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Intelligence physique et volonté
Joycelyn Campbell (Traduction par Christine Vigneresse)

Si l'on considère le nombre de livres publiés, curieusement, il y a peu de publications sur la volonté. Il y a différentes sortes de volonté et dans cet article, je ferai référence à la "volonté inférieure" et à la "Volonté supérieure". La "volonté inférieure", comme l'intention, concerne le fait de prendre le temps de faire quelque chose qui demande des efforts.

La "Volonté supérieure" n'est pas quelque chose que l'on puisse entraîner, mais plutôt qui apparaît après un travail de développement de la "volonté inférieure". Si nous avons la sensation d'une paix et d'un équilibre intérieurs et si nous nous sentons connectés à quelque chose de plus grand que nous, nous sommes alors en accord avec un dessein plus large et sommes à même de réaliser la "bonne" chose 1.

Un désir de changement nous encourage à développer notre volonté. Cela en vaut l'effort, si nous sommes intéressés à améliorer nos vies. Après avoir lu The Act of Will 2 de Roberto Assagioli, L'intelligence émotionnelle 3 de Daniel Goleman et L'alchimie des émotions 4 de Tara Bennett-Goleman, il me sembla alors qu'une étape cruciale manquait. Ce n'était pas évident de voir comment la "volonté inférieure" pouvait être développée de façon à influencer la capacité à réaliser des changements durables.

En tant qu'étudiante en kinesthésie avec une expérience dans la danse professionnelle, l'enseignement, la chorégraphie, la psychologie transpersonnelle et l'Ennéagramme, je me trouvais contrainte de développer Physical Intelligence (QP), une méthode qui transforme l'énergie émotionnelle en énergie physique et qui enseigne aux gens comment développer et faire confiance à l'intelligence du corps. [QP représente le potentiel (quotient) physique, là où QI représente le quotient intellectuel.]

La façon la plus fréquente pour développer sa "volonté inférieure" est de faire plus d'exercices, de manger sain, de méditer quotidiennement ou de pratiquer le yoga ou le tai chi. Pratiquer des exercices d'intelligence physique augmente la capacité à engager la volonté et à développer l'aisance émotionnelle. L'aisance émotionnelle est une forme d'intelligence émotionnelle qui nous donne la flexibilité de répondre comme chaque situation le requiert : à la manière d'un 8 quand la situation veut que nous soyons un leader ou que nous soyons dans le contrôle, à la manière d'un 9 quand la situation veut que nous soyons patients et à l'écoute, etc.

En appliquant QP nous obtenons des outils pour gérer l'énergie émotionnelle de sorte que nous puissions exprimer des émotions adaptées avec le niveau d'énergie appropriée. Il devient alors plus facile de faire une pause entre l'impulsion à agir et l'action elle-même.

D'après mon expérience, le lien manquant dans le développement de la volonté est la connexion entre la personnalité et le corps. Nos états mentaux influencent nos actes physiques autant que nos actes physiques influencent notre intellect et nos états d'âme. Cela signifie que nous pouvons changer, pas simplement en y réfléchissant ou en voulant être différent, mais en entraînant le corps à se mouvoir de façon inhabituelle.

Mes étudiants m'ont confié être surpris d'avoir fait autant de progrès en développement personnel (en utilisant les techniques QP) ; par exemple, une 5 se surprit à se comporter de façon sociable et aimable au goûter d'anniversaire de sa fille âgée de trois ans, alors qu'un 2 découvrit une nouvelle sorte de courage face à la peur générée par les événements du 11 septembre et trouva ainsi la force d'aider les autres.

