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Il était une fois le Bronx
Analyse

Calogero Anello (Francis Capra & Lillo Brancato) : 6

Calogero a toujours besoin d’une autorité autour de laquelle il organise sa vie. Cette autorité, ce n’est pas seulement un modèle, c’est une idole qu’il révère. D’ailleurs, il en parle en employant un vocabulaire religieux. À propos du champion des Yankees, il déclare : "C’était mon dieu." Parlant de Sonny, il affirme : "Tout le monde l’aimait, le vénérait. D’ailleurs, c’était le dieu du quartier. Je restais assis sur mes marches et je le regardais jour et nuit." Toujours en parlant de Sonny, il déclare au prêtre qui le confesse : "Mon dieu à moi, il fait la loi dans le quartier."

Même s’il n’en parle pas de la même manière, il éprouve un respect voisin pour son père. À lui comme à Sonny, il passe son temps à demander ce qu’il doit faire et/ou s’il a bien fait.

Mais en bon 6, il conjugue respect et refus de l’autorité. Il va fréquenter la bande à Sonny dans le bar, malgré les interdictions de son père. Il sort avec Gomina et sa bande de petits voyous racistes, en dépit des avertissements de Sonny. Quand il est pris en flagrant délit, il ment contre toute évidence et contre toute logique, pour se protéger dans l’instant. De l’autorité, il attend loyauté et confiance. Le thème de la confiance est au centre de discussions qu’il a avec son père et avec Sonny. Quand Sonny le soupçonne de complicité dans le dépôt d’une bombe dans sa voiture, il est profondément blessé.

Calogero est extrêmement sensible au fait d’être accepté par les groupes dont il fait partie. Quand il tombe amoureux de Jane, une étudiante noire, il pense : "Il y a les copains ; ils vont se foutre de ma gueule." Même quand il est en désaccord avec ses amis à propos de leur attitude vis-à-vis de la communauté noire, il n’exprime jamais ce désaccord. Il en parle ainsi avec Sonny :

  Sonny : Tu te laisses trop entraîner par ces branleurs.
  Calogero : Je vous jure que j’essaie, mais c’est parce qu’on déteste ces mecs. Enfin moi, je les déteste pas, mais eux…

Et quand la petite bande part "casser du négro" à coups de cocktails Molotov, il suit. Il est paralysé par la peur et une voix off décrit son dialogue intérieur : "Ils souriaient tous. Moi aussi, mais en fait, j’étais pas fier. Je voulais me tirer, mais je ne pouvais pas sortir de la bagnole. Qu’est-ce que je pouvais bien leur dire : « Laissez-moi sortir. J’ai peur. Je suis une poule mouillée. » Je ne pourrais pas retourner dans mon quartier. Ils m’appelleraient le trouillard, le vendu. Ils diraient que je n’ai pas de couilles."

Quand Sonny va être assassiné sous ses yeux, il est le seul dans l’allégresse générale à être suffisamment attentif pour repérer le danger.

Dans ce double choc de l’amour de Jane et de la mort de Sonny, il s’intègre et en tire ces grandes règles de vie :

  • le plus important dans la vie, c’est de ne pas gâcher son talent (la leçon de son père 1),
  • donner de l’amour sans rien attendre en retour (ce qu’a fait pour lui, Sonny, le 8),
  • accepter les autres tels qu’ils sont (l’apport du 9, synthèse entre le 8 et le 1).

Lorenzo Anello (Robert de Niro) : 1

Lorenzo est tout au long du film le représentant de la morale.

Même quand son fils a refusé de dénoncer Sonny qu’il a vu commettre un meurtre, et qu’il l’a laissé faire, une question de sécurité pour lui et sa famille, il ne peut résister à le manifester :

  Calogero : J’ai bien fait, j’ai pas mouchardé ?
  Lorenzo : Oui. [C’est dit avec une colère qu’il essaye de contenir, mais tellement visible que Calogero insiste]
Calogero : T’as vu. J’ai rien dit. Je l’ai sauvé. J’ai bien fait ?
  Lorenzo : Oui, tu as bien fait. Tu as sauvé le méchant de l’histoire.

Malgré sa pauvreté, Lorenzo n’accepte pas l’argent sale. Quand il s’aperçoit que son fils a reçu des pourboires de Sonny et de ses amis, il éclate : "C’est pas de l’argent honnête. Je refuse qu’il traîne à la maison." De même, il refusera le petit boulot de transport des paris que Sonny lui propose par amour pour Calogero : "Ce genre de truc, c’est pas pour moi." Sur ce point comme sur d’autres, il est totalement intransigeant, au grand dam de sa femme : "Lorenzo, écoute-moi. Pour une fois, mets de l’eau dans ton vin."

Il essaye d’inculquer cette droiture à son fils : "N’oublie pas que, dans la vie, l’important c’est de ne pas gâcher son talent. Tu peux avoir tout le talent du monde, mais tu n’arriveras à rien si tu ne suis pas le bon chemin. Si tu le suis, tout ira bien."

