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Voir votre enfant
Barbara Whiteside (Traduction par Jannik Hagen)

« Aime l'enfant qui est devant toi, pas celui qui est dans ton esprit. »

Je ne me souviens pas où et quand j'ai vu cette citation mais je ne l'ai jamais oubliée. Qui parmi nous pense, même adulte, qu'il n'a pas envie d'être vu et aimé pour ce qu'il est ? Les psychologues humanistes croient que c'est le cas et soulignent qu'il n'est pas possible pour les clients de guérir tant que ceux-ci ne sentent pas chez leur thérapeute de l'acceptation, de l'authenticité et de l'empathie. Freud disait lui aussi, qu'« en fin de compte, la psychanalyse est un remède d'amour ».

En tant qu'adultes, nous voyons souvent les limites de notre ennéatype et de sa passion. Certains s'attacheront à une image positive d'eux-mêmes plutôt que d'aimer leur type. D'autres ont une image d'eux-mêmes qui est odieuse, détestant leur type tout en y étant néanmoins attachés. Même quand nous cherchons à nous éloigner des contraintes de notre manière d'être habituelle pour aller vers ce qu'il y a de mieux en nous, notre type a une influence envahissante sur la façon dont nous voyons le monde, y compris nos enfants.

Penser à l'ennéatype de nos enfants peut être déroutant. Nous savons que l'estime de soi chez nos enfants est, d'une certaine façon, conditionnée par notre capacité à leur donner ce que Carl Rogers appelle « l'estime positive inconditionnelle ». En fait les enfants ont besoin d'avoir leur ego consolidé. Par exemple, notre enfant 3 a besoin d'entendre les applaudissements quand il fait un sketch pour le voisinage ou écrit un bon article. Les 1 ont besoin d'être encouragés quand ils essaient de dessiner le cheval exactement comme il l'est dans le livre, et ont besoin d'être écoutés quand les autres les déçoivent. Les 5 ont besoin de sentir que leur besoin d'intimité est respecté quand ils se plongent profondément dans l'étude des dinosaures. Les 7 ont besoin que nous riions de leurs blagues et que nous transformions les corvées en amusements. Les 2 ont besoin que nous appréciions leur aide quand ils débarrassent la table ou quand ils effacent le tableau noir. Oui, cela peut nous inquiéter en tant que parents de voir notre 6 phobique terrifié le premier jour d'école, ou notre enfant 4 créer un drame familial en exprimant ses sentiments, ou notre enfant 8 se diriger avec une batte de base-ball vers sa sœur, ou notre enfant 5 disparaître dans sa chambre au milieu d'un rassemblement de vacances, ou notre enfant 9 suivre un groupe qui fait de mauvais choix.

Je crois que la meilleure façon de travailler avec les parents est de les aider à se voir plus clairement par la compréhension de leur ennéatype, et à réaliser comment le filtre de leur type influence leur façon de voir leur enfant. Par la même occasion, il est important pour les parents de reconnaître que certains comportements sont davantage le reflet d'un âge et d'un stade de développement de l'enfant, plutôt que d'un éventuel ennéatype. Par exemple, j'ai noté que les parents d'un enfant de trois ans, après avoir étudié l'ennéagramme, affirment souvent que leur enfant est un 8, non pas parce qu'il est effectivement un 8 (à mon avis, il est trop jeune pour qu'on puisse le dire), mais parce que beaucoup de petits de trois ans se comportent à la manière d'un 8. De la même façon, nombre de parents voient leurs adolescents comme des 4 à cause de la morosité, l'intensité, le drame occasionnel et le questionnement existentiel qui font si souvent partie de l'adolescence, que l'ado soit ou non un 4. Les stades de développement peuvent imiter un type, et, parfois, les parents vont confondre un stade où se trouve l'enfant avec un ennéatype. [Note de l'IFE : ce point extrêmement important concerne aussi les adultes, et lever ces confusions fait l'objet de notre module "Ennéagramme : SD".]

Le principe d'incertitude d'Heisenberg et l'effet de l'observateur de la physique quantique viennent jouer un rôle ici aussi. J'ai compris du principe d'incertitude que certains aspects d'une particule ou d'un atome ne peuvent pas être connus précisément et devraient ainsi être compris comme des probabilités, pas des absolus. L'effet de l'observateur est l'idée que l'action de mesurer un attribut (dans ce cas précis, typer notre enfant) a un impact sur cet attribut, et que plus on veut être précis dans la mesure et plus l'impact est grand.

Qu'est-ce que tout cela à affaire avec des enfants ? C'est difficile pour nous de voir nos propres enfants précisément, car nous utilisons le filtre de notre type comme instrument pour les regarder. Beaucoup d'entre nous ont eu cette expérience d'un voisin, d'une connaissance ou d'un enseignant qui décrit notre propre petit comme un étranger, sûrement pas comme notre enfant ! Plus un parent apprend à s'auto-observer et à comprendre son propre type, et plus grande sera la probabilité qu'il voit son enfant clairement. Je connais un père 8 qui insiste que son fils de neuf ans est un 8 et qui se dispute âprement avec lui. Le papa voit un monde de forts et de faibles et s'imagine comme un marteau dans un monde de clous ; il discerne son garçon dans ce contexte. Peut-être qu'avec une meilleure compréhension de sa structure égotique et de la façon dont il voit le monde, il serait capable d'ajuster son regard et de voir et de comprendre son fils comme il est réellement. Le père et le fils en profiteraient.