Nos types dans l'Ennéagramme impliquent que nous ayons certaines compétences qui peuvent aussi devenir notre faiblesse à cause d'une utilisation excessive. Ces compétences deviennent une habitude après des années d'utilisation. Leur familiarité devient une béquille sur laquelle on s'appuie sans réfléchir ; la facilité à se reposer sur elle devient un piège. Cela cause un aveuglement nous empêchant de regarder chaque instant avec un nouveau regard. Il nous serait tellement plus utile d'adapter nos réactions aux circonstances. Par exemple, on pourrait adopter un comportement généreux et compatissant à la manière d'un 2 en face d'une personne malade ; ce serait probablement le comportement le plus adapté dans l'instant. De même que, quand quelqu'un est pétrifié par l'anxiété, le comportement d'un 6 courageux ou d'un 9 apaisant pourraient constituer des réponses adaptées.

L'attention

Quand nous voulons effectuer un changement dans notre vie, nous commençons par devenir attentif à ce que nous voulons changer. C'est ce qui nous permet d'observer nos comportements indésirables ; ainsi nous pouvons stopper nos réactions habituelles avant d'entrer dans l'action. Quand nous sommes en "pilote automatique", après qu'une émotion dérangeante ait été déclenchée, l'impulsion à agir se transforme automatiquement en action :

Il y a beaucoup d'avantages à la méditation en pleine conscience. En plus d'apprendre à se relaxer et à concentrer son attention, elle développe aussi sa capacité à observer sans juger. En observant sa respiration, les bruits de la pièce, les odeurs, la température, sans juger et en lâchant prise, nous relâcherons notre attachement aux choses et à notre histoire personnelle. Nous pouvons transposer cette capacité à nos émotions en apprenant à les observer sans les juger ni les rattacher à notre histoire, puis à lâcher prise, et enfin peut-être à ne pas y répondre d'une manière prédéterminée.

Dans L'alchimie des émotions, Bennett-Goleman décrit le "quart de seconde magique" qui se situe entre l'impulsion à agir et l'action elle-même. Je crois que dans ce quart de seconde, que j'appelle "point de choix", réside la volonté.

Dans son livre, Bennett-Goleman décrit le travail du neurochirurgien Benjamin Libet. Voici ce que suggère sa découverte :

Pourquoi la pleine conscience peut-elle être une méthode puissante pour apporter de l'intelligence à notre vie émotionnelle ? Parce que le cerveau n'a pas de terminaison nerveuse et ne ressent donc pas la douleur : comme les neurochirurgiens ont besoin d'être certains qu'ils ne vont pas par inadvertance s'aventurer dans une mauvaise partie du cerveau, les patients ne subissent pas d'anesthésie complète pendant une chirurgie du cerveau, mais restent éveillés et conscients. Cela leur permet de parler et de bouger une partie de leur corps et ainsi le chirurgien se rend compte si tout est normal.

Profitant de cette opportunité inhabituelle, le docteur Libet fit une expérience simple : pendant l'acte chirurgical, il demandait à ses patients de remuer les doigts. Il utilisa une ingénieuse horloge qui mesure le temps au millième de seconde près, permettant aux patients de mesurer le temps avec une extrême précision. Ils pouvaient ainsi déterminer le moment précis où ils prenaient conscience du besoin de bouger leurs doigts.

En résumé, cela lui permettait de distinguer le moment "impulsion à agir", du moment de prise de conscience de cette impulsion, de celui de l'action en elle-même. […]

Le cerveau commence à envoyer une impulsion à agir avant que nous commencions à prendre conscience de notre intention de réaliser cette action.

Une fois que la personne est consciente de vouloir bouger, Libet découvrit qu'il y a un autre quart de seconde avant que le mouvement ne commence. Cette période est cruciale ; c'est à ce moment-là que nous avons la possibilité de suivre notre impulsion ou de la rejeter.

Tara Bennett-Goleman, L'alchimie des émotions 5

Une fois que nous avons développé notre attention au point d'être conscients de l'intention d'agir, nous nous trouvons en équilibre sur le "point de choix". Nous pouvons nous demander "Que puis-je faire à la place ?" et "Comment puis-je faire quelque chose de différent ?"

