Scroll To Top

Les 9 en psychothérapie (1e partie)
Carolyn Bartlett (Traduction par Jérôme Fleury)

 

Cet article est extrait d'un livre en cours de rédaction, Guide pour les Psychothérapeutes et Conseillers utilisant l'Ennéagramme. Il est conçu comme un outil de référence rapide. Le contenu a été développé en intégrant mon expérience de praticien à des entretiens et des enquêtes auprès de personnes ayant suivi une psychothérapie et familières de leur type dans l'Ennéagramme. Quand ces personnes partagent leur histoire à propos de ce qui les a, ou, non aidées dans leur psychothérapie, des caractéristiques particulières à chaque type commencent à émerger. En particulier, ceci s'applique aux descriptions des phénomènes de transfert et de contre-transfert qui ont des spécificités propres à chaque type. Les interventions et méthodes décrites dans chaque chapitre ne sont pas exclusivement bénéfiques pour le type concerné, mais s'appliquent aux cas présentés.
J'ai apprécié l'occasion que j'ai eue d'apprendre au fur et à mesure que des personnes étaient volontaires pour participer à ce projet. Veuillez me contacter si vous êtes intéressé, car je suis encore en train de collecter des informations et des histoires.

9 - Le Médiateur

Attention

Évitement du conflit, recherche de la paix et du confort.

Présentation de la personnalité en thérapie

  • Insouciant, plaisant, passif, consentant.
  • Énergie diffuse.
  • Peut avoir conscience des besoins du thérapeute.
  • Peut répondre lentement.
  • Peut tergiverser, digresser, remettre à plus tard inutilement, parfois entraînant et drôle.
  • Si des problèmes relationnels ont provoqué le désir de thérapie, le client peut apparaître distant, démobilisé et passif.
  • Les relations importantes dans la vie du client peuvent être très en colère.
  • Peut utiliser un humour indirect, montrer un comportement passif-agressif.
  • Difficulté à identifier ses propres sentiments et besoins, se focalisant sur les autres.

Contre-transfert

Le thérapeute peut se sentir en colère, frustré, ou protecteur en réponse à l'attitude passive du client. Le thérapeute peut aussi se sentir endormi, distrait ou en situation excessivement confortable.

Mécanisme de défense

Narcotisation, souvent identifiée comme un engourdissement. Suivant les individus, ceci se manifeste par une suralimentation, une overdose de télévision, un abus de jeux informatiques, un travail acharné ou toute activité inessentielle qui puise de l'énergie. Ce comportement encourage la passion de paresse en évitant au 9 d'être présent et éveillé. Les 9 évitent l'état d'éveil parce que la prise de conscience de leur propre volonté pourrait les conduire en conflit et à une possible perte de contact avec les autres.

Expériences d'enfance

Les 9 apportent au monde les dons spirituels d'Amour et d'Action Juste. Généralement, l'enfant 9 perçoit l'environnement familial comme ne lui permettant pas d'avoir à la fois des sentiments de connexion et d'acceptation inconditionnelle en tant qu'individu unique. L'enfant 9 a peur de la séparation et de l'abandon si ses désirs personnels différaient de ceux des personnes importantes de sa vie, comme ses parents. Ainsi, l'enfant résout cette double contrainte en oubliant son être véritable : "Si je veux ce que tu veux, nous évitons une séparation douloureuse." Afin de garder cette ligne de conduite, il est indispensable de ne pas être attentif à ses volontés personnelles et cela provoque une approche de la vie engourdie et sans intérêt spécifique. La capacité à l'empathie naturelle des 9 provoque la fusion automatique avec les autres qui semblent plus importants, du point de vue de l'enfant. Cette fusion est décrite comme une expérience instinctive chaleureuse. Les 9 accomplissent moins de choses dans la vie que ce que leur potentiel semble leur permettre, à moins qu'ils n'aient comme partenaire une personne dynamique et fortement motivée.

Dans un génogramme (cartographie familiale), les 9 apparaissent souvent comme l'enfant perdu, peut-être l'enfant "sans problème", ou quelqu'un dont le trouble est lié à l'appartenance à un groupe de pairs. Quand ils racontent l'histoire de leur famille, les 9 peuvent se laisser aller à rapporter la vie d'autres membres de la famille plutôt que de partager leurs propres expériences. C'est comme si les 9 étaient uniquement présents pour remarquer les autres.

Les 9 en thérapie

De nombreux 9 ont été volontaires pour partager généreusement leurs expériences relatives à leur engagement en thérapie.

