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La Proposition
Analyse

Eleanor Barret (Madeleine Stowe) : 4

Quand il s'agit d'éviter la banalité, Eleanor, qu'Hannibal décrit comme "rebelle", ne fait pas dans la demi-mesure !

Elle aime "par-dessus tout disposer d'une chambre à soi, un lieu propice à la réflexion, un lieu ne portant pas la marque conventionnelle d'un homme. C'était un temple sans religion, si ce n'est d'être en paix avec elle-même."

Femme mariée et sans soucis financiers, elle écrit et publie des romans. Bien évidemment, que ceux-ci puissent être interdits est une fierté supplémentaire : "J'ai ma réputation à défendre !"

En 1935, elle est ouvertement féministe. Elle imagine que Shakespeare a une sœur aussi brillante que lui et défend l'intelligence des femmes. Officiellement catholique, elle croit pourtant en une divinité féminine.

Le sommet est bien évidemment atteint avec le projet de fécondation qui est bien la chose la moins ordinaire et la moins conventionnelle qu'on puisse imaginer dans la bourgeoise ville de Boston ! La justification de ce projet cumule à la fois son féminisme et son désir de ressentir totalement les choses : "Madame Barret veut vivre l'expérience dans son intégralité, de la conception à l'accouchement. Pour elle, c'est son droit en tant que femme."

Vivre et partager ses émotions est indispensable pour Eleanor et elle le fait sans réaliser l'impact que cela peut avoir sur les autres, et notamment sur Arthur : "J'ai besoin de me livrer. J'ai besoin de te dire combien j'étais seule cette nuit-là, combien j'essayais d'imaginer ton visage, ton corps sur mon corps. […] Ces baisers te sont réservés." Pour elle, c'est un cadeau qu'elle fait aux autres que de leur dire ce qu'elle ressent : "En retour du soutien d'Arthur, Eleanor lui livrait ses émotions."

Eleanor attire et repousse alternativement les gens. Elle fait venir Roger, puis le pousse indirectement à repartir. Elle flirte avec Michael, puis le rejette après le premier baiser. Très amoureuse d'Arthur au début du film, elle s'éloigne de lui puis s'en rapproche à nouveau quand elle a l'impression qu'il est "devenu un homme de cœur." : "Vous êtes à nouveau amoureuse de lui", constate, désolé, Michael.

Identification avancée : Eleanor est un 4 à aile 3 de sous-type conservation ("Intrépidité").

Arthur Barret (William Hurt) : 1

Un des traits les plus caractéristiques du personnage d’Arthur est le contraste entre ce que les gens disent de lui et ce qu’il nous montre à l’écran.

L’image extérieure est celle de quelqu’un de fort, de "têtu" et qui sait ce qu’il veut. Hannibal dit de lui que c’est le "genre d’homme qui a la capacité d’arriver à ses fins sans faillir et coûte que coûte." Michael arrive à Boston avec l’idée que c’est une personne "tyrannique". Syril parle de sa "vanité masculine de penser [qu’il peut] contrôler chaque situation comme bon [lui] semble." Le père Dryer conteste cette description :

  Michael : On m’a raconté qu’il avait un comportement tyrannique.
  Père Dryer : Tyrannique ? Ils ne sont pas de Boston !

Et effectivement, le film nous montre un être plutôt doux, hésitant et patient.

Lors de la réception au début du film, ce n’est pas lui qui annonce sa nomination à la commission étrangère des finances du président Roosevelt. C’est Eleanor qui le fait et précise que "si l’humilité était une tasse de thé, [celle d’Arthur] déborderait sans discontinuer". On apprend dans la même soirée la publication d’un livre d’Eleanor, et Arthur s’en réjouit avec elle avec tendresse.

Pendant les tentatives de fécondation, Arthur est désemparé et inquiet : "Est-elle nerveuse ? Que fait-elle maintenant ? Puis-je faire quelque chose ?" demande-t-il à Syril. Il constate son impuissance à gérer la situation : "Nous étions seuls chacun de notre côté. J’ai voulu savoir, mais j’ai senti que le moindre détail serait pire qu’une torture. Je n’étais pas assez fort."