Il est difficile de changer un schéma comportemental même si celui-ci ne nous sert plus. Nous ne pouvons pas changer notre type dans l'Ennéagramme ; nos schémas émotionnels et comportementaux sont devenus des habitudes après une vie entière à les utiliser et sont gravés dans notre psyché. Il est plus facile d'emprunter une voie pavée que de s'aventurer sur un territoire inexploré :

La répétition d'actions augmente le besoin de les répéter plus encore et rend leur réalisation plus facile et plus efficace jusqu'à ce qu'elles puissent être exécutées inconsciemment.

C'est de cette façon que sont forgées les habitudes. Elles peuvent être comparées à des rues ou des avenues ; il est tellement plus facile et plus commode de marcher le long d'une rue que de se frayer un passage au travers des broussailles d'un pays sauvage.

Gustave le Bon, dans son livre La psychologie de l'éducation, va jusqu'à dire que "l'éducation est l'art de faire glisser le conscient vers l'inconscient."

Roberto Assagioli, The Act of Will 6

Les chemins neuronaux

Les chemins neuronaux sont les canaux par lesquels l'information circule entre le cerveau et le corps. Un chemin neuronal commence par un message, une pensée ou une impulsion venant du cerveau. Ce message circule le long des nerfs, les muscles, des neurones, des peptides neuronaux, des molécules, des récepteurs, des membranes et des tissus conjonctifs. Ils communiquent le message aux groupes de muscles appropriés qui à leur tour engagent le corps vers l'action désirée.

Les messages circulent aussi dans la direction opposée le long des mêmes chemins neuronaux. Une sensation physique, comme toucher un poêle brûlant, provoque une série de messages. Les muscles stimulent les nerfs et les nerfs envoient un message au cerveau : douleur. Le cerveau renvoie un message le long du même chemin neuronal : enlève ta main.

Le corps est intelligent et cette série de messages est envoyée très rapidement de façon fluide et inconsciente.

Ceci est un exemple du fonctionnement automatique de notre système nerveux. Mais, et c'est tout aussi important, il existe des chemins neuronaux entraînés à réaliser des actions spéciales comme les travaux quotidiens, la pratique sportive ou l'expression des émotions.

Un enfant apprenant à boire dans une tasse, nous montre le travail laborieux qu'est le développement d'un chemin neuronal. Au début, il est incapable de saisir la tasse, puis il arrive à l'approcher de sa bouche, mais renverse le lait et se macule le visage ou les vêtements… Après de nombreuses répétitions, une fois le chemin neuronal entraîné, l'enfant boira sans renverser une goutte de lait. Une fois adultes, nous avons utilisé ce chemin tellement de fois que son activation est inconsciente et que nous pouvons lire un journal, tenir une conversation et boire une tasse de café sans en renverser une goutte.

Nous avons également des chemins neuronaux bien développés pour toutes nos pensées, nos émotions, nos activités, pour se vêtir le matin, cuisiner, conduire, écouter, exprimer nos émotions et notre confiance en nous, ranger notre bureau ou organiser notre vie. Les schémas de pensées et émotions que nous adoptons le plus souvent sont ceux pour lesquels nous avons les chemins neuronaux les plus développés. Si nous nous répétons fréquemment que nous sommes des ratés, cela crée un chemin neuronal qui va affecter notre attitude et la façon dont nous fonctionnons. En ayant la certitude que tout nous réussit et que nos rêves vont se réaliser, nous créons des chemins neuronaux qui nous stimulent et mobilisent notre énergie et qui modifient notre attitude et la façon dont nous fonctionnons.

De la même façon qu'un enfant apprend à boire, nous pouvons apprendre à faire de la bicyclette ou du ski, à gérer notre colère ou à exprimer nos émotions. On peut entraîner ses chemins neuronaux émotionnels ou physiques en "bougeant à la façon" du nouveau schéma de pensée ou d'émotion. Quand nous utilisons ce chemin neuronal, l'état interne correspondant apparaît.