En réalité, renoncer à soi-même est un sacrifice qui provoque généralement colère, rancœur et une profonde tristesse. Les 9 évitent la colère, car le conflit pourrait conduire à la douleur d'une séparation. Les 9 qui sont en colère dans une relation peuvent sortir de ce dilemme par une attitude endormie ou une approche passive-agressive qui peut se manifester par des plaisanteries, des commentaires hors de propos ou une inattention à la conversation. La conclusion d'accords qui ne sont pas suivis ensuite et l'obstination ou la non-communication sont aussi de probables indicateurs de colère. Dans des thérapies de couple, le partenaire peut sembler comme extrêmement en colère, et le 9 paraître plaisant et un peu déconcerté. Cependant, les 9 n'ont pas l'exclusivité de ce "transfert de colère". Toute personne refusant passivement de posséder ses propres émotions peut mystérieusement les déclencher chez les autres.

La capacité des 9 à détourner, dénier ou oublier un important contenu émotionnel est un défi pour les thérapeutes essayant d'intervenir habilement. Souvent, les 9 font un bout de chemin dans une relation en fermant les yeux sur ce qui ne va pas, puis soudain ils s'éveillent et ressentent une profonde rancœur. Ils peuvent oublier de communiquer leur mode de fonctionnement ou même ne pas identifier leurs sentiments et pensées, jusqu'à ce qu'il soit trop tard.

Tom Condon a décrit les 9 en thérapie comme présentant un "aimable défaitisme". Ils peuvent avoir perçu des thérapies précédentes comme autant d'échecs et supposent que toute nouvelle tentative va aussi échouer. Condon suggère que le thérapeute demande à son client 9 de parler de ce qui n'a pas marché au cours des sessions thérapeutiques passées afin d'identifier les mécanismes probables de transfert et de contre-transfert. Des indications importantes peuvent être obtenues par ce biais et permettre de meilleurs résultats.

Par exemple, un 9 qui a répondu à l'enquête a dit ceci : "Au cours des années, j'ai travaillé avec huit différents thérapeutes, à chaque fois pendant quelques mois. Mon expérience a été systématiquement négative. Après quelques semaines de thérapie (la phase de 'découverte de l'autre'), le thérapeute commence à remettre en cause mes convictions. En fin de compte, je renonce et quitte la thérapie. Ce que j'attends d'une psychothérapie est de me sentir optimiste, compétent et OK et non pas de ressentir un désordre émotionnel."

Ce n'est pas une surprise que cette même personne ait indiqué trouver plus d'aide dans des ateliers de développement personnel qui répondent mieux à ses objectifs et l'aident à trouver refuge dans le positif sans l'introspection de la thérapie. Étant donné son expérience de la psychothérapie, enquêter sur ce qui n'avait pas marché dans le passé pourrait l'avoir aidé à éviter une nouvelle vaine tentative de traitement.

Les 9 rapportent une conviction profonde qu'ils ne peuvent avoir ce qu'ils veulent. La peur d'échouer est inconsciente et forte. Par exemple, les 9 en thérapie peuvent exprimer un désir fort de meilleures relations avec leur enfant qu'ils aiment et dont ils sont pourtant distants, ou ils peuvent souhaiter prendre de la distance par rapport à une relation apparemment abusive. Des prises de conscience thérapeutiques font parfois croire à des progrès imminents et pourtant aucune action ne suit la session. La narcotisation est une défense puissante par laquelle le 9 oublie, puis oublie ce qui a été oublié. Le 9 gomme souvent de sa mémoire ou de sa conscience ce qui menace sa stratégie de survie. Il est difficile pour les thérapeutes d'être efficace face à cette tournure d'esprit répétitive. D'un autre côté, les 9 sont presque toujours des personnes agréables et volontaires pour s'engager à explorer un sujet. J'ai fait l'expérience de 9 qui pardonnaient sincèrement, particulièrement quand quelqu'un faisait un réel effort pour les comprendre.

Qu'est-ce qui ne fonctionne pas ?

Les deux raisons classiques d'échec de la thérapie pour les 9 sont :

  1. Travailler avec un thérapeute qui ne remet pas suffisamment en cause le 9 pour qu'il affronte sa colère et son évitement des problèmes.
  2. Travailler avec un thérapeute dont les objectifs font que le client se sent débordé.

Savoir quand remettre en cause les 9 et quand les laisser progresser à leur propre allure n'est pas chose facile. Ce problème est rapporté par des 9 qui se sont sentis pressés et mal jugés par leurs thérapeutes qui "poussaient trop vite et trop fort et demandaient de l'assertivité". Plusieurs ont exprimé le besoin d'être autorisés à progresser à leur propre allure. Cependant, si l'heure de thérapie dérape pour devenir simplement un autre endroit où "aller dormir", aucun changement positif n'est susceptible de se produire. Un 9 a dit : "Je souhaite que les psychothérapeutes réalisent que ce dont j'ai besoin, en tant que 9, est de commencer à agir et à devenir responsable de ma vie, plutôt que d'attendre simplement que les choses arrivent. C'est trop facile pour moi d'ignorer les problèmes et d'espérer simplement qu'ils disparaissent."