Sa valeur suprême c’est le travail qui doit passer avant toute autre chose. Quand Calogero lui demande de lui acheter une glace, il répond : "On a encore un petit travail à faire. On le fait, et ensuite je t’achète une glace." Pour lui, c’est cette capacité à travailler honnêtement qui fait la valeur d’un homme :

  Calogero : Sonny a raison. C’est l’ouvrier qui est con.
  Lorenzo : C’est facile d’appuyer sur la détente. Il a tort. Mais se lever tous les matins et aller travailler tous les matins pour essayer de survivre, ça c’est difficile. Oui, je vais te dire, c’est ton père le vrai dur.

et à un autre moment :

  Calogero : [Sonny] me fait confiance.
  Lorenzo : Ce type ne fait confiance à personne. Les gens ne le respectent pas, ils le craignent. Tu veux devenir quelqu’un ? Fais correctement ton boulot et prends soin de ta famille.

Lorenzo manifeste plusieurs fois la volonté du 1 d’éviter la colère. Une fois, il gifle son fils : immédiatement, il culpabilise et s’en excuse. Parfois la colère sort, mais c’est une colère juste : il affronte Sonny quand il pense que l’éducation de son fils est menacée par les valeurs du caïd. Là, il va au conflit avec tout le courage qui est celui du centre instinctif.

Sonny (Chazz Palminteri) : 8

Sonny manifeste tout au long du film la capacité de décision et d’action rapide du 8. C’est même chez lui une philosophie de vie : "Rester au centre des choses. Les emmerdes, c’est des cancers. Il faut agir vite. Si tu laisses traîner, cela prend de l’ampleur et cela te tue. Il faut agir à la base."

Il manifeste aussi la colère du 8 qui s’exprime chez lui par une violence asociale. Cela commence par le meurtre de l’agresseur de son ami et cela continue tout au long du film. Une scène particulièrement significative est celle où des motards sont entrés dans le bar avec l’intention de le saccager. Sonny ferme tranquillement la porte et s’approche d’eux. Son attitude n’est pas encore réellement menaçante, et pourtant ils ont immédiatement peur. Après les avoir sévèrement rossés avec sa bande et laissés sur le trottoir dans un piteux état, Sonny s’approche du chef et bien en face lui déclare : "Regarde-moi. C’est moi qui t’ai éclaté la tronche. Ne m’oublie pas."

Même quand il est avec ses amis, il ne supporte pas que quelque chose ou quelqu’un s’oppose à lui ou simplement le gêne quelque peu. Quand il joue aux dés, il décide brusquement de laisser Calogero lancer à sa place. Les autres joueurs protestent : "Il ne sait pas jouer." Sonny réagit immédiatement : "Quoi ? Il y a un problème ? Vous n’êtes pas d’accord ?" Quand Eddy, un joueur réputé malchanceux, veut miser comme lui, il refuse crûment : "[…] parce que tu portes la poisse, connard !" Et pour être tranquille : "Qu’on me le foute dans les chiottes. Il m’énerve." Tous ceux qui vont le troubler au cours de la partie rejoindront Eddy dans cette cellule improvisée.

Cela n’empêche pas Sonny de savoir que "frapper n’est pas toujours la bonne solution". Intelligent, il a lu Machiavel en prison et sait l’appliquer. Quand il expose cela à Calogero, on a là les croyances de base du 8 et aussi sa manière de découper le monde entre ceux qui sont avec lui et ceux qui sont contre :

  Sonny : Les gens qui me voient depuis toujours et qui sont de mon côté se sentent en sécurité parce qu’ils savent que je suis là. Alors, ils m’aiment davantage. Par contre les gens qui sont de l’autre côté, ils sont partagés. Mais ils savent que je ne suis pas loin, alors ils ont beaucoup plus peur de moi.
  Calogero : Il vaut mieux être craint ou être aimé ?
  Sonny : Bonne question ! Les deux, c’est bien mieux, mais c’est très difficile. Mais si j’avais le choix, je préférerais qu’on me craigne. La peur, c’est plus solide que l’amour.

et plus tard :

  Calogero : Vous n’avez confiance en personne ?
  Sonny : Non. Pour moi, c’est la seule façon de vivre.

Sonny méprise ceux qui sont faibles ("Le travailleur est un connard."). Il ne supporte pas non plus qu’on admire des gens qui, à ses yeux, ne le méritent pas (le joueur des Yankees idolâtré par Calogero). Il teste les relations pour savoir s’il peut s’engager, par exemple avec les femmes (le test de la portière).

Avec Calogero, Sonny manifeste les côtés positifs du 8. Il le soutient et le protège sans relâche pendant plus de huit ans. Il n’essaye jamais de l’entraîner dans ses activités illégales ; bien au contraire, il le pousse à continuer ses études, même s’il trouve nécessaire qu’il apprenne aussi dans la "meilleure université du monde", la rue. Il surveille ses fréquentations. Il veut lui apprendre la vie. Mais, malgré son amour réel et profond pour Calogero, il ne lui fait pas confiance. Quand il découvre sa voiture piégée après qu’il la lui ait prêtée, il le soupçonne immédiatement et l’agresse pour le faire parler.

Son amour pour Calogero s’étend même à son père dont il supporte les refus, les agressions et les critiques avec un calme qu’il ne manifesterait vis-à-vis de personne d’autre. On peut aussi penser qu’il respecte son courage.

Sonny n’a rien à faire des conventions sociales. Que la fille que Calogero aime soit noire lui est totalement indifférent. C’est la personne qui compte, et ce qu’elle vaut : "Ce qui compte, c’est que tu sois bien avec elle. Écoute ton cœur." On notera le contraste avec Lorenzo, plus moral mais plus rigide.

Identification avancée : Sonny est un 8 à aile 7 de sous-type sexuel ("Possessivité").

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description du film