Un simple exercice physique peut démontrer comment le mouvement influence nos états internes (cf. "Ennéamotion, l'Ennéagramme somatique", EM, février 2000).

Par exemple, un type 1 excessivement critique, constamment en train de juger et de faire observer ce qui ne va pas chez les autres et chez lui-même, n'a probablement pas développé un chemin neuronal pour l'acceptation calme. Un exercice QP pour cet état interne se résume ainsi : marcher avec moins de rigidité et de manière moins directe, en usant moins intensément de son énergie et avec une gestuelle plus ouverte plus calme et plus accueillante. La répétition de cet exercice crée un chemin neuronal pour l'acceptation calme.

Ou considérons quelqu'un qui souhaiterait être authentiquement généreux de son temps comme quand on s'occupe d'une personne aimée malade. Cette personne peut pratiquer l'exercice QP inspiré du type 2 de l'Ennéagramme : un exercice de générosité aimante qui comporte une gestuelle ouverte, ronde, ample et compréhensive en bougeant lentement dans l'espace. La répétition de ces mouvements provoquera un sentiment d'amour généreux.

Nous avons aussi des chemins neuronaux qui se sont trop développés à cause d'une sur-utilisation. Une personne avec un chemin très développé dans l'expression de la colère ne remarquera même pas qu'elle est en colère et qu'elle élève la voix à la moindre provocation -- cette réponse est là, toujours prête, utilisée très souvent et sans effort ; un remède pourrait être l'apprentissage des qualités opposées : l'écoute et la tolérance.

Il y a un temps est une place pour l'expression de toutes les émotions ; mais pour le faire doucement, nous devons être attentifs et présents et avoir une maîtrise émotionnelle, la capacité à répondre de la manière qui sert au mieux chaque instant.

L'exemple suivant est celui d'une 2 dont la pratique des exercices QP, particulièrement la gestuelle du courage du 6, a eu un impact notable sur ses activités de coaching et de conseil.

Votre travail m'a aidée dans mes activités de coaching de cadres et dans mon activité de conseil privé. Maintenant, je suis plus apte à entrer "dans" les différents types, je peux plus facilement ressentir dans mon corps ce que les autres expérimentent. Ce nouveau niveau de discernement a amélioré ma capacité à comprendre rapidement et en profondeur.

Une autre chose est arrivée pour laquelle je ne vous remercierai jamais assez. J'étais une personne optimiste avec une vision positive durant pratiquement toute ma vie ; les événements du 11 septembre et la peur qui s'ensuivit m'ont poussé vers le centre émotionnel, avec lequel je n'avais pas beaucoup d'expérience. Dans votre apprentissage, nous avons transformé l'essence de chaque type en gestuelle et mis en place des postures physiques pour implanter la mémoire dans le corps. Au travers de cet exercice, je fus capable de me connecter au courage du 6 ; je n'ai pas compris au sens intellectuel du terme, mais l'exercice m'a permis de véritablement ressentir le courage. Ce n'est pas un courage parce que vous pensez que les choses vont bien se passer… C'est le courage dans l'affrontement de la peur. Cette expérience m'a permis de rester impliquée dans mon travail et d'apporter mon soutien aux autres. Le 12, une entreprise m'a téléphoné pour former ses managers et ses employés sur la gestion du stress en vue de mieux supporter les clients. En puisant dans l'énergie du 6, je fus capable d'aider les autres à affronter les difficultés.

LS., ennéatype 2

Alchimie émotionnelle : réaliser des changements

En chacun de nous, il y a potentiellement tous les éléments et qualités qu'un être humain puisse avoir, les germes de toutes les vertus et de tous les vices. En chacun de nous, il y a potentiellement un criminel, un saint et un héros. La différence n'est qu'une question de développement, de valeur, de choix, de contrôle et d'expression.

Roberto Assagioli, The Act of Will 7

Une partie du travail sur la volonté et sur QP consiste à développer des réponses différentes. Cela peut assouplir la fixation de notre type dans l'Ennéagramme, faisant de nous des êtres plus équilibrés et responsables face aux situations de la vie.

