Scroll To Top

Le dîner de cons
Analyse

François Pignon (Jacques Villeret) : 2

Certes, François Pignon passe ses soirées et ses week-ends à construire des maquettes avec des allumettes mais ce n’est qu’un remède à sa solitude et au chagrin causé par le départ de sa femme. La seule chose qui l’intéresse véritablement, c’est d’aimer et d’aider les autres. Dès qu’il est chez Pierre Brochant, il commence à proposer son aide pour enregistrer un message rigolo sur le répondeur, puis pour appeler son ami kinésithérapeute, "le meilleur de Courbevoie".

Quand il apprend que Brochant a été quitté par sa femme Christine, c’est l’apothéose : quelqu’un qui souffre et qui a donc potentiellement besoin d’aide. À partir de ce moment, Brochant devient une proie pour son désir d’aider, comme lui-même était une proie pour l’envie de s’amuser de Pierre. Le chasseur devient le chassé.

Il ne peut bien évidemment laisser Brochant seul dans cet état. Mis dehors par ce dernier, il insiste : "Vous êtes sûr que vous n’avez besoin de rien ?" Devant le refus de Brochant, il s’obstine en faisant trois fausses sorties et Brochant le repousse chaque fois : "Je suis avec vous, Monsieur Brochant, de tout cœur avec vous.", puis "Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?" et encore "Vous voulez pas que j’appelle Maurice ? C’est mon copain kiné."

Pour convaincre Brochant, il le manipule en essayant de lui faire peur à propos de son état. Quand Brochant craque enfin ("Appelez Sorbier !"), c’est un soupir de joie et de soulagement : "Aaah ! J’aime mieux ça." Et les propositions d’aide recommencent : "Vous voulez que je vous aide à aller dans votre chambre ?", "Je vous apporte un peu d’eau pour les cachets et je file.", "Si vous n’avez pas le moral cette nuit, n’hésitez pas à m’appeler. Je reviendrai tout de suite, Monsieur Brochant."

Pignon veut aider tout le monde. Quand Marlène appelle Brochant et dit dans le message qu’elle laisse sur le répondeur que "ça ne va pas du tout", il ne peut pas s’empêcher de décrocher. Il aide aussi tout le temps. Même quand il découvre que Brochant l’a invité à un dîner de cons, il se sent obligé de l’avertir : "Vous ne devriez pas mélanger l’alcool et les médicaments."

Bien sûr, c’est encore mieux quand l’aide est sollicitée : "Dites-moi d’appeler Cheval." Dans ces cas, Pignon jubile : "Je sens qu’on va avoir besoin de moi." Il lui arrive de feindre de n’être pas dépendant de l’aide qu’il donne aux autres : "Je veux bien vous aider mais si vous ne voulez pas, tant pis. Je ne vais pas me battre."

Quand il n’aide pas directement, Pignon donne des conseils à Brochant : "Et pourquoi vous lui téléphonez pas [à Juste Leblanc] ?" Ou à sa femme qu’il prend pour Marlène : "J’aimerais vous donner un conseil d’ami."

Quand son aide échoue, Pignon est navré : "Je sais que j’ai pas été à la hauteur tout à l’heure au téléphone. J’aurai tant voulu vous aider." Ou aussi quand il apprend qu’il a provoqué le départ de Christine, la femme de Brochant : "J’avais tellement envie de vous aider." Mais quand elle réussit, il manifeste sa fierté : "Et vous pouvez remercier le ciel que je sois encore là." Ou encore : "Et vous avez la chance de connaître un monsieur qui s’appelle François Pignon et qui a dit : « On ne passe pas. »" Il signale l’importance de son aide : "C’est vraiment pour vous que je le fais." Il en profite systématiquement pour essayer d’approfondir la relation et appelle alors Brochant non plus "Monsieur Brochant" mais "Pierre".

