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L’arbre et la forêt
Analyse

L’analyse de ce film est rendue plus subtile par quatre éléments :

  1. La famille vient de subir un deuil, et tous les personnages expriment une certaine tristesse qui influence l’expression de leur ennéatype ;
  2. La famille est profondément dysfonctionnelle du fait de l’impact d’un secret gardé pendant un demi-siècle et qui est connu de certains de ses membres et ignoré par d’autres ;
  3. Frédérick est encore marqué par un ancien traumatisme qu’il n’a pas réussi à pardonner ;
  4. Le film se déroule fin 1999 et début 2000, mais une partie des événements auxquels il est fait référence a eu lieu 60 ans auparavant à une époque où les mœurs étaient différentes et où le niveau d’existence Bleu de la spirale dynamique imprégnait la société.

L'arbre et la forêt : MarianneMarianne (Françoise Fabian) : 2

Après l’enterrement de Charles, Marianne s’est isolée quelques instants. Quand Guillaume vient la chercher parce que ses beaux-parents s’en vont, elle l’accueille ainsi : "Ah ! Guillaume ! Tu as besoin de quelque chose ?" Elle est toujours prête à aider les autres :

  Marianne : Je te sers du café ?
  Delphine : Non, ça va. [Elle tend la main vers la cafetière]
  Marianne : Attends ! Laisse, laisse ! Ça me fait plaisir.

Quand Frédérick décidé de donner ses bois à Guillaume et Delphine et que celle-ci renâcle, elle affirme contre toute évidence : "Tu vois bien que ça nous sert à rien."

Lors de son repas d’anniversaire, alors qu’Élisabeth et Guillaume veulent empêcher Frédérick d’expliquer son absence à l’enterrement de Charles, elle s’efface une fois de plus :

  Élisabeth : Oui, ne vous en faites pas. C’est une affaire oubliée, et puis ne gâchons pas l’anniversaire de Marianne.
  Marianne : Ne vous occupez pas de moi. Guillaume, écoute plutôt ce que ton père a à dire.

Elle a épousé Frédérick parce qu’elle le trouvait très séduisant. Quelque temps plus tard, celui-ci la quitte pour un homme. Dans la société de l’époque, le voilà mis au ban et condamné à l’ostracisme… et donc en grand besoin d’aide : "Il m’a tout raconté, tout. J’ai pleuré des journées entières, d’abord sur moi, et puis sur lui. Et vous savez quoi ? Tout mon amour pour lui est revenu. C’est moi qui lui ai proposé que nous reprenions la vie commune." Voilà Frédérick protégé de la société !

Même si chacun a été libre de sa vie sur le plan sexuel, Marianne aime profondément Frédérick et elle le soutient le défend sans relâche, notamment auprès de Rémi qui ne le connaît pas : "Vous savez, il faut pas juger Frédérick. Il a beaucoup souffert dans la vie.", "Il a aussi ses bons côtés, vous savez, même s’il ne vous les a pas vraiment montrés depuis hier. Tout ça est si difficile pour lui." La seule fois où elle lui fait un reproche, elle le traite d’"égoïste".

Cette aide qu’elle apporte à Frédérick est active et volontaire. Françoise le découvre : "C’est quelqu’un, Marianne, tu sais. […] Faut pas croire, hein ! Elle s’est pas laissé marcher sur la gueule, elle. Malgré les apparences, ce n’est pas une victime." Rémi s’en rend compte immédiatement :

  Rémi : Je vous admire, Marianne. Vous êtes une femme très courageuse.
  Marianne : Est-ce que j’ai le choix ? Vous avez vu ? Ici tout le monde perd la tête. Faut qu’y en ait une au moins qui tienne le coup.

Sa réponse accepte et refuse en même temps le compliment, tout en exprimant la passion d’orgueil et la fixation de dédain. Le mécanisme de défense de répression se manifeste aussi :

  Marianne : Je crois qu’Élisabeth et Guillaume n’ont plus très envie que les petits viennent ici. Déjà qu’on les voyait pas beaucoup.
  Delphine : C’est vraiment nul. Ça te fait de la peine ?
  Marianne : Un peu. Oh mais finalement, tu sais, ça me fatigue beaucoup de les avoir à la maison. Ils sont très turbulents. Bon, vous m’en voulez pas si je vais me coucher maintenant ? Je suis un peu fatiguée.

Identification avancée : Marianne est une 2 μ.

L'arbre et la forêt : FrédérickFrédérick (Guy Marchand) : 5

Portant le poids du secret et du traumatisme de la déportation, le personnage de Frédérick est complexe.

