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Le jaguar
Analyse

Perrin (Patrick Bruel) : 7

Du point de vue de l’Ennéagramme, le film vaut surtout par le personnage de Perrin, excellente description des diverses facettes du type 7.

Perrin manifeste en permanence la compulsion du 7 : éviter tout effort, toute souffrance et toute contrainte et accumuler les sources de plaisir. Il ne travaille pas et vit du jeu. Il a des amies partout dans le monde, de préférence fortunées (d’une amie qui loge au Crillon à "une copine à Rio"). Il s’habille luxueusement, il se nourrit chez le traiteur, il fantasme sur les Ferrari…

Il est gai et estime que le désir de rire et de s’amuser est une raison suffisante à n’importe quelle attitude. Quand Wanù lui tire les oreilles dans l’ascenseur et que Campana, gêné, essaye de s’interposer, il rétorque : "Laissez. Si cela l’amuse…" Amusant et drôle sont des mots employés à tout bout de champ, non pas dans leur sens traditionnel, mais pour signifier que quelque chose est bien, agréable ou intéressant : "C’est marrant, ces hamacs."

Son optimisme le rend un peu naïf et l’amène à prendre des risques qu’il n’a pas réellement étudiés. Il perd 500 000 F au poker et s’étonne d’avoir des tueurs à ses trousses chargés de récupérer la dette. Il suit Campana en Amazonie et croit qu’il s’agira d’une "aventure marrante". Il apprend la présence de chercheurs d’or en Amazonie et se voit déjà riche. Campana lui casse son rêve :

  Perrin : On trouve de l’or ici ?
  Campana : Pas vous. Trop dur.

Perrin ne comprend pas qu’on puisse faire autre chose que fuir les problèmes, surtout quand ce ne sont pas les siens : "Votre vie est plus importante qu’une promesse à cette poignée de miteux. Qu’ils se démerdent avec Kumare ! C’est leur problème. […] Venez avec moi. Faites pas le con."

Quand les difficultés le rattrapent, Perrin cherche à les résoudre sans effort. Il n’hésite pas à aller voir une amie qu’il n’a pas contactée depuis plus d’un an pour lui emprunter l’argent destiné à payer sa dette de poker. Comme elle refuse, il lorgne sa bague, et elle est obligée de l’avertir que "c’est un faux". La seule chose qu’il ne peut pas faire, c’est de suivre le conseil qu’elle lui donne : "Si tu travaillais un peu pour changer."

Quand il ne peut pas échapper à ses problèmes, Perrin réagit par la dérision : "Non, mais vous ne pensiez pas vraiment que j’allais jouer au con dans la brousse pour attraper une âme ? Ça s’attrape comment une âme ? Avec un filet à papillon ?"

Si ce n’est pas suffisant, Perrin devient agressif : "Faut vous faire soigner, mon pauvre vieux. On est au XXe siècle." Il a raison et les autres sont des "abrutis" et des "cons" dont l’avis l’indiffère. Dans la jungle, quand il refuse d’aller au village indien, il dit à Campana : "Vous pensez de moi ce que vous voulez. Elle aussi. Je n’en ai rien à foutre." Quand il quitte le village indien, laissant Campane affronter Kumare, il récidive : "Vous pouvez me mépriser et vos copains indiens aussi. Je m’en fous. Je n’ai rien à me reprocher. Je suis bien dans ma tête, moi." Bien entendu, cette agressivité est uniquement verbale :

  Campana : Si vous voulez vous battre avec moi, on va sûrement trouver un coin tranquille.
  Perrin : Je ne vais pas me battre avec vous. Il n’y a que les cons qui se battent.

Si aucune de ces échappatoires ne fonctionne, il se retrouve en contact avec la peur, problématique commune à tous les membres du centre mental :

  Perrin : Qu’est-ce qu’elle dit ?
  Campana : Qu’elle a peur.
  Perrin : Ben moi aussi. Je n’aime pas cet endroit.