On peut étendre notre palette d'options pour accéder plus facilement aux vertus de tous les types de l'Ennéagramme. Quand nous en avons besoin, il faudrait pouvoir disposer de l'enthousiasme et la motivation du 3, du sens de l'observation du 5, de la capacité à apaiser du 9, etc. Une fois que vous avez identifié un état désiré, les exercices QP en traduisent les caractéristiques en mouvements. Avec des répétitions, vous entraînez les chemins neuronaux correspondants à cet état ; ils se fixent alors dans la mémoire musculaire et peuvent ensuite être utilisés quand nécessaire. Votre accès à cet état interne est facilité, et vous devenez plus fluide émotionnellement.

Espérant apprendre quelque chose sur l'alchimie qui transforme les émotions, j'ai assisté à un cours sur "L'alchimie des émotions" co-animé par Tara Bennett-Goleman (auteur du livre portant le même titre) et son mari Daniel Goleman qui vulgarisa le terme "intelligence émotionnelle". L'atelier incluait des conférences sur le cerveau, sur l'amygdale, petite structure cérébrale à l'origine de nos réponses instinctives et de nos impulsions à agir. La plus mémorable des conférences avait pour sujet le "quart de seconde magique" décrit plus haut, un instant où les pensées doivent être prises au vol quand on le peut, afin d'arrêter éventuellement une action qu'on regretterait plus tard. Nous apprîmes la différence entre le temps cérébral et le temps réel ; nous apprîmes aussi que le néocortex situé devant l'amygdale peut stopper l'impulsion à agir avant que nous agissions.

L'autre partie du cours incluait des exercices pratiques sur l'attention. Finalement, nous avons posé la question suivante : "Comment effectuons-nous des changements ?" La réponse fut : "Devenez attentif et présent et faites quelque chose de différent." Grâce à la prise de conscience, nous sommes capables de rompre la chaîne des événements et d'opérer un changement :

Je suis d'accord avec leur conclusion, mais je pense que pour la plupart des gens, un outil plus concret est nécessaire pour faire durer le changement. Très souvent une réponse autre que celle que nous avons toujours eue ne nous vient même pas à l'esprit. Nous ne savons même pas ce que le "quelque chose de différent" pourrait être. Ou peut-être nous savons ce que nous voulons faire, mais nous ne savons pas comment le faire. En réalité, si nous n'avons pas fait ce "quelque chose de différent" avant, c'est que nous n'avons pas de chemin neuronal adapté.

Ma suggestion serait d'explorer une série d'alternatives en pratiquant les exercices QP quand nous ne sommes pas dans un "point de choix", de pratiquer l'apprentissage quand il n'y a pas de décision à prendre. De cette façon, nous sommes moins pressés, nous pouvons apprendre en jouant et ainsi quand le besoin s'en ferait sentir, notre chemin neuronal serait déjà prêt.

Pensées, émotions et le corps (mouvements et comportements)

Ceci est un exercice d'imagination qui illustre la relation entre la pensée, l'émotion et le corps 8.

Vos pensées influencent vos émotions et votre corps. Fermez les yeux un instant et imaginez que vous rencontrez quelqu'un que vous aimez bien et que vous n'aviez pas vu depuis longtemps. Observez votre corps. Observez votre respiration, votre position corporelle, votre énergie. Étudiez vos émotions. Gardez cela en vous quelques instants, puis laissez partir ces ressentis.

Maintenant imaginez-vous dans un moment où vous avez été critiqué, blessé ou injurié. Observez votre corps ; observez votre respiration, la tension de vos muscles. Vous vous sentez peut-être tendu, lourd et figé.

Avez-vous remarqué qu'en choisissant de se positionner dans différents schémas de pensées ou événements passés, nous ressentons soit de l'exaltation, soit un sentiment de dépression et une incapacité de fonctionnement ?

