Éclair de lune
Analyse
Ronny Cammareri (Nicolas Cage) : 4
De tous les personnages du film, Ronny est de loin celui qui représente le plus un type pur de l’Ennéagramme. La boulangère le décrit comme "l’homme le plus tourmenté" qu’elle ait jamais connu. Dès son apparition à l’image, le thème central de l’identité est abordé de manière tragique :
Ronny : | Je n’existe pas. | |
Loretta : | Je vous demande pardon ? | |
Ronny : | Je n’existe pas. Mon frère Johnny, c’est lui qui m’a enlevé la vie. |
Immédiatement, cette souffrance intérieure doit être sublimée par une expression aussi dramatique que possible :
Ronny : | [S’adressant à un de ses collègues de la boulangerie] Apporte-moi le grand couteau. Je vais me couper la gorge. | |
Loretta : | Il vaudrait peut-être mieux que je revienne une autre fois, non ? | |
Ronny : | Non. C’est une chose que vous devez voir. J’ai envie de vous montrer comment je me tue pour que vous le racontiez à mon frère le jour de ses noces. |
L’accident qui l’a privé de sa main gauche ne peut pas être un accident ordinaire. Ronny en rend son frère responsable et lui donne ainsi une dimension qui le fait basculer dans la tragédie grecque : "J’en ai rien à cirer, votre putain de justice. Je n’y connais rien. J’ai perdu ma main. J’ai perdu ma fiancée. Johnny a ses deux mains. Johnny a sa fiancée. Qu’est-ce que je fais de mon désespoir ? Des confettis ?" On remarquera au passage l’apparition de la passion du 4, l’envie.
De toute façon, il est impossible de vivre et d’espérer : "C’est juste une affaire de temps pour qu’un homme ouvre enfin les yeux et qu’il abandonne son seul rêve, son seul et unique rêve de bonheur." Il est impossible de faire des projets car seuls l’instant et l’émotion qu’on y vit existent : "Le passé, l’avenir, tout ça n’est rien qu’une blague. C’est des choses qui sont nulles. Encore si ça existait. La seule chose qui existe, c’est toi et moi." Le seul baume à la souffrance, c’est l’art, l’opéra, la seule chose qui compte dans sa vie.
Quand il tombe amoureux de Loretta et qu’il passe une première nuit avec elle, dès son réveil, le drame reprend ses droits, ce dont Loretta n’est pas dupe :
Ronny : | Qu’est-ce que tu as fait ? | |
Loretta : | Qu’est-ce que moi j’ai fait ? | |
Ronny : | Tu as bousillé ma vie. | |
Loretta : | Ah ! C’est pas possible. Elle était bousillée avant que j’arrive. C’est toi qui as bousillé la mienne. |
Car bien évidemment, l’amour n’est pas une chose qu’il peut vivre normalement et joyeusement : "Loretta, je t’aime, mais ça n’a rien à voir avec ce qu’on dit de l’amour. Je ne le savais pas non plus, mais l’amour, ça rend pas les choses belles, ça démolit tout, ça brise le cœur, ça fout la merde partout. On n’est pas là pour que tout soit parfait. Les flocons de neige sont parfaits. Les étoiles sont parfaites. Pas nous. Pas nous. Nous, on est ici pour nous détruire à jamais, et nous briser le cœur, et pour aimer les gens qu’il faut pas, et pour mourir."
Identification avancée : Ronny est un 4 de sous-type conservation ("Intrépidité").
Loretta Castorini (Cher) : 8
Loretta est comptable pour diverses petites sociétés de Brooklyn. Partout où elle passe, elle contrôle les plus petits détails et exprime sa colère. À l’embaumeur (un 7) content de lui qui lui affirme qu’il est "un artiste de génie", elle rétorque : "Si vous étiez un génie, vous sauriez où classer vos reçus et vos notes de frais. Je ne peux pas moi calculer vos impôts avec tout le fouillis qu’il y a ici." Et comme il insiste, elle fait de même : "Si vous êtes un génie, alors comment cela se fait qu’il y a une tache de gras, là sur votre cravate ?" De là, elle passe chez le fleuriste qu’elle n’épargne pas non plus : "Celui qui envoie ces roses dépense beaucoup d’argent pour quelque chose qui finira à la poubelle." D’autres y auront droit, comme son père ("Il faut que tu viennes. Tu dois me conduire à l’autel.") ou le prêtre auquel elle se confesse et qui lui déclare qu’elle a commis un gros péché : "Je sais", réplique-t-elle excédée.