Cette peur, il la trouve naturelle et l’exprime facilement. Elle s’accroît bien entendu avec la menace d’une souffrance physique. Quand le sorcier envoyé par Kumare se taillade la peau et qu’il est censé faire de même, cela lui est absolument impossible :

  Perrin : Je vais tourner de l’œil.
  Campana : Mais non.
  Perrin : Mais si.

Toute souffrance est insupportable et donc mise sur le même plan : "J’ai envie de vomir. J’en ai marre de vos rituels à la con. J’ai peur, j’ai chaud, j’en ai marre."

En dehors des périodes de crise, Perrin manifeste avec les autres un humour un peu sarcastique qu’il arrête avant tout incident :

  Campana : Demain matin, on est en forêt. Vous verrez ça, c’est… Je n’ai rien vu de plus beau.
  Perrin : Vous sortez beaucoup ?
  Campana : Comment ?
  Perrin : Non, rien. Ça doit être formidable en effet.

Perrin sait aussi s’intéresser aux autres et même prendre soin d’eux. Dans l’ascenseur du Crillon, il manifeste une indulgence amusée pour Wanù. Plus tard, il lui donnera son manteau pour qu’il n’attrape pas froid. Quand Wanù s’introduit chez lui, il râle pour le principe mais l’accueille gentiment et lui offre un cognac pour "tuer la grippe". Il dit de lui : "Pauvre vieux, il m’a fait de la peine." Plus tard, il sera doux avec Maya. Par contre, dès qu’il craint qu’une relation devienne une contrainte et un engagement, il rompt immédiatement : "Me regarde pas avec ces yeux-là. On se croirait à la SPA."

La fin du film décrit son intégration : il affronte la souffrance et le combat avec Kumare, et s’installe en Amazonie avec Maya pour défendre la cause des Indiens.

Identification avancée : Perrin est un μ de sous-type sexuel ("Imagination") à aile 6.

Campana (Jean Reno) : 6

Le personnage de Campana est moins bien défini et plus difficile à identifier. Il est en quelque sorte "trop bien" et les travers caractéristiques des types sont dans l’ensemble gommés. Cependant, la force et le courage qu’il manifeste ne peuvent être que l’expression d’un type 6 contre-phobique ou 8, l’un ou l’autre plutôt intégré.

Ce courage est évident en permanence. Il affronte dans l’aéroport les tueurs qui poursuivent Perrin. Il est à l’aise dans la ville des chercheurs d’or comme dans la forêt amazonienne. Ce courage devient peut-être la témérité d’un 6 quand il affronte Kumare alors même qu’il est gravement blessé et n’a théoriquement aucune chance de l’emporter.

Campana menace souvent d’avoir recours à la violence physique, mais il ne le fait que rarement : "Je vous retrouverai et je vous tuerai" ou bien "Même avec un seul bras, je lui casserai la tête."

Cependant, Campana ne se met jamais réellement en avant. Il combat certes, mais pour une cause, la défense d’une tribu indienne d’Amazonie qui l’a recueilli après la mort de ses parents. Il se conduit non pas comme le leader de cette cause (ce qui serait le cas d’un 8) mais comme son servant.

En dehors des périodes de colère, il n’est pas agressif avec les gens. Quand Perrin refuse d’aller voir Wanù à l’hôpital, il explose : "Qu’est-ce que c’est que ce type qui ne peut pas donner une demi-heure de son temps à un mourant ?" Il ajoute : "Tu vas voir si je vais le chercher de force !" Mais arrivé devant Perrin, son attitude est totalement différente : "Excusez-moi d’insister, Monsieur Perrin, mais je vous demande seulement quelques minutes de votre temps.", et il accompagne sa demande d’un geste de requête, penché en avant et les mains croisées comme en prière.

Il essaye de convaincre Perrin. Il fait des efforts pour lui expliquer les coutumes, les croyances et les légendes indiennes. Il veut "comprendre" ce qui se passe et notamment l’attitude de Wanù envers Perrin.