Dès son premier échange avec sa famille, Frédérick affirme la nécessité de penser par soi-même sans tenir compte de l’opinion des autres :

  Guillaume : On enterre ton fils et tu n’es même pas là.
  Frédérick : […] J’ai fait ce que je pensais devoir faire.
  Guillaume : Ça te plaît de faire du scandale. C’est ça ? C’est ça ? Ça t’amuse ?
  Marianne : Guillaume, s’il te plaît !
  Frédérick : C’est pas moi qui fais du scandale, Guillaume, c’est toi.
  Guillaume : [Frédérick va pour se servir un verre. Guillaume le lui enlève des mains.] Tu n’as plus rien à faire ici.
  Frédérick : Je fais ce que je veux. [Il reprend la bouteille et le verre.] Je suis chez moi et je bois mon vin. Mais qu’est-ce qui te prend, mon garçon ?
  Guillaume : Mais écoutez-le ! Écoutez-le ce vieux fou ! Tu me fais honte. Est-ce que tu as pensé à nous ? Est-ce que tu as pensé à ce que les gens allaient dire ?
  Frédérick : Tu te préoccupes des commérages ? T’enterres ton frère et tout ce qui t’inquiète, c’est ce que les gens pensent ? Tu me déçois.
  Marianne : Ça suffit. Frédérick, ça suffit. [Elle pose la main sur l’épaule de Guillaume.] Te mets pas dans cet état. [Guillaume se dégage brutalement et va sangloter au fond de la pièce. Elle se retourne vers Frédérick.] On a déjà assez de chagrin comme ça. [Elle ôte le verre et la bouteille des mains de Frédérick.]
  Frédérick : [Il regarde Marianne sans un mot, lui met la main sur l’épaule dans un geste de réconfort, puis monte dans son bureau-bibliothèque lire une partition de Wagner.]

Tout au long du film, dès qu’il ressent une émotion un peu forte, Frédérick se réfugie dans ce bureau, exprimant à la fois la fixation d’avarice de soi, l’instinct de conservation ("Château fort") et le mécanisme de défense d’isolation du 5. Dans cette pièce, il écoute du Wagner, lit des partitions ou médite. De la fenêtre qui donne sur la cour de la maison, il observe aussi silencieusement les arrivées et les départs. Cette fixation de détachement, il la manifeste aussi souvent en présence de sa famille avec laquelle il est plutôt silencieux.

Quand il parle, c’est souvent de manière assez maladroite et froide. Quand il a annoncé à Delphine qu’il vendait une parcelle de forêt pour payer un voyage à Marianne, il découvre que, contrairement à Guillaume, elle n’y voit pas d’inconvénient. Il met alors fin abruptement à la conversation : "Je suis soulagé. T’es une brave fille. Allez, on va se coucher." Il ne sait pas bien quand ni comment dire les choses :

  Frédérick : Je crois que je dois vous dire un mot. Je vous dois des explications à mon absence à l’enterrement de Charles. Comme tout le monde est réuni à nouveau, je pense que c’est le meilleur moment.
  Guillaume : Papa, laisse tomber. C’est du passé. Et contrairement à toi, je ne pense pas que ce soit le moment.
  Élisabeth : Oui, ne vous en faites pas. C’est une affaire oubliée, et puis ne gâchons pas l’anniversaire de Marianne.
  Marianne : Ne vous occupez pas de moi. Guillaume, écoute plutôt ce que ton père a à dire.

Il a une communication objective et rejette l’expression des émotions :

  Delphine : C’est toi qui les as plantés ceux-là ?
  Frédérick : Certains, oui. Les plus jeunes. Les autres, ils étaient là avant.
  Delphine : Et celui-là, c’est toi ?
  Frédérick : Oui, sans doute.
  Delphine : Tu te souviens depuis quand ?
  Frédérick : Écoute, j’ai des dizaines de milliers d’arbres dans cette forêt. C’est pas moi qui les ai plantés tous de mes propres mains. [Ils avancent un peu plus loin dans la forêt.] Ceux-là, je sais exactement quand ils ont été plantés. J’étais là avec les ouvriers quand Marianne m’a annoncé ta naissance. Alors, ils ont ton âge, peu s’en faut.
  Delphine : Tu m’avais jamais dit, ça.
  Frédérick : C’était une coïncidence. On les a pas planté pour fêter ta naissance.
  Delphine : On pourrait pas la garder cette parcelle ?
  Frédérick : J’ai signé une promesse de vente. Je crois pas que mon acquéreur serait d’accord.
  Delphine : Il va les couper ?
  Frédérick : Dans vingt ou trente ans. On les a plantés pour ça, tu sais ? [Delphine fait quelque pas et va s’adosser à un arbre.] Il faut pas être trop sentimentale.
  Delphine : Je sais pas comment tu fais pour accepter tout ça aussi calmement.