Vos émotions influencent vos pensées et votre corps. Fermez les yeux et souvenez-vous de l'instant où vous êtes tombés amoureux. Observez votre corps et la tension (ou le manque de tension) de vos muscles. Observez votre respiration, vos pensées, les images et souvenirs qui font surface.

Avez-vous remarqué comment cette émotion a un impact à la fois sur vos pensées et sur votre énergie ?

Votre corps (gestuelle et comportement) influence vos pensées et vos émotions. Fermez de nouveau les yeux et respirez profondément. Prenez le temps de vous centrer sur votre respiration. Laissez les autres pensées aller et venir et revenez toujours sur votre respiration. Si vous avez passé votre journée à courir dans tous les sens et à accomplir des tâches multiples, vos pensées sont peut-être anxieuses et énervées, vos sensations sont peut-être fortes et violentes. Restez simplement attentif à votre respiration.

Avez-vous observé un impact sur vos pensées et sur vos émotions ?

Ces principes sont utilisés depuis des millénaires dans des techniques comme la méditation, le yoga, le Tai Chi et le Chi Gong qui sont fondés sur la croyance que le corps, les pensées et les émotions sont inextricablement mêlés.

Les déclencheurs

L'exemple donné plus haut (toucher un poêle chaud et retirer sa main) illustre le fait que les informations parcourent les chemins neuronaux dans les deux sens : de l'intérieur vers l'extérieur et de l'extérieur vers l'intérieur.

Intérieur vers extérieur : quand nous sommes en colère, nos pensées et notre énergie sont lourdes ; quand nous sommes heureux, nos pensées et notre énergie sont légères. Autre exemple : quand votre intellect pense "Prends ta voiture et va au travail", votre corps sait ce qu'il faut faire. Nos pensées et nos émotions influencent notre corps (actions et comportements)

Extérieur vers intérieur : en plongeant dans un bon bain chaud, vous ressentez un effet calmant sur vos pensées et vos émotions. Nos actes physiques influencent notre état interne.

Le "chaînon manquant" dans le développement de la volonté est fondé sur le fait que l'information circule le long des chemins neuronaux de l'extérieur vers l'intérieur. Cela signifie que nous pouvons élargir notre palette d'émotions et de pensées en entraînant notre corps à "bouger à la façon de" selon les besoins de nos multiples états internes. En construisant et entraînant un chemin neuronal, nous pouvons faire appel à lui quand nous en avons besoin. Nous gravons dans notre mémoire physique un nouveau chemin neuronal en installant un déclencheur qui sera chargé de l'activer.

Le déclencheur peut être une position corporelle, un mot ou une courte expression.

La position corporelle proche d'un mudra (mot sanskrit désignant un geste qui permet de provoquer un état interne déterminé) est une position avec une gestuelle particulière qui caractérise les qualités internes que vous entraînez.

Le mot ou expression courte, semblable à un mantra (mot sanskrit désignant un son qui permet de provoquer un état interne déterminé) appelle l'essence des qualités internes que vous mettez en apprentissage.

Chaque chemin neuronal à son propre déclencheur.

L'utilisation des déclencheurs est bien illustrée dans l'exemple suivant :

J'ai appris que des positions corporelles pouvaient changer mes émotions. J'ai remarqué pouvoir mieux utiliser la solidité du type 8 quand je rentre à la maison et que je dois discuter avec ma mère de type 6. Je sens la force dans mon corps et ne réagis pas trop. La gestuelle du 8 m'a aidé à trouver mon pouvoir personnel, ce que j'apprécie beaucoup. Quand je suis sous stress, les déclencheurs m'aident à trouver en moi-même mon intégrité physique, au lieu de me sentir si vulnérable.

C.K., ennéatype 6

La 5 évoquée plus haut adoptait depuis longtemps un chemin neuronal pour s'exclure des situations sociales. Ne désirant pas cela dans certaines occasions, elle se sert de ses déclencheurs.