Par ailleurs, le thérapeute qui aide de manière excessive et a beaucoup d'idées pour améliorer la situation finira par provoquer le découragement du client et le sien. Les 9 peuvent sembler intéressés par la session et être d'accord avec le thérapeute tant que la "fusion" dure et qu'ils réussissent à deviner ce que veut le thérapeute. Ceci peut conduire à une danse de transfert et de contre-transfert où le client ne réussit pas à changer au grand dam du thérapeute. Pendant ce temps, le client se sent mal par rapport à lui-même et est en colère contre le thérapeute. Une bonne connaissance de soi pour identifier le contre-transfert, combinée avec des stratégies pour vérifier la "réalité" des bons ressentis, permet de conserver l'efficacité des sessions.

L'attachement du thérapeute à un résultat est susceptible d'inciter le 9 à "aller contre". Quand ceci se produit, le thérapeute devient le centre du problème du client. Une 9 qui a partagé son histoire a décrit son abandon de la thérapie en ces termes : "[Ma thérapeute] ne semblait intéressée que par ce qu'elle pensait que j'avais à faire. Elle ne voulait pas en démordre et semblait dégoûtée des choix que je faisais." Cette situation concernait une psychologue psychodynamicienne expérimentée travaillant avec une femme qui avait passivement choisi de rester avec un conjoint ayant refusé un traitement après avoir reconnu avoir battu son enfant, aujourd'hui adulte. La colère du 9 était clairement dirigée contre la thérapeute quand je l'ai interviewé à propos de son expérience, bien qu'elle ait entrepris une thérapie pour travailler les problèmes liés aux abus. Le mécanisme de défense de déplacement, qui consiste en un processus inconscient dans lequel une émotion relative à un objet est redirigée sur un objet de substitution plus acceptable, était activé.

Le déplacement est une des nombreuses possibilités pour que commence un dérapage vers un terrain dommageable de transfert et de contre-transfert. Il peut être détecté par le sentiment de l'émergence d'une lutte ténue de pouvoir lors des sessions. Afin qu'un changement se produise, les 9 ont besoin d'identifier leurs propres problèmes et de s'engager dans la recherche de leurs propres solutions. Si le thérapeute est trop actif, le client peut partir découragé, en colère et incapable, une fois de plus, d'exprimer son insatisfaction par rapport à l'approche du thérapeute. Il faut beaucoup de patience. Si le 9 ne s'engage pas dans le travail thérapeutique avec une réelle énergie, il n'y aura pas de progrès.

La compassion et l'intuition naturelle des besoins des autres peuvent rendre le 9 particulièrement habile à prendre soin des besoins du thérapeute pour éviter ainsi son propre travail. Les 9 sont souvent chaleureux, drôles et attachants. Ils peuvent engager une conversation de salon, sans aucune relation avec leur souffrance, quand l'heure de thérapie commence. Un homme que j'ai interviewé décrivait ainsi son expérience : "Je subissais un divorce très douloureux à la maison, je prenais des drogues, mais je n'ai parlé de rien de cela à mon thérapeute. Je pouvais impressionner mon thérapeute facilement. Je pouvais voir ce qu'il considérait comme un signe de bonne santé et je pouvais le lui présenter, lui présenter une image cohérente. Je pouvais aussi ressentir que le thérapeute était un peu pressé. Chacun sait qu'ils sont submergés de travail ; je ne voulais pas prendre trop de son temps."

Tristement, cette description correspond à l'expérience de l'enfance du 9 de ne pas vouloir être un problème ou de ne pas porter attention à ses besoins personnels. En réponse à la question "Comment le thérapeute aurait pu savoir que vous n'obteniez pas ce dont vous auriez eu besoin ?", le 9 a répondu : "Il aurait pu poser davantage de questions telles que : 'Comment vivez-vous votre souffrance ?' Et aussi : "Qu'est-ce que vous ressentez quand vous êtes ici ?' Répéter, approfondir et peut-être étudier l'histoire familiale pour repérer les pertes."

Travail de couple et de famille

Les 9 disent qu'il est important que les thérapeutes prêtent attention aux indicateurs non verbaux ; sinon, ils peuvent manquer l'occasion de faciliter une meilleure communication lors des thérapies familiales ou de couple. Une femme, qui était dans une relation émotionnellement abusive et qui avait besoin que le thérapeute lui donne la force de parler, décrit ainsi sa thérapie de couple : "J'ai senti que le thérapeute ne réussissait pas à comprendre ce que la fusion avec mon mari me coûtait. Le thérapeute ne semblait pas penser que mes besoins étaient importants." J'ai poursuivi avec cette question : "Comment le thérapeute aurait-il pu savoir quand vous n'étiez pas bien ?" Elle répondit : "Le contact visuel cesse. Je n'acquiesce plus de la tête." D'autres 9 furent d'accord pour dire que les indices décrits par cette femme sont des signes de renoncement à l'espoir. Étant donné la description de l'expérience thérapeutique de cette cliente, le thérapeute aurait pu devenir somnolent et satisfait de lui-même, un contre-transfert classique quand on travaille avec des 9.

À suivre… le mois prochain.