Cela l’amène à privilégier une communication non verbale :

  Marianne : J’ai entendu le message, Frédérick. Depuis le temps, je la connais ta Tétralogie. Je sais que c’est Fricka qui demande à Wotan de sacrifier Siegmund, mais je ne suis pas Fricka, et tu n’es pas Wotan, quoi que tu en penses. Je ne t’ai jamais demandé de sacrifier Guillaume.
  Frédérick : Tu as raison. Je n’avais pas pensé à ça. Il y a des choses très sages dans Wagner.
  Marianne : Pas mal de conneries aussi.
  Frédérick : [Il sourit.]

C’est notamment le cas avec Marianne, "une femme extraordinaire". À sa manière, il l’aime profondément et le manifeste plusieurs fois par des gestes affectueux ou dans cette scène où il la peigne silencieusement.

Frédérick explique sa souffrance de la déportation bien évidemment par les brimades et les violences qu’il a subies, mais il insiste aussi plusieurs fois sur l’incohérence mentale de la situation :

  • "En vérité, si j’en suis sorti vivant, c’est parce que le système était tellement absurde et sans logique qu’on pouvait très bien se retrouver dévoré par les chiens le premier jour ou libéré, comme je l’ai été, sans explication."
  • "C’est pas la peur du passé qui m’en tenait éloigné. C’est parce que ce camp avait été la chose la plus absurde et dénuée de sens de toute mon existence. J’appartiens pas à ce camp même s’il fait partie de ma vie, et je suis pas l’homme qu’ils ont voulu faire de moi en me mettant là-dedans. Je ne liquide pas mon passé, je refuse seulement qu’il m’engloutisse."

Il a apprécié le voyage en Antarctique parce qu’il n’y avait rien :

  Frédérick : Du blanc, rien que du blanc, partout du blanc. Ça, pour être blanc, c’est blanc, on peut pas dire.
  Delphine : Et c’est tout ?
  Frédérick : Je me moque. Tu me connais. Je ne peux pas admettre que ta grand-mère avait raison. C’était… C’était beau comme ce que j’imagine être le Walhalla de Wagner : vierge, silencieux, infini.

Le vocabulaire employé par Frédérick fait régulièrement référence au centre mental : "C’est peut-être idiot, mais j’y tiens beaucoup.", "Moi, j’ai mis deux jours à comprendre que le ciel est vide au-dessus de nous. Vide, vous entendez." Il est consterné par la blague d’Élisabeth sur le lapin sourd.

Confusions possibles : le personnage de Frédérick n’est pas simple à cerner parce que, comme indiqué dans le préambule à cette analyse, il est marqué par le traumatisme des camps et le rejet social de son homosexualité. Certaines scènes peuvent évoquer les ennéatypes 6 ou 4, qui sont d’ailleurs les ailes de son type et qui sont donc normalement perceptibles. Il est toutefois possible d’éliminer ces profils en tant que base.

La scène initiale qui montre Frédérick terrorisé par un chien grassouillet et apparemment inoffensif peut évoquer l’ennéatype 6. Il en est de même de plusieurs scènes où il éprouve le besoin d’être normal, qu’il y ait "une case" correspondant à son cas, ce qui ne l’empêche d’ailleurs pas de dire à Guillaume dans leur première scène : "Je sais pas ce que t’appelles normal, et pour tout dire je m’en fous." Pourtant celui-ci est impossible. Frédérick est de toute évidence de sous-type conservation, et le sous-type correspondant chez le 6 est "Cordialité" : difficile d’attribuer ce qualificatif à Frédérick !

Le goût pour Wagner qui sert de communication symbolique, la carrière rêvée de chef d’orchestre et une certaine forme d’intrépidité ("Le pire, c’est que c’est moi qui me suis livré. Par bravade, je lui ai tout dit.") peuvent évoquer le 4, mais là c’est le besoin plusieurs fois affiché de normalité qui rend l’ennéatype invraisemblable, sans compter que le style de communication est totalement incompatible avec le 4.

Identification avancée : Frédérick est un 5 α de sous-type conservation ("Château fort").