Hier soir, j'ai actionné mes déclencheurs avant le dîner que j'organisais et j'ai fait de même pour le goûter d'anniversaire de ma fille de trois ans. Comme vous le savez, les réceptions sont pour moi des moments difficiles, surtout quand on est la "maman" d'une petite "jeune femme" et que l'on doit s'occuper des besoins de tout le monde. Quoi qu'il en soit, au lieu de fuir et de me réfugier dans ma chambre, j'ai tout préparé lentement et méthodiquement et j'ai participé aux diverses conversations légères sans aucune rancœur et sans me mettre en retrait. J'étais intéressée par l'observation du son de ma voix et l'expression de mon visage était "tendre". Il n'y a pas d'autre mot pour décrire cela. Je me sentais douce comme un type 2, en osmose avec mes invités, aussi bien avec les adultes qu'avec les jeunes enfants. Je pense que je n'avais jamais découvert cette qualité au fond de moi et pourtant c'était complètement spontané. On peut considérer que cet exemple constitue un témoignage de la validité de votre travail !

G.H., ennéatype 5

En résumé la capacité à utiliser notre volonté respecte les étapes suivantes :

  • développer l'attention,
  • élargir notre palette de possibilités (quand nous ne sommes pas à l'étape "point de choix") en développant les chemins neuronaux qui représentent des états internes alternatifs et leurs déclencheurs,
  • prendre conscience du moment "point de choix",
  • décider comment réagir,
  • activer le déclencheur (position gestuelle, mot, expression) pour que l'état interne puisse actionner le chemin neuronal correspondant.

Cette série d'étapes provoquera l'état interne désiré.

Avec le désir de changer, suffisamment d'attention pour vous connecter à vous-même pendant le "quart de seconde magique" et l'utilisation de déclencheurs pour développer l'aisance émotionnelle, cela devient plus facile de faire appel à sa volonté et de réaliser des changements positifs. L'élargissement de nos choix nous sort de l'enfermement et nous amène vers la complétude qui est une des clés pour une vie heureuse.

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Remerciements spéciaux à Don Riso qui m'a donné un contexte dans lequel développer mes idées, ainsi qu'à Tom Condon pour les différentes conversations que nous avons eues sur l'intelligence physique et qui ont toujours été sources d'inspiration pour moi.

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1 Mes idées sur la "volonté inférieure" et la "Volonté supérieure" m'ont été inspirées par une conversation avec Robert Frager, un des fondateurs de l'Institute of Transpersonal Psychology.
2 Assagioli, Roberto, M.D., The Act of Will (Penguin Books, NY), 1973.
3 Goleman, Daniel, L'Intelligence émotionnelle : Why It Can Matter More Than IQ (Robert Laffont, Paris), 1999.
4 Bennett-Goleman, Tara, L'alchimie des émotions : Comment l'esprit peut guérir le cœur (préface du Dalaï-Lama) (Robert Laffont, Paris), 2002.
5 Bennett-Goleman, p. 144-145 de l'édition anglaise parue chez Harmony Books (New York), 2001.
6 Assagioli, p. 57.
7 Ibid, p. 89.
8 La connexion entre pensées, émotions et corps m'a été inspirée par de nombreuses conversations avec Jack Labanauskas qui compare émotion, pensée et actions à un tabouret à trois pieds. En termes de changement, il avait raison de dire : "Si vous ne pouvez pas bouger le tabouret en le tenant par un pied, saisissez un autre pied."

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Andrea Isaacs, co-fondatrice et co-éditeur d'Enneagram Monthly, a combiné son expérience de danseuse et ses connaissances en psychologie pour développer "Physical Intelligence". Elle est membre de Continuing Education à l'Institute of Transpersonal Psychology, intervient lors des formations de Riso-Hudson, appartient au bureau de l'IEA et anime des séminaires dans le monde entier. Pour plus d'information, vous pouvez visiter son site à www.physical-intelligence.com ou la contacter à andreais@earthlink.net.