Il ressent une intense jalousie vis-à-vis de Roger : "Quand je l’ai vu sortir ce matin-là, j’ai haï cet homme. Je suppose que jamais je ne cesserai de le haïr pour être capable de te donner un enfant. Autant que je l’envie."

Arthur se met trois fois en colère durant le film. La première fois, c’est après Syril :

  Syril : Vous pourriez être assez fort pour être à ses côtés et lui tenir la main durant l’épreuve.
  Arthur : Syril, changez de ton avec moi. Je ne le tolérerai pas.

Il est étonnant de voir avec quel calme il dit cela, à quel point l’émotion est retenue et contenue.

La deuxième colère est beaucoup plus violente et s’exerce à l’encontre de Roger : "Vous ne remettez plus les pieds ici, sinon je vous tue." lui dit-il avant de lui donner un coup de poing au visage. Puis il retourne dans la salle à manger et chasse Michael : "Quittez cette maison ou je vous fais jeter dehors. Je compte sur une explication la prochaine fois que nous nous verrons." Mais là aussi, on est loin d’un déchaînement de rage et le sang-froid est vite repris.

La troisième colère est contre Eleanor qui s’est enfermée dans sa chambre et refuse de le voir parce qu’elle le croit coupable du meurtre de Roger : "La comédie a assez duré." Il lui rappelle durement qu’elle est financièrement dépendante de lui. Mais très vite, il lui jure : "Je regagnerai ta confiance, je te le promets."

Et ce n’est pas une promesse en l’air : "Fidèle à son sens de l’honneur, Arthur respecta la parole donnée à Eleanor. Patiemment, jour après jour, il s’employait à la soulager de ses appréhensions et de ses tourments."

Ce sens de l’honneur est une caractéristique du personnage. Il peut prendre une forme dérisoire quand Arthur se réfère au "contrat" pour chasser Roger ou beaucoup plus noble quand il laisse Eleanor "entièrement libre de faire tout ce qu’elle [veut]", quand il refuse, contrairement à son frère, de faire des affaires avec les nazis, quand il accepte qu’Eleanor soit enterrée dans la fosse commune ou quand il prénomme Michael l’un des jumeaux.

Un des traits de personnalité les plus flagrants d’Arthur est certainement le mécanisme de défense du type, la formation réactionnelle. En permanence, il essaye de cacher tant bien que mal sa souffrance et sa colère derrière un masque de soutien et d’acceptation.

Ce n’est qu’à la mort d’Eleanor, quand Michael lui dit qu’il va revendiquer sa paternité, qu’Arthur exprime pour la première fois véritablement son désespoir. Il essaye d’abord de se défendre ("Je m’y opposerai.") avant de s’effondrer : "Pitié ! Il n’y a rien à faire, rien à dire pour que vous changiez d’avis ? Quelle belle ordure vous faites ! Vous êtes bien le fils de Sam [son frère] !"

Identification avancée : Arthur est un 1 α à aile 9.

Syril Danning (Blythe Danner) : 6

Syril est une enfant abandonnée qui a été recueillie par la famille Barret et qui lui en voue une reconnaissance et une loyauté éternelles.

Respectueuse des règles sociales, elle est profondément choquée par le projet de fécondation d’Eleanor : "Ne laissez pas cette chose se produire. C’est une abomination." Elle utilise la capacité du centre mental à se projeter dans le futur et est la seule à voir le danger : "Cet enfant détruira votre mariage." Ce n’est pas un vague pressentiment, c’est une analyse précise : "Vous êtes sur le point de donner à une femme instruite la maîtrise totale sur sa vie. Pour un homme dans votre position, c’est dangereux."

Cependant, une fois le projet sur les rails, Syril va le soutenir loyalement et apparemment sans arrière-pensée. Elle déclare même à Arthur : "Cet enfant vous permettra de vous retrouver tous les deux." Alors elle surveille le cycle d’Eleanor, reste éveillée les nuits de tentative de fécondation ("C’est évident.", répond-elle à Arthur qui lui demande de le faire.), se réjouit avec Arthur de la première grossesse, s’attriste avec lui de la fausse couche, espionne continuellement Eleanor et fait ses rapports à Arthur :

  Arthur : Ils se sont vus tous les jours ?
  Syril : Oui.
  Arthur : Sont-ils amants ?
  Syril : Pas encore.