L'arbre et la forêt : FrançoiseFrançoise (Catherine Mouchet) : 7

Malgré les circonstances, Françoise affiche quasiment en permanence un sourire ravi. La passion d’intempérance s’affiche régulièrement. Elle se régale au repas qui suit l’enterrement : "C’est excellent !" Elle trouve toujours une bonne raison de boire un verre. Quand Marianne lui raconte les premiers temps de son mariage avec Frédérick et qu’elle déclare "Nous n’avons jamais partagé. Ménage à trois, j’aurais pas supporté", elle trouve indispensable de fêter le comique de la remarque : "Ah ça, ça mérite encore un petit verre !" Quand Frédérick a révélé son homosexualité, elle dédramatise le chagrin de Delphine : "Quel gâchis quand même ! [Elle rit.] Vous inquiétez pas pour Delphine, je lui parlerai demain. Bon, c’est sans doute un peu dur à avaler pour elle, mais elle a l’âge d’apprendre que la vie n’est pas un conte de fées, non ? [Elle lève son verre.] Santé !"

Et quand c’est possible, autant positiver : "J’ai un peu perdu l’habitude de Wagner au réveil. C’est raide… mais ça dessaoule."

Françoise n’aime pas parler de ses problèmes : "Mais qu’est-ce que tu veux savoir de plus ? Tu as entendu ce qu’a raconté Frédérick. Tu crois vraiment que j’aurais pu vivre longtemps avec un homme comme ça ? Non. Voilà ! J’ai divorcé. Histoire terminée."

Françoise est très présente vis-à-vis de sa belle famille. Pourtant Delphine lui reproche sa légèreté :

  Delphine : Pourquoi est-ce que tu prends toujours tout comme ça ? On peut pas parler sérieusement avec toi.
  Françoise : Mais siii. [Presqu’en chantonnant.] Mais siiiiiii. Simplement, je trouve tout ce fatras psychologique tellement bête. Bon, on a des problèmes avec son papa et sa maman. Qui n’en a pas ?

Bien entendu, il s’agit d’une attitude affichée à l’extérieur. Le film nous la montre plusieurs fois triste quand elle est seule. Elle a un amour particulier pour Frédérick qu’elle a toujours préféré à Charles qui pourtant fut son mari ; à lui, elle peut faire comprendre son chagrin :

  Frédérick : Pourquoi avez-vous choisi ce concerto ?
  Françoise : Pour changer de Wagner. Et parce que ça fait pleurer.

Françoise défend souvent la valeur culte du 7, la liberté. Elle accepte sans problème l’absence de Frédérick à l’enterrement de Charles : "Chacun fait son deuil comme il peut, et Guillaume, pas plus que quiconque, n’a le droit de dicter à Frédérick sa conduite." Elle trouve normale la relation que Frédérick a avec son tilleul, même si elle n’en connaît pas la cause :

  Marianne : Parfois, je me demande s’il ne lui parle pas à cet arbre.
  Françoise : On fait bien écouter du Mozart à des plantes vertes pour qu’elles poussent mieux.

Françoise raconte à Delphine l’histoire des femmes de sa famille, "mariées à des hommes qu’elles n’aimaient pas, toutes victimes d’une famille et d’une société complètement oppressives". Heureusement que le mari de la grand-tante ("un alcoolique fini, il la battait, il la trompait grand classique, quoi") a été "littéralement désintégré à Verdun" : "Je crois qu’elle a mené la belle vie. En tout cas, elle était libre." L’empreinte familiale s’arrête pour Françoise et sa fille : "Nous, nous sommes au bout d’une chaîne de vie malheureuse."

Identification avancée : Françoise est une 7 μ de sous-type conservation ("Clan").

L'arbre et la forêt : DelphineDelphine (Sabrina Seyvecou) : 6

Delphine n’est, pendant tout le film, qu’émotivité, contradictions et doutes.

Elle se préoccupe de ce qu’est une réaction normale à la mort de son père :