Pignon vit dans l’instant, dans la relation qui est en cours et ne songe plus alors à la précédente ou à ses objectifs. Quand il appelle Juste Leblanc en se faisant passer pour un producteur de cinéma, il oublie de lui demander comment joindre Christine. Au premier coup de téléphone avec Cheval, il ne pense plus à lui demander l’adresse de la garçonnière de Menaud ; au second, il oublie sa relation avec Brochant et lui assène : "On a gagné, Monsieur Cornard !"

Certes Pignon est con et collant, mais c’est quelqu’un qui éprouve un véritable amour pour les autres. Même quand il sait que Brochant n’a cherché qu’à se moquer de lui, il est "très inquiet pour lui parce qu[’il sait] qu’on peut mourir d’amour". Il téléphone alors à Christine pour essayer de sauver le couple qu’elle forme avec Pierre : "Mais je ne vous appelle pas pour me plaindre [On remarquera au passage qu’il n’a pas de besoin.]. Je vous appelle parce que je le plains lui. Je ne sais pas si c’est l’homme le plus méchant que j’ai rencontré mais je sais que c’est le plus malheureux." Il est difficile de ne pas être ému à ce moment du film puisque même l’égoïste Brochant est touché.

Identification avancée : François est un 2 α à aile 1 de sous-type sexuel ("Séduction agressive").

Pierre Brochant (Thierry Lhermitte) : 7

Pierre n’a qu’un objectif dans la vie, s’en amuser. Le mot revient en permanence dans sa bouche : "C’est un dîner qui m’amuse.", "Tu vas pas me faire la gueule parce que j’ai envie de m’amuser un peu."

Et quand on est comme lui intelligent sur le plan mental, qu’y a-t-il de plus drôle que de se moquer de ceux qui ne le sont pas ? Ses dîners de cons sont son petit soleil hebdomadaire, et il n’imagine même pas qu’on puisse y trouver à redire : "C’est pas un malheureux, c’est un abruti. Il n’y a pas de mal à se moquer des abrutis. Ils sont là pour ça, non ?"

Pierre ne pense qu’à lui. Christine, sa femme, dit de lui : "Il ne m’aime pas, Monsieur Pignon, mais je pense qu’il n’aime personne." Et Marlène confirme : "C’est un salaud. Tout est moche en lui." Pierre s’adresse aux autres sans précautions, ni remerciements : "Carnet ! Téléphone !" ordonne-t-il au docteur Sorbier, "Porte-documents !" lance-t-il à Pignon.

Cynique, il est même prêt à choisir comme victime de ses moqueries le père de son ami Cordier :

  Pierre Brochant : Tu me vois invitant le père de mon meilleur ami à un dîner de cons ?
  Jean Cordier : Oui.
  Pierre Brochant : [Rire] Tu me prends vraiment pour un salaud, hein ?
  Jean Cordier : Oui.

Pierre est aussi indulgent avec lui-même qu’il est indifférent avec les autres. Il est douillet. À son ami Juste Leblanc dont il a séduit la femme et qui le plaint de son infortune, il dit : "Je sais. T’as vécu ça toi aussi, mais moi, en plus, j’ai un tour de reins." Lui qui se moque des autres, il ne supporte pas que l’on rie de lui. Quand Leblanc s’amuse de le voir coincé dans les pattes de Pignon, il lui déclare sèchement : "Arrête, s’il te plaît !" Puis, un peu plus tard : "Toi, si c’est pour rigoler, tu peux rentrer chez toi."

La fin du film laisse espérer que, touché par l’amour et l’indulgence de Pignon, il va commencer à s’intégrer.

Identification avancée : Pierre est un 7 α à aile 8 de sous-type conservation ("Clan").

Juste Leblanc (Francis Huster) : 2

Juste Leblanc est un personnage étonnant : deux ans plus tôt, Pierre Brochant a séduit sa femme et il n’a pourtant qu’une idée en tête pendant tout le film, l’aider.

Quand Pierre Brochant fait téléphoner Pignon pour savoir si sa femme est retournée chez lui, Juste saute sur l’occasion pour recréer la relation. Mieux, il n’éprouve aucune satisfaction à voir Pierre vivre ce qu’il lui a fait subir autrefois : "Je crois même que je te plains." Il ajoute aussitôt : "Tu veux que je passe te voir ?" Comme Pierre refuse, il lui promet de le tenir au courant si Christine l’appelle.