Syril "fait bloc" avec Arthur. Elle se sent indissociable de lui : "Nous nous sortirons de cette épreuve." Mais c’est envers la famille que s’exerce sa loyauté, plus encore que vis-à-vis d’Arthur auprès de qui elle a été élevée et qu’elle aime en secret. C’est pour cela qu’elle fait tout pour que Michael devienne l’amant d’Eleanor : ainsi l’enfant à venir sera un "vrai Barret".

Le meurtre de Roger est évidemment le point d’orgue de sa loyauté : "Il voulait vous détruire. Je devais vous défendre. Je l’ai fait pour vous sauver."

Identification avancée : Syril est un 6 μ de sous-type social ("Devoir").

Michael McKinnon (Kenneth Branagh) : 9

Michael voulait échapper à l’emprise de son père, mais plutôt que de l’affronter directement et d’affirmer son existence et ses objectifs, il a choisi de devenir prêtre parce que son père "ne pouvait pas acheter l’entreprise". Bien entendu, le père (qu’on ne voit pas dans le film, mais qu’on devine de type 8) garde le contrôle en faisant affecter Michael contre son gré à Boston. Michael se résigne : "Que pesaient mes souhaits face à l’influence de mon père ? C’était de bonne guerre, une façon de se venger de ma décision d’entrer dans les ordres."

À Boston, Michael cherche "à tirer le meilleur parti de [sa] nouvelle existence" en devenant le coordinateur du programme des pauvres. Décidé à ne pas laisser connaître son appartenance à la famille Barret, il cherche à éviter Eleanor et Arthur Barret et notamment le dîner chez eux qu’ils lui proposent à maintes reprises. Michael à la fois ne décline jamais l’invitation et ne s’y rend jamais jusqu’à ce qu’il y soit forcé par l’ultimatum du père Dryer. Le stress est tel alors qu’il y a désintégration en 3 ("Malheureusement, la vanité prit le dessus.", constate-t-il.)

Michael comprend autant Arthur qu’Eleanor. Il dit d’Arthur lors de la première de tentative de fécondation : "Je ne puis qu’éprouver de la compassion. Quel châtiment cruel et inhabituel ! Quelle que soit la nature de ce qui allait se passer dans cette chambre, il en était exclu, lui le mari." Et Eleanor est surprise : "Quand je racontais mon histoire, jamais vous n’aviez l’air de me juger." C’est qu’il a une vision plus spirituelle que religieuse de sa fonction : "Le Dieu que je sers ne vit pas confiné dans une église […] Je ne crois pas qu’il nous en veuille d’être ni plus, ni moins qu’humain." Cette position lui permet de poser à Eleanor mourante cette question peu banale : "Quel Dieu voulez-vous ?" Il insiste même : "C’est celui que vous aurez."

Michael a assez souvent du mal à définir son opinion : "À dire vrai, je ne saurai vous répondre.", "J’hésite.", "Je n’en sais rien.", "Il est trop tôt pour le dire." De même le fonctionnement des autres lui est mystérieux : "Vous qui êtes avocat, vous savez sans doute déceler une certaine logique dans les motivations d’autrui, mais les raisons profondes, elles, sont irrationnelles. C’est arrivé. Je ne saurais expliquer pourquoi. C’est ainsi."

Quand Eleanor devient enceinte de lui, il change deux fois de position. D’abord, il négocie avec Eleanor qu’elle le laisse rester à Boston et en échange il lui fait une promesse : "Je ne ferai pas valoir mes droits de paternité. J’en assumerai les conséquences face à Dieu. L’enfant sera à vous et à Arthur. Ce ne sera pas mon sacrifice, ni ma pénitence, ce sera mon salut." Puis à la mort d’Eleanor, il veut élever les enfants : "Il n’y aura pas de négociation. […] Si vous vous avisez de me défier, je parlerai." Enfin quand il surprend la conversation entre Syril et Arthur et qu’il ressent respect et admiration pour ce dernier, il négocie à nouveau : les jumeaux à Arthur contre l’enterrement d’Eleanor dans la fosse commune.