  Rémi : Tu manges pas ?
  Delphine : Non, j’ai l’estomac noué.
  Rémi : Ça va pas ? T’es triste, c’est ça ?
  Delphine : Non. Enfin si. Enfin, oui, je me sens pas bien, mais non, je ne suis pas triste, et c’est ça qui me fait de la peine.
  Rémi : Pourquoi ?
  Delphine : Mais Rémi, j’ai enterré mon père, hier. Je devrais être triste. Je devrais être triste à mourir et je ressens rien. Tu comprends ça, toi ? Tu peux me dire pourquoi je ressens rien ?
  Rémi : Je sais pas. Peut-être qu’il est trop tôt. Les grands chocs émotionnels créent parfois une sorte d’anesthésie, enfin je crois.
  Delphine : Arrête, c’est de la psychologie à la con, tout ça. Je ressens rien parce que… Parce que… Parce que mon père s’est jamais occupé de moi. Depuis qu’il est mort, je me rends compte qu’il a jamais joué aucun rôle dans ma vie. Voilà. Et je trouve ça dégueulasse de sa part parce que, moi, maintenant, j’ai l’impression d’être un monstre.
  Rémi : Arrête, t’exagères là.
  Delphine : Mais c’est dingue ça ! Je te dis un truc intime, un truc dont j’ai vraiment honte et, toi, tu me crois pas !
  Rémi : [Quand elle est sortie de la pièce, il soupire puis se remet tranquillement à manger.]

Bien entendu, il n’est pas exact qu’elle ne ressent rien à propos de la mort de son père, curieuse incompréhension de ses propres émotions. D’ailleurs, peu après, elle le défend auprès de Rémi : "C’était pas un salaud. Non, je te jure. C’était pas un salaud."

Le souci de la normalité et du respect des règles apparaît régulièrement dans le film. Elle regrette de s’être emportée avec Guillaume juste après l’enterrement : "J’aurais pas dû m’énerver. Pas aujourd’hui Pas devant toi." dit-elle à Marianne. Quand elle rentre avec Rémi après s’être soi-disant perdu dans le bois et que Guillaume dit en plaisantant qu’ils ont vu "la queue du loup", elle lui lance : "Tes vannes vulgaires ne font rire que toi." Lorsque Frédérick lui annonce qu’il veut offrir le voyage en Antarctique à Marianne parce que c’est une "femme extraordinaire" qui mérite "un cadeau extraordinaire", elle répond simplement : "Je trouve ça normal."

Ce souci de la normalité se manifeste souvent à propos du centre mental. Quand elle rentre de promenade avec Françoise et qu’elle trouve Frédérick et Rémi en train de chanter du Wagner à la fenêtre, sa colère est immédiate et elle hurle : "Ça va pas la tête ! Ohé ! Vous êtes complètement malades tous les deux !" Elle s’inquiète d’ailleurs à propos de sa propre santé en ce domaine : "C’est tous des fous dans cette famille. Ils enterrent leur fils, ils se foutent sur la gueule et après, ils font comme si tout allait bien. Ils vont me rendre folle moi aussi."

La peur est visible non verbalement en permanence. Elle s’exprime aussi par des cauchemars récurrents :"J’ai refait ce rêve. J’étais poursuivie par un homme. Il voulait me tuer. […] J’avais peur, j’avais peur qu’il entre." Elle se manifeste encore par le besoin compulsif de savoir ou de deviner ce que vivent et pensent les autres, accompagné parfois de la fixation de suspicion : "Qu’est-ce qu’il t’a raconté ?", "T’en as parlé à Guillaume. Il l’a mal pris ?", "Je suis sûre que c’est un coup de ma mère, ça. Elle sait que je pleure à chaque fois." Même le silence doit être interprété :

  Delphine : Rémi ! [Elle le secoue pour le réveiller] Rémi, t’entends ?
  Rémi : Qui ?
  Delphine : Ben rien. Pas de Wagner ce matin
  Rémi : Ben, tu vas pas t’en plaindre ?
  Delphine : Ben non. Ça m’inquiète un peu. J’espère que papy est pas malade.
  Rémi : C’est bien que tu t’inquiètes pour lui. C’est bon signe. [Il l’embrasse.] Je suis sûr qu’il va très bien.

En lien avec le sous-type sexuel, il y a aussi la peur de s’engager avec Rémi :

  Delphine : Dis, t’aurais pas un secret à me confier toi aussi ? Un truc vraiment terrible. J’aimerais autant le savoir tout de suite avant qu’on aille plus loin ensemble tous les deux, qu’on fasse des enfants ensemble par exemple.
  Rémi : Un secret ? Non, pas que je sache.

Celui-ci a beau être avec elle présent et tendre, elle doute :

  Delphine : Jure-moi ! Jure-moi que tu me feras jamais de mal !
  Rémi : Mais pourquoi je te ferai du mal ?
  Delphine : Jure-moi, s’il te plaît. Je te demande juste de jurer.
  Rémi : Je te ferai jamais de mal, je te le jure.
  Delphine : On fera pas d’enfant, hein ?