Mais en fait, quelques minutes plus tard, il sera là : "Ça m’embêtait de te laisser tout seul." Une fois chez Pierre, même amusé par la situation et la connerie de Pignon, il écoute ce dernier avec une véritable attention ("Il est superbe ce derrick.") et il ne va pas cesser d’aider. À se débarrasser de Marlène. À contacter Cheval pour avoir les coordonnées de la garçonnière de Menaud :

  François Pignon : Dites-moi d’appeler Cheval !
  Juste Leblanc : Dis-lui d’appeler Cheval !
  François Pignon : Dites-moi d’appeler Cheval !
  Juste Leblanc : Dis-lui d’appeler Cheval !
  François Pignon : Dites-moi d’appeler Cheval !
  Pierre Brochant : Appelez Cheval.
  François Pignon : Ah ! Merci Monsieur Brochant.

De même, c’est lui qui encourage Pignon à céder aux exigences de Cheval : "Allez l’OM ! Allez l’OM ! Allez !" Plus tard, il ne comprend guère l’agressivité de Cheval : "Vous êtes venu pour l’aider ou pour le contrôler ?"

Lucien Cheval (Daniel Prévost) : 8

Lucien Cheval essaye toujours d’être en position de force et, quand c’est le cas, il en profite. Quand Pignon l’appelle, il devine immédiatement qu’il a besoin de quelque chose. Il attend avec jubilation son deuxième coup de fil et exploite immédiatement son avantage : "À une condition. C’est que tu cries : « Allez l’OM ! »" À peine arrivé chez Pierre Brochant, il cherche à l’intimider :

  Lucien Cheval : Je me souviens. J’ai contrôlé un Brochant, il y a trois ans. Michel Brochant. C’est un parent à vous ?
  Pierre Brochant : Michel Brochant. C’est pas impossible. Où habite-t-il ?
  Lucien Cheval : En prison. Il en a pris pour cinq ans. Il était très sympathique. Il avait un grand et bel appartement comme vous. Il a été mis en liquidation judiciaire.

S’il a l’impression d’être agressé ou en position de faiblesse, il réagit immédiatement :

  Pierre Brochant : [Furieux] C’est fini, oui ?
  Lucien Cheval : [Il se lève et se dirige vers un guéridon.] Y avait un bibelot là. Y avait un bibelot. Ça se voit à la poussière autour.

Cheval ne se comporte pas ainsi qu’en cette situation. Il est impitoyable : "Vous connaissez pas Cheval. Il contrôlerait sa mère." dit de lui son ami Pignon. Il est en permanence l’œil aux aguets, prêt à repérer les signes de fraude, donc de faiblesse, des gens.

Cheval est direct. Il parle en phrases courtes et décidées : "Affirmatif." Il a un langage vert : "cornard", "baisodrome"…

Il a une capacité de décision et d’action extrêmement rapide. Elle se manifeste quand il choisit d’aider Pignon et plus encore quand il apprend que sa femme est chez Pascal Menaud. Il encaisse le choc en quelques secondes et prend le téléphone. Avec Menaud, la vengeance est immédiate : "Je vous vois demain matin à neuf heures comme d’habitude, et on reprend tout depuis le début.". Avec sa femme, la fermeté est la même : "Charlotte. Non, ne m’explique rien. Je veux que tu quittes cet endroit immédiatement, tu m’entends. À la seconde. […] Charlotte, je ne suis pas seul. Je ne peux pas te parler maintenant. On causera à la maison."

Pierre Brochant a été témoin de son humiliation. Même si Cheval n’a pas vraiment le cœur à se préoccuper de fraude fiscale, il ne peut pas laisser passer cela : "On va se revoir très vite parce que je vais tout de même vous contrôler."

Identification avancée : Lucien est un 8 à aile 7 de sous-type conservation ("Survie").

Retour à la
description du film