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Flesh and Bone
Analyse

Arlis Sweeney (Dennis Quaid) : 9

Arlis est totalement en retrait du monde, enfermé dans la culpabilité qui le ronge depuis le jour où son père a assassiné toute la famille Davies. Il vit au jour le jour dans "un petit village, avec la mentalité d’un petit village" et gère son parc de distributeurs automatiques de façon que la vie ne puisse pas lui réserver une quelconque surprise :

  Kay : Ça doit pas toujours être très drôle de conduire sans parler à personne.
  Arlis : Oh ! Ça devient une routine. On s’y fait.

Il ne veut surtout pas que son affaire prenne de l’ampleur : "L’expansion, c’est pas vraiment mon truc."

L’arrivée de Kay dans sa vie à la fois le réveille et le perturbe : "C’est vrai que ma vie est un peu… agitée depuis que je t’ai rencontrée. Je suis un gars qui roule d’une ville à l’autre, tu saisis ? Je croise les mêmes visages, j’entends les mêmes choses, je roupille dans les mêmes piaules, j’ingurgite la même bouffe, et c’est la routine toutes les semaines, et surtout ça me plaît. J’aime pas entrer dans des maisons habitées par des gens que je n’ai jamais vus, j’ai horreur des flingues, des coups de feu, des coups de poing, j’aime pas songer qu’il y a un mari jaloux qui peut surgir dans mon dos, j’ai horreur des surprises. Point final."

Une telle tirade est exceptionnelle. Le plus souvent, Arlis ne parle pas ou alors peu. Déjà, enfant lors de la scène initiale des meurtres, il se réfugie dans le silence :

  Roy : Petit, je suis ton père et je t’ai posé une question. Est-ce qu’il y a quelqu’un d’autre à l’étage ? Je t’écoute.
  Arlis : [Silence.]

À quoi bon parler en effet, puisque toute parole est inutile ("Ça sert à rien d’en parler. Ça sert à rien du tout."), que rien n’a d’importance et que la vie est sans espoir :

  Kay : J’ai menti et je le regrette.
  Arlis : Ça fait rien.
  Kay : Je t’assure. D’habitude, je suis différente.
  Arlis : Ça fait rien.
  Kay : Et je suis mariée.
  Arlis : Et alors, ça fait rien.

Arlis n’interroge pas non plus les autres sur leur vie :

  Kay : Tu poses jamais de questions… Enfin, personnelles.
  Arlis : Je pars du principe que les gens racontent ce qu’ils veulent. Pour le reste, ils sont libres.

À la rigueur, il les écoute. Mais il réprime trop ses émotions pour s’impliquer de quelque façon que ce soit :

  Kay : Tu t’es déjà marié ?
  Arlis : Non.
  Kay : Tu as déjà été amoureux ?
  Arlis : [Silence.]
  Kay : C’est indiscret, peut-être ?
  Arlis : Non. J’ai jamais été amoureux.

Identification avancée : Arlis est un 9 α.

Kay Davies (Meg Ryan) : 6

Le personnage de Kay est le moins réaliste psychologiquement du film. Elle est certes paumée et vulnérable, mais malgré tout trop à l’aise pour ce qu’elle a subi : mort de ses parents et de son frère, parents adoptifs alcooliques, mari abusif…

Kay veut comprendre le monde qui l’entoure. Quand elle se réveille dans la chambre d’Arlis et découvre un décor assez hallucinant, elle échafaude immédiatement des hypothèses : "Le lit doit bouger quand on met des pièces. Ça explique qu’il y ait des sous. Non, mais j’essaie de comprendre là. Qu’est-ce t’as fait ? T’as remporté le premier prix d’un concours minable ? Il nous reste les capotes. Et ben… Soit tu vas livrer aux soldats d’un régiment, soit on a eu une nuit de folie. Mais ça va, j’ai une explication. Par contre, pour les poules bleues, va falloir que tu m’aides un peu." Plus tard, elle voit Arlis classer la monnaie récupérée dans les distributeurs :

  Kay : Pourquoi y a des pièces qui sont bleues ?
  Arlis : C’est pour les juke-box.
  Kay : Pour les juke-box ? Je comprends pas.
  Arlis : Je prépare celles-là pour les patrons de bar et ils les mettent dans la machine.
  Kay : Tu paies pour faire jouer ton propre juke-box. Ça n’a aucun sens.