Il ment à Perrin dans la forêt en lui faisant croire qu’ils vont à l’aéroport et pour se défendre, il invoque les valeurs de sécurité du 6 :

  Campana : On n’est plus très loin du village maintenant.
  Perrin : Quel village ?
  Campana : Celui de Wanù. Si on ne traîne pas, on peut y être avant la nuit.
  Perrin : Attendez là. On ne va pas à l’aéroport ?
  Campana : Euh… Si, mais le village est sur le chemin.
  Perrin : Menteur !
  Campana : Bon, y a peut-être un petit détour mais c’est insignifiant.
  Perrin : Salaud !
  Campana : C’est là qu’on sera le plus en sécurité. […] Ils nous protégeront contre Kumare.

À ce moment-là, le visage de Campana exprime la culpabilité que lui donne le fait de mentir et de tromper Perrin. Celui-ci d’ailleurs l’utilisera plus tard quand Perrin se vantera de n’avoir jamais trahi personne :

  Campana : Je n’ai jamais entraîné personne dans un piège.
  Perrin : Il va falloir que vous trouviez un moyen de me tirer de là.
  Campana : Je vais y réfléchir.

Cette loyauté vis-à-vis de la tribu indienne est la valeur suprême de sa vie. Quand Perrin l’interroge sur sa motivation, il n’hésite pas :

  Perrin : Pour qui ?
  Campana : Pour eux.
  Perrin : Pourquoi ?
  Campana : Parce que j’ai promis.

Il remplit alors ce qui est devenu son devoir : "Je fais ce que j’ai à faire."

Même s’il méprise de toute évidence Perrin pour sa lâcheté et s’il le montre quelquefois, Campana accepte ses faiblesses et se montre plutôt tolérant et indulgent avec lui. Quand il va affronter Kumare, alors que blessé gravement, il n’a aucune chance, il quitte Perrin en lui disant : "N’ayez pas de remords. Vous avez fait tout ce que vous avez pu. Et même au-delà."

Identification avancée : Campana est un 6 μ de sous-type sexuel ("Force-Beauté").

Maya (Patricia Velasquez) : 6

Maya est une 6 phobique. Elle est soumise, d’abord à Kumare qui a fait tuer sa famille et la traite comme une esclave, puis à Campana à qui elle a donné sa confiance et dont elle ne discute jamais les décisions, enfin à Perrin qu’elle suit, qu’il quitte le village indien refusant le combat avec Kumare ou qu’il y retourne pour finalement l’affronter.

Elle est souvent dans la peur. Elle la manifeste verbalement dans la forêt ou dans le village. Mais tout le reste du film, son attitude craintive ou ses yeux angoissés montrent cette peur.

En bonne 6, rien de tout cela n’empêche pas des moments de révolte et de courage, comme quand elle quitte Kumare, sauve Perrin en assommant Kumare qui allait le tuer, et l’emmène se réfugier chez le prêtre.

Elle donne à Perrin sa confiance. Elle sait qu’il "tuera Kumare et qu’elle portera son enfant". À compter de ce moment, elle est avec lui d’une loyauté inconditionnelle. Elle le soigne et l’aime, qu’il soit fort ou lâche, qu’il s’occupe d’elle ou qu’il la repousse.

Identification avancée : Maya est un 6 α de sous-type conservation ("Cordialité").

Autres

Le personnage de Wanù (joué par Harrison Lowe) n’est pas défini avec une grande précision. Il est probable qu’il est aussi un 7. Il a en permanence un œil malicieux, et sa manière d’échanger ses colliers de pacotilles contre des objets luxueux et précieux sent la plaisanterie.

Il est intéressant de constater que les quatre personnages principaux du film constituent deux couples de personnages du même type, un intégré et l’autre non :

  • un 6 assez intégré (Campana) et un qui ne l’est pas (Maya) ;
  • un 7 assez intégré (Wanù) et un qui ne l’est pas (Perrin).
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