Delphine doute aussi d’elle-même et de ses décisions : "J’aurais jamais dû accepter cette donation." Il lui arrive de réprimer le centre mental :

  Frédérick : C’était une coïncidence. On les a pas planté pour fêter ta naissance.
  Delphine : On pourrait pas la garder cette parcelle ?
  Frédérick : J’ai signé une promesse de vente. Je crois pas que mon acquéreur serait d’accord.
  Delphine : Il va les couper ?
  Frédérick : Dans vingt ou trente ans. On les a plantés pour ça, tu sais ?

Les moments de colère contre-phobiques sont nombreux aussi : "Tu veux quand même pas que je te fasse des excuses.", "T’as besoin te mêler de tout. […] Putain, laisse les gens vivre leur vie. S’ils veulent se foutre sur la gueule, ça les regarde. Parfois ça fait du bien. […] Me dis pas ce que je dois faire. Tu m’emmerdes." "Quel caractère !" soupire Marianne.

Identification avancée : Delphine est une 6 α de sous-type sexuel ("Force-beauté").

L'arbre et la forêt : RémiRémi (Yannick Renier) : 9

Certes Rémi n’est concerné qu’indirectement par la mort de Charles, mais il garde un calme imperturbable au milieu des émotions qui agitent la famille. Il est d’ailleurs significatif qu’il s’entend avec tout le monde, de Guillaume à Frédérick, sans qu’il y ait jamais le moindre heurt. D’emblée, le silencieux et taciturne Frédérick déclare que "ce jeune homme [lui] paraît très sympathique". Il se confie à lui au cours d’une promenade en forêt, et leur entente culmine dans cette scène où, à la stupeur de tous, ils chantent ensemble du Wagner à la fenêtre du bureau de Frédérick.

Rémi est capable de comprendre tous les points de vue et toutes les attitudes :

  Marianne : Vous savez, il faut pas juger Frédérick. Il a beaucoup souffert dans la vie.
  Rémi : Je ne juge personne, même si je le trouve, disons, un peu étrange.

Les seuls moments où Rémi se trouble, c’est lorsqu’il s’agit d’exprimer son ressenti, même sur quelque chose d’aussi simple que de savoir si Wagner passé au niveau sonore maximum l’a réveillé le matin :

  Marianne : On vous a dérangé ce matin ?
  Rémi : Non. Enfin un peu. Pas vraiment.

si la forêt solognote lui plaît :

  Guillaume : Alors, Rémi, la propriété vous plaît ?
  Rémi : Euh oui, c’est, c’est grand.

ou s’il apprécie les arbres :

  Frédérick : Vous aimez les arbres ?
  Rémi : Oui, je crois.
    […]
  Frédérick : Un garçon qui s’intéresse aux arbres, c’est forcément quelqu’un de bien.
  Rémi : [Il sourit, mais ne dit rien.]
  Frédérick : Je vous fais rougir ?
  Rémi : Non, non, ben si, un peu.
  Frédérick : Ben faut pas. [Il s’éloigne.]

La compulsion d’évitement du conflit est plusieurs fois visible. Par exemple, quand Delphine et lui rentrent de la balade en forêt où ils se sont "perdus", Guillaume lui propose de boire un verre. Alors qu’il veut rejoindre Delphine pour déjeuner, il ne sait visiblement pas dire non et laisse Delphine aller mettre la table. Quand elle vient le chercher pour manger, il regarde alternativement Guillaume et Delphine d’un air vaguement confus : le voilà obligé d’en mécontenter un.

Il sait très précisément comment réagir face aux colères de Delphine — mécanisme de fusion ? Il la laisse quand elle se fâche après lui lors du déjeuner :

  Rémi : Arrête, t’exagères là.
  Delphine : Mais c’est dingue ça ! Je te dis un truc intime, un truc dont j’ai vraiment honte et, toi, tu me crois pas !
  Rémi : [Quand elle est sortie de la pièce, il soupire puis se remet tranquillement à manger.]

Par contre, quand il chante avec Frédérick à la fenêtre et que cela provoque la colère de Delphine ("Ça va pas la tête ! Ohé ! Vous êtes complètement malades tous les deux !"), il la rejoint immédiatement dans sa chambre pour désamorcer le conflit.

Identification avancée : Rémi est un 9 μ de sous-type sexuel ("Union").