Kay est attachée aux règles. Elle n’aime pas les transgresser : "J’ai menti et je le regrette.", "Tu m’excuses ? Pour tout à l’heure. C’est simple de retenir un nom. C’est vachement pas correct de faire ça à quelqu’un." Quand elle veut choquer Reese, son mari, elle lui annonce qu’elle a couché avec Arlis et elle met la cerise sur le gâteau : "Tu sais quoi ? J’ai pas pris de douche et je me suis pas lavé les dents."

Par deux fois dans le film, elle affirme cette volonté de se conduire bien avec les autres. Dans la camionnette d’Arlis, elle lui affirme : "D’accord je suis chiante. J’ai reçu le message. Mais d’habitude, j’essaie d’être gentille." Plus tard, elle discute avec Ginnie :

  Kay : C’est un chouette nom de toute façon.
  Ginnie : Oui. Sauf que je suis pas une chouette fille. Et toi, je parie que t’en es une. J’ai raison ?
  Kay : J’essaie d’en être une.

Cet effort que nécessite le fait d’être aimable est significatif. Ce contrôle est mental et quand il n’est plus possible, Kay en est anxieuse et se projette dans le futur :

  Kay : Y a des fois, ça me fout les jetons.
  Arlis : C’est-à-dire ?
  Kay : Parfois, pendant à peine une seconde, on a l’impression qu’on serait prêt à des choses qui sont impensables quand on est normal. Comme tout à l’heure avec Reese. J’ai appuyé mon doigt sur la détente sans décider, j’ai senti mes muscles se tendre et si j’avais perdu le contrôle, ben je l’aurai fait. Je lui aurai explosé la gueule. Ma vie entière changeait pour un geste de trop.

Ces moments contre-phobiques passés, Kay peut manifester la peur du 6, même si c’est plutôt rare. Dans le motel avec Arlis, quand on frappe à la porte durant la nuit, elle imagine sans aucune raison que c’est son mari : "Peut-être que c’est Reese. Il peut… Mon Dieu !" Elle est d’ailleurs consciente de cette alternance entre la peur et la témérité : "J’adore prendre des risques. Non."

Kay a peu d’estime de soi. Elle s’excuse très souvent et ne se reconnaît guère de qualités ("Je suis chiante"). Alors qu’elle est une excellente cavalière, quand Arlis lui demande si elle sait monter, elle répond : "Oui, un peu." Elle a toujours peur d’être de trop et de déranger, comme lorsque Arlis la conduit chez elle :

  Kay : Non, mais t’es sûr que ça t’ennuie pas ?
  Arlis : Ça serait idiot que t’attendes sept heures ton bus pour Bayview alors que j’y serai dans deux heures.
  Kay : Je serais vachement gênée de sentir que j’ai perturbé ton planning.

ou lors de la scène finale : "J’arrive, je t’envahis alors que t’avais la paix. De quel droit est-ce que je dérange les gens ? Je sais que je suis pénible, mais je t’assure, je suis pas pénible pour les autres d’habitude."

Elle n’arrive pas à croire qu’Arlis puisse l’aimer :

  Kay : D’accord je suis chiante. J’ai reçu le message. Mais d’habitude, j’essaie d’être gentille. Si tu me rencontrais dans de meilleures circonstances, tu m’aimerais bien. La plupart des gens m’aiment bien, je t’assure. Remarque, peut-être qu’y mentent aussi.
  Arlis : Mais qu’est-ce qui t’arrive. J’ai rien dit. Moi aussi, je t’aime bien. C’est vrai que ma vie est un peu… agitée depuis que je t’ai rencontrée. Je suis un gars qui roule d’une ville à l’autre, tu saisis ? Je croise les mêmes visages, j’entends les mêmes choses, je roupille dans les mêmes piaules, j’ingurgite la même bouffe, et c’est la routine toutes les semaines, et surtout ça me plaît. J’aime pas entrer dans des maisons habitées par des gens que je n’ai jamais vus, j’ai horreur des flingues, des coups de feu, des coups de poing, j’aime pas songer qu’il y a un mari jaloux qui peut surgir dans mon dos, j’ai horreur des surprises. Point final.
  Kay : C’est vrai que tu m’aimes bien ?

On aura remarqué au passage le doute : "Peut-être qu’y mentent aussi.", "C’est vrai que…"

Tout cela rend Kay extrêmement passive sur le plan relationnel. Elle suit Arlis quand il lui demande la suivre, reste au motel quand il lui dit de le faire, mais ne prend quasiment aucune initiative. Même quand elle aide quelqu’un, comme lorsqu’elle donne des vêtements à Ginnie, Kay n’attend pas grand-chose en retour :

  Kay : Ginnie, avec un "J" ou "G" ?
  Ginnie : Tu penses m’écrire bientôt ?
  Kay : OK ! Garde ton petit mystère.