Identification avancée : Michael est un 9 μ à aile 8 de sous-type social ("Participation").

Roger Martin (Neil Patrick Harris) : 3

Brillant élève de Harvard, Roger aspire une reconnaissance sociale, c’est-à-dire à un "poste respectable", mais par-dessus tout il désire travailler pour Arthur Barret, son "idole" dont la réputation est "légendaire".

La proposition d’Hannibal ne correspond pas véritablement à cette attente et le choque. Mais Hannibal joue sur deux caractéristiques du 3 pour le convaincre. Dans un premier temps, il le flatte : il réutilise ce que lui a dit Roger et déclare qu’Arthur Barret l’a pris pour "idole" en voulant faire de lui le géniteur de son enfant. Puis, il s’arrange pour faire jouer son esprit de compétition lors de la rencontre avec Arlington qui étudiait en même temps que lui à Harvard. C’est irrésistible pour Roger qui accepte le poste et manifeste sa certitude de réussir : "Je puis vous assurer qu’elle ne sera pas déçue."

La même compétitivité va jouer à l’égard d’Arthur Barret dès qu’il aura couché avec sa femme. Une fois qu’il a réellement intégré que celui-ci est stérile, ce qu’il considère comme équivalent à impuissant, il veut séduire Eleanor, lui "faire l’amour" et pas seulement la féconder.

Soucieux de son image, Roger agit en permanence pour la sauvegarder : il passe finalement la nuit avec Eleanor parce qu’il ne peut accepter que "cette belle femme à l’abri dans son hôtel particulier le regarde changer un pneu sous la pluie". Il déclare à Eleanor qu’il n’a "aucune envie de passer pour un rustre ou une sorte d’animal." Il se reproche amèrement tout ce qui risque de ternir cette image, plus encore quand on le lui fait remarquer : garder ses chaussettes lors de la première nuit avec Eleanor ("Je le savais."), donner un pourboire à l’employé de Barret qui a changé son pneu ("Crétin !").

Lors de sa dernière tentative désespérée pour revoir Eleanor, il menace Arthur et, là encore, son argument est l’image : "Quel beau morceau de choix pour les commères de Boston !"

Effet de son jeune âge, impact de sa première relation amoureuse, pression due à la singularité de la situation, Roger est très souvent sous stress et dans son type de désintégration, le 6. Il doute, il a peur, il se mésestime : "Je voulais tellement être à la hauteur, mais je n’ai pas la carrure requise pour le rôle."

Identification avancée : Roger est un 3 μ de sous-type social ("Prestige").

Hannibal Thurman (Robert Loggia) : 6

Pour Arthur Barret, Hannibal est l’ami fidèle sur qui il peut compter dans la vie et après la mort. C’est lui qui est chargé de recruter le fécondateur parce qu’il n’y a pas de doute qu’il saura garder le secret. C’est lui qui est chargé d’élever les enfants des Barret après la mort d’Arthur. Hannibal est fier de sa loyauté : "Ma mission n’a pas d’autre but que d’aider un ami très cher dans une situation aussi délicate que sérieuse. Je m’honore d’avoir été choisi pour ce faire."

Pour remplir sa mission, Hannibal manipule les autres par les idées. Il convainc Roger d’être le fécondateur en jouant sur sa vanité et son sens de la compétition. De la même manière, il persuade Michael de lui raconter l’histoire de la naissance des jumeaux en lui faisant ressortir qu’un homme d’Église ne peut pas faire autrement que respecter les volontés d’un mort.

Identification avancée : Hannibal est un 6 μ à aile 7 de sous type sexuel ("Force-Beauté").

Autre

Un autre personnage peut être identifié sur l’Ennéagramme :

Le Père Dryer (joué par Josef Sommer), le prêtre qui sait que la richesse de sa paroisse est directement liée à la fortune et à la puissance des Barret, est un 3. Michael dit d’ailleurs de lui qu’il "est un bon prêtre, mais aussi un homme d’affaires." Pour garder sa position, il n’est pas un mensonge près : par exemple, les informations confiées par Eleanor seront considérées comme une confession.

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