L'arbre et la forêt : GuillaumeGuillaume (François Négret) : 4

Guillaume manifeste tout au long du film sa profonde souffrance. Elle marque sa physionomie et ses tenues noires — il se traite lui-même de "mainate" —, et il est clair qu’elle est une constante de sa vie et pas seulement le résultat de la mort de son frère. L’instinct de conservation du 4 le pousse à s’autodétruire dans l’alcool, exprimant ainsi à la fois la haine de soi et l’espoir secret d’obtenir une réaction de sa famille :

  Guillaume : C’est dégueulasse, c’est vraiment dégueulasse. Charles, lui, bien sûr, il savait. Le grand frère, le fils aîné, c’était important, il fallait qu’il sache. Moi, je ne suis pas comme lui. Je ne suis pas un salaud, j’suis une merde. J’suis un minable. J’suis un alcoolique. Toi aussi, c’est ce que tu penses, et tu as raison. Je suis qu’une merde. T’as épousé une merde. Non, mais regarde-moi, je suis une loque. J’ai même pas été foutu de lui casser la gueule à ce vieux con.
  Élisabeth : Guillaume, c’est ton père malgré tout.
  Guillaume : Me dis pas que c’est mon père. Cette vieille tante n’est pas mon père. Un père, ça s’intéresse à son fils. Lui, il s’en fout. Il s’en est toujours foutu. Je bois comme un trou, et il s’en fout. Je me détruis, et il dit rien. Et toi non plus, tu dis rien. Personne dit rien. Rien. Motus. Le petit Guillaume, il est comme ça, il a toujours été comme ça. Vous en avez rien à foutre parce que vous savez que je suis une merde. À quoi ça sert de sauver une merde ? Hein ? À quoi ça sert ? À quoi ça sert ? Hein ? [Il ouvre la porte de la voiture pour sauter. Élisabeth gare précipitamment la voiture au bord de la route. Guillaume vomit.] Me regarde pas !

Cette scène a lieu juste après qu’il a appris l’homosexualité de son père. Le choc a été immense, et Guillaume montre, outre la dévalorisation de soi du 4, les deux autres instincts : la honte face à son épouse, et la comparaison et la compétition avec Charles. Ce n’est pas la seule fois. L’instinct social et la honte sont activés dès le début par l’absence de Frédérick à l’enterrement de Charles :

  Guillaume : On enterre ton fils et tu n’es même pas là.
  Frédérick : […] J’ai fait ce que je pensais devoir faire.
  Guillaume : Ça te plaît de faire du scandale. C’est ça ? C’est ça ? Ça t’amuse ?
  Marianne : Guillaume, s’il te plaît !
  Frédérick : C’est pas moi qui fais du scandale, Guillaume, c’est toi.
  Guillaume : [Frédérick va pour se servir un verre. Guillaume le lui enlève des mains.] Tu n’as plus rien à faire ici.
  Frédérick : Je fais ce que je veux. Je suis chez moi et je bois mon vin. Mais qu’est-ce qui te prend, mon garçon ?
  Guillaume : Mais écoutez-le ! Écoutez-le ce vieux fou ! Tu me fais honte. Est-ce que tu as pensé à nous ? Est-ce que tu as pensé à ce que les gens allaient dire ?

Quant à la comparaison avec Charles, elle est exprimée plus tard à Frédérick d’une manière montrant la préoccupation identitaire de l’ennéatype : "Fais ce que tu veux parce que je suis pas comme Charles, moi. Tu le sais ça que je ne suis pas Charles ?"

Chez le 4, en cas de désintégration forte, la passion d’envie dégénère en haine. La haine des autres apparaît par la quasi-permanente agressivité de Guillaume envers les membres de sa famille ; Delphine dit de lui qu’il est "un vrai toxique". La haine de soi est tout aussi forte, mais elle est plus conscientisée :

