce soir", note Ollie à un autre moment. En plus d’une communication directe et agressive, Maya utilise volontiers le langage vert assez commun chez les 8 :

  Maya : Si tu veux je lui ressors le topo sur les nibards que ma mère m’a fait quand j’étais gosse.
  Ollie : Est-ce que ça nécessite que tu utilises le mot nibard ?

Là où en fait Ollie est intéressé par la réussite, Maya y voit surtout une des préoccupations du 8 : "Alors maintenant tu es grisé par le pouvoir, c’est logique."

Maya prend bien soin de cacher ses émotions et notamment son amour pour Ollie, compulsion d’évitement de la faiblesse oblige. Quand il est question qu’il reparte pour New York, elle lui dit fermement : "Écoute Ollie, je t’aime bien, mais je serais pas désespérée de te voir partir à New York." Puis elle va pleurer en cachette dans la petite salle où sont stockées les cassettes pornos.

Identification avancée : Maya est un 8 α à aile 7.

Autres

D’autres personnages peuvent être étudiés à l’aide de l’Ennéagramme :

Arthur Brickman (joué par Jason Biggs), le collaborateur d’Ollie, est un bien sympathique 2 : il s’inquiète quand Ollie se retrouve veuf et n’arrête pas de proposer son aide, il sanglote quand Ollie est viré. Quand Ollie lui dit qu’il "a un service à [lui] demander", la réponse est immédiate : "Tout ce que tu veux, j’écoute." Il précise après : "Depuis tout ce temps, j’attends de pouvoir enfin être en mesure de te dépanner et aujourd’hui, je peux. Oui, je peux. C’est pas gagné d’avance, mais je pense pouvoir t’obtenir un tête-à-tête avec Angelotti lui-même." Il prend bien soin d’insister sur le fait que le service est gros et que ce n’est pas "évident".

Gertie Trinke (joué par Raquel Castro), la fille d’Ollie, est une 1. Elle trouve "pas juste" de ne pas pouvoir aller voir Cats. Elle donne un bel exemple de formation réactionnelle quand son père risque de ne pas assister à sa pièce de théâtre parce qu’il a un entretien d’embauche à New York : "Je t’en voudrais pas si t’es pas là. Je comprendrais, tu sais." Mais bon, ce n’est pas le personnage le plus réaliste du film…

Bart Trinke (joué par George Carlin), le père d’Ollie, est vraisemblablement un 1 à aile 9.

Retour à la
description du film