Bien évidemment, celui sur lequel elle exerce le plus son contrôle et son pouvoir, c’est Johnny son fiancé. Elle surveille son alimentation ("Non, pas le poisson, c’est trop gras pour toi. Surtout avant de prendre l’avion."), son habillement ("Mets ton chapeau au soleil !") ; elle exige qu’il suive les règles qu’elle estime appropriées à une demande en mariage : "Quand un homme demande à une femme de l’épouser, il doit s’agenouiller." On remarquera qu’en bon 8, elle applique les règles uniquement quand elle en a envie. L’agenouillement ne sera pas imposé à Ronny… Loretta n’est pas très attachée à son image et aux conventions sociales : par exemple, elle ne porte pas grand soin à son allure, vêtements, coiffure ou maquillage…
Instinctive et énergique, elle aime et sait agir : "Moi, je m’occupe de tout. Tu t’occupes de rien. Soit là, c’est tout ce que je te demande."
Loretta est relativement peu émotionnelle. Elle accepte d’épouser Johnny qu’elle n’aime pas. Elle est excédée quand il lui téléphone de Sicile et lui parle de sa mère mourante. Elle commente après : "Elle est mourante, mais je l’entendais gueuler."
Elle s’exprime de manière franche et directe. Il est difficile de faire plus carré que son premier appel téléphonique à Ronny : "Johnny m’a demandé de vous appeler. Il va se marier. Il veut que vous soyez là." Plus tard, chez Ronny, elle lui prépare un steak :
Ronny : | J’en veux pas. | |
Loretta : | Et bien, tu le mangeras. | |
Ronny : | Je l’aime bien cuit. | |
Loretta | Et bien, celui-là, tu le mangeras saignant pour nourrir ton sang. |
Plus d’une fois, elle lui dira qu’il est "stupide". Elle refuse d’accepter le regard qu’il a sur sa vie : "Écoute. Toi, tu te racontes ton histoire et tu fais comme si tu avais tout compris. Mais moi, je sais. Je devine la vraie histoire pour toi. […] Toi tu vois pas ce que tu es, alors que moi, je devine tout. […] Je te raconte ta vie."
Parfois, cette violence n’est pas uniquement verbale :
Ronny : | Je suis amoureux de toi. | |
Loretta : | [Une gifle. Puis une autre plus forte.] Désamourache-toi ! |
La vengeance fait partie de ses valeurs :
Ronny : | J’étais mort. | |
Loretta : | Moi aussi. | |
Ronny : | Et Johnny ? | |
Loretta | Il t’a fait du mal. Venge-toi sur moi. Prends ta vengeance sur moi, qu’il ne lui reste rien pour son mariage. |
Identification avancée : Loretta est un 8 de sous-type conservation ("Survie").
Johnny Cammareri (Danny Aiello) : 9
Johnny subit sans broncher l’autoritarisme de Loretta. Quoiqu’elle fasse ou dise, il ne sait que répondre : "D’accord, d’accord."
Loretta le décrit à sa mère comme "un gentil garçon" et le père de Loretta voit en lui "un gros bébé". D’ailleurs, il n’ose pas dire à sa mère qu’il va épouser Loretta parce qu’il faut qu’il "trouve un instant plus propice, quand elle sera plus calme".
Il a tendance à oublier les choses importantes, comme la bague de fiançailles. Mais, il n’ose pas refuser de donner à la place sa chevalière à laquelle il tient tant. Il ne saura pas non plus la refuser à la fin du film à Ronny.
Johnny ne téléphone pas directement à Ronny qui est fâché avec lui depuis cinq ans, laissant ce soin à Loretta.
Tout au long du film sa placidité étonne. Avec Loretta qui le mène à la baguette. Avec son père qui l’ignore ou l’agresse. Quand il rentre de Sicile et découvre que Loretta découche. Quand il la voit se fiancer à son frère et apprend ce qui s’est passé en son absence…