  Guillaume : On fait quoi maintenant ? Tu avais vraiment besoin de faire ça ? Quelle comédie ! C’est pathétique ! Et maintenant, tu vas écrire un livre ? Passer à la télé ? Vas-y, je m’en fous. Fais ce que tu veux parce que je suis pas comme Charles, moi. Tu le sais ça que je ne suis pas Charles ? Mes beaux-parents en feront une jaunisse. Je m’en fous, je les emmerde. Ils ont honte de leur mainate de gendre ? Eh bien, cela leur fera une raison de plus de me mépriser. De toute façon, tout le monde me méprise, toi le premier.
  Frédérick : [Soupir] Je suis prêt à tout entendre. Tu peux me couvrir d’injures, si tu veux, mais je te laisserai pas dire que je te méprise.
  Guillaume : Quarante ans de mensonge, t’appelles ça comment ? Tu dis que tu es mon père, et je découvre que je ne sais rien de toi. Rien. Tout ce que je sais, c’est que tu ne m’as pas fait confiance.
  Frédérick : Je voulais te protéger.
  Guillaume : Tu parles. Maman et moi, nous étions ta couverture, c’est tout.
  Frédérick : Tu sais pas ce que c’est. J’ai voulu être comme les autres. Normal, comme on dit. Je voulais oublier tout ça. J’ai quitté l’Alsace. Marianne a été très bonne pour moi.
  Guillaume : C’est trop facile. Face le bon père de famille, et pile…
  Frédérick : [Il l’interrompt.] Ah, tu sais pas de quoi tu parles. Tu sais rien. Tu ne sais pas ce que c’est la haine de soi qu’on t’inculque à force d’emprisonnements, de coups, de violences en tout genre, d’humiliations. Tu sais pas ce que c’est d’avoir vécu avec la peur de mourir à chaque instant pendant une année entière, d’avoir été traité comme la lie de l’humanité. [Il a des sanglots dans la voix.] Parce que nous, on était méprisés par tous à commencer par les autres détenus.
  Guillaume : Et comment veux-tu que je sache. Ne me reproche pas aujourd’hui de ne pas savoir ce que tu ne m’as pas enseigné. La seule chose que tu m’as apprise, et bien apprise, c’est la haine de soi. Dans ce domaine, crois-moi tu as été un très bon pédagogue.
  Frédérick : Je sais. Je sais que je suis pas le père que tu voudrais avoir, mais, quoi que tu en penses, tu es mon fils, et je t’aime.
  Guillaume : [Il quitte la pièce sans un mot.]

Même si la problématique avec le père est dominante, c’est par toute la famille que Guillaume se sent rejeté : "Tu vas pas t’y mettre toi aussi. Vous allez pas toutes me faire la leçon. […] Je crois que je ferai mieux de vous laisser entre femmes. Vous vous entendez si bien.", "Vous allez pas tous vous y mettre."

Identification avancée : Guillaume est un 4 μ de sous-type conservation ("Intrépidité") à aile 5.

Autres

D’autres personnages peuvent être étudiés à l’aide de l’Ennéagramme :

Élisabeth (jouée par Sandrine Dumas), est une 9. Lors de l’altercation initiale entre Guillaume et Frédérick, elle cherche immédiatement à calmer le jeu. Elle désapprouve le conflit et essaye de faire comprendre à Guillaume son inutilité : "C’est stupide de s’emporter comme ça. Devant les enfants en plus. Tu connais ton père. C’est un original, il ne fait rien comme tout le monde." Puis elle va s’excuser auprès de Marianne en rappelant au passage son orientation d’acceptation : "Je suis désolée, Marianne, vraiment désolée. Guillaume aurait pas dû s’énerver. Moi je crois que Frédérick a un peu perdu la tête à cause du chagrin. On peut comprendre. Moi en tout cas, je trouve qu’on peut comprendre, vous croyez pas ?" Elle accompagne cette phrase, et plusieurs autres dans le film, d’un petit sourire assez typique de la communication non verbale de nombreux 9.

Quand Françoise reproche quelques instants plus tard à Guillaume la manière dont il parle à son épouse et lui conseille d’arrêter de boire, elle intervient à nouveau pour arrêter le conflit, par la fuite cette fois : "C’est vrai Guillaume, regarde, les enfants sont fatigués, rentrons."

Elle reste impassible lors de la scène de la voiture comme paralysée par la colère et la souffrance de son mari.

Charles (joué par Pierre-Loup Rajot) est un 8 α. Il est persuadé que sa mort est un soulagement pour Frédérick et le dit carrément : "Ne me dis pas que t’es affligé. Au fond, tu seras bien débarrassé." De son vivant, il a réussi à forcer son père à lui dire la vérité, et l’a traité très durement quand il l’a sue : "Il m’a humilié, il m’a traité comme un monstre, il m’a obligé, forcé à continuer à me taire" dit Frédérick qui mentionne aussi qu’il avait peur de lui ("Je ne sais pas quoi il aurait été capable. J’ai eu peur pour Marianne, pour toi Guillaume."). Il a interdit à Frédérick de venir à son enterrement en ne pouvant pas ignorer les conséquences que cela aurait sur la famille : probable manifestation de la fixation de vengeance.

Parlant du tilleul qui a tant d’importance pour Frédérick, Charles déclare : "Au moins s’il tombe sur le vieux, il aura servi à quelque chose." À sa mère, il reproche son "sentimentalisme".

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