Nous avons fréquemment nos propres préjugés qui influencent la façon dont nous voyons nos enfants. Je connais une mère 3 qui passait du bon temps sa fille 7 car elles avaient toutes les deux une énergie assurée et aimaient avoir beaucoup d'activités, mais pour des motivations différentes. Cette même mère s'est évertuée à comprendre sa fille 4 car elle la considérait comme manquant de ressources par rapport à ses sœurs. Qui parmi nous n'a pas de préjugés ? Je n'ai pas encore rencontré un parent qui n'a pas plus de difficulté avec un enfant qu'avec un autre. Nous avons besoin d'être conscients des préférences de notre type et de celles des autres types, surtout quand nous avons affaire à nos enfants.

Une de mes façons de travailler avec des parents pour surmonter cet obstacle est de puiser dans le concept bouddhiste de la Vue Juste. Quelle est notre intention en décidant que notre enfant est de tel ou tel type ? Utilisons-nous cette conception pour nous aider vers la compassion, la compréhension et l'acceptation ou pour entretenir nos préjugés ? Dans l'ensemble, mon expérience est que la plupart des parents aiment profondément leurs enfants, mais ne les comprennent que rarement. Je demande aux parents de garder leurs opinions sur leur enfant assez ouvertes, afin de les voir comme une personnalité qui se développe dynamiquement plutôt que de se placer statiquement dans un ennéatype concret.

En tant qu'adultes, nous savons que nous avons tous les types en nous, avec peut-être des connexions plus évidentes vers nos ailes, nos types d'intégration et de désintégration. C'est identique pour nos enfants. Je demande aux parents de ne pas être trop sûrs, parce que la certitude va les amener à rassembler les preuves qui soutiennent leur point de vue et nier les preuves du contraire. L'Ennéagramme n'est pas censé traiter des absolus. Je peux dire à un parent : « Je vois que votre enfant montre des caractéristiques qui ressemblent beaucoup à du 6. Essayons de comprendre cela à partir d'un point de vue de 6 et de venir avec quelques idées comment gérer cette situation. »

Que pouvons-nous faire de plus dès que nous nous sentons capables d'apporter de la clarté à la façon de voir notre enfant ? Comment agir pour renforcer leurs ego fragiles et en développement, tout en gardant à l'esprit qu'un ego qui tourne mal pourrait un de ces jours leur causer une grande souffrance ?

Nous les parents pouvons faire cela en devenant les détenteurs du paradoxe. Nous pouvons voir et aimer notre petit 9 qui vit l'oubli de soi, tout en guettant des incursions vers l'idée supérieure de l'amour où il n'est plus invisible pour lui et pour les autres, veut participer et est inclus, et la vertu d'activité quand son énergie se rassemble derrière son assurance. Nous pouvons donner à notre enfant 8 des limites claires, veiller à son respect, lui tenir tête et ne pas être victime d'intimidation, tout en étant conscients de sa vertu de simplicité. Nous pouvons écouter la peur du noir ou de notre absence pour le week-end de notre enfant 6, reconnaître sa sensation, répondre à ses questions, réfléchir avec lui à des moyens de réduire son anxiété (une veilleuse et la porte ouverte, appeler tous les matins et toutes les nuits, etc.), tout en sachant simultanément que cette petite chose qu'il recherche, il l'a déjà… Confiance et Courage.

Plus que tout, nous pouvons écouter. Le théologien Paul Tillich dit « le premier devoir de l'amour est d'écouter ». Il y a beaucoup de témoignages de reconnaissance, de félicitations, et de récompenses accordées aux réalisations et aux actions de nos enfants. La plupart d'entre nous diraient que nous voulons que nos enfants sachent qu'ils sont aimés pour ce qu'ils sont, pas pour ce qu'ils font. Ma définition favorite de l'empathie est : « témoigner à l'autre une attention bienveillante, ouverte et généreuse. » Bien écouter l'autre est comme une promenade dans la nature. Quelque chose en nous s'apaise, et nous commençons à entendre la voix calme qui cherche à s'exprimer, tout comme nous entendons le gazouillis d'un oiseau inconnu. Si nous pouvons apprendre à bien écouter nos enfants, nous permettons à tous ces sentiments inconfortables qui font partie de notre type de s'exprimer. Nous commençons à entendre la contrariété (colère) de notre 1 envers son ami ou professeur, ou la tristesse de notre 4 et son envie de ne pas tenir le rôle principal dans la pièce, ou la crainte de notre 6 à inviter une fille à danser.

À travers l'écoute, notre enfant prend l'habitude de toutes les caractéristiques qui définissent son ennéatype. Peu de choses ont besoin d'être reléguées aux tréfonds de l'inconscient quand l'enfant se sent entendu, aimé et accepté exactement comme il est, avec tout le désordre et le mélange de sentiments qui font de nous des humains. Dans ces moments, quand nous ne nous cantonnons plus aux passions qui surgissent, quelque chose de magique commence à s'ouvrir en chacun de nous, aussi bien chez les parents que les enfants. C'est ici, dans ce creuset de la relation, que nous connaissons l'amour et toutes les caractéristiques de l'essence qui découlent de cette source.

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