Une autre conséquence de ce doute envers soi et les autres est une certaine capacité à l’humour et à l’autodérision :

  Arlis : T’encaisses assez bien.
  Kay : Entraînement professionnel.

Identification avancée : Kay est une 6 α de sous-type conservation ("Cordialité") à aile 7.

Roy Sweeney (James Caan) & Ginnie (Gwynth Paltrow) : 8

Vous voulez un vrai méchant ? En voilà deux pour le prix d’un. Roy et Ginnie cumulent toutes les caractéristiques des 8 très désintégrés.

Dans la scène initiale, Roy tue sans raison la famille Davies et jusqu’au bout, il va utiliser son crime comme moyen de culpabiliser Arlis ("T’as toujours été un bon petit gars. T’as toujours fait ce qu’on te disait. Enfin, dans la majorité des cas."). Pour mieux le tenir, il lui rappelle en permanence leur parenté : "T’es comme moi. Tu es la chair de ma chair. C’est le même sang qui coule dans mes veines et dans les tiennes.", "Nous sommes tellement semblables.", "On est lié par le sang."

Roy exprime son pouvoir sur Arlis en l’appelant "Junior". Il l’humilie régulièrement : "T’es mort ! Tu viens te jeter directement dans la gueule du loup, junior.", "Tout mioche, il avait horreur des petites bêtes. Même les sauterelles le faisaient pleurer.", "Tu es stupide. T’as toujours été stupide. T’étais déjà stupide quand t’avais cette taille-là et maintenant t’es encore plus stupide qu’avant." Ginnie n’est pas en reste : "J’ai compris. T’aurais pas l’estomac de sortir ton feu si on te flinguait."

Roy est fier de sa férocité : "Il a joué à me menacer. Alors moi, ça m’a énervé. Ça me perturbe, mais tu sais ce que je fais aux marioles dans son genre."

Bien évidemment, Roy n’a pas de faiblesse : "J’ai du plomb dans l’aile, mais je vole encore. […] Si j’avais un accident le samedi soir, je serais d’attaque pour lui mettre une baffe le dimanche." Et Ginnie fait écho : "J’ai jamais rien attrapé de ma vie."

La faiblesse la plus évidente et donc la plus méprisable, c’est l’expression des émotions :

  Roy : T’as vu la tête qu’elle fait ? T’es pas émue ? Ça te brise pas le cœur ?
  Ginnie : Si. Bien sûr.

À la place, on manifeste du cynisme :

  • Roy : "Je peux pas faire ça. Qu’est-ce que ça ferait de moi un acte pareil ? Un homme qui tue son propre fils ! Oh non, ça troublerait mes nuits et c’est important mon sommeil."
  • Ginnie : "Dieu te bénisse", dit-elle à l’homme dont elle vient de détrousser le cadavre.

Voilà ce qui unit Roy et Ginnie. Il l’apprécie parce que : "Rien ne lui fait peur. Avec elle il faut se méfier vachement. Deux battements de cœur par minute." Mais bien entendu, leur relation n’est qu’une relation de pouvoir :

  Roy : Passe-moi la bouteille, tu veux ?
  Ginnie : Nous avons fini la dernière tout à l’heure.
  Roy : Nous ? Ou toi ?
  Ginnie : La bouteille est vide. Ça s’arrête là.
  Roy : Au prochain routier, tu t’arrêteras.
  Ginnie : C’est toi qui commandes.
  Roy : [Il hoche la tête, satisfait.]

Pour faire bonne mesure, Roy manifeste la luxure du 8 ("Elle est aussi bonne à manger qu’à sentir ?" demande-t-il à propos de Kay) et Ginnie son incapacité à supporter la frustration ("J’aimerais bien savoir ce que je fais dans ce bled. C’est tout le temps pareil, les champs. On n’a pas encore inventé le blé multicolore.")

Pour se protéger, Roy est aux aguets : "Je n’oublie jamais un visage.", "J’adore noter les détails."

Identification avancée : Roy et Ginnie sont des 8 α, et Roy est de sous-type conservation ("Survie").

Autre

Un autre personnage peut être identifié sur l’Ennéagramme :

Elliot (joué par Scott Wilson), l’employé ex-taulard d’Arlis, est un 6. Il veut que les affaires soient menées avec "un peu de logique". Quand on lui demande quelque chose sur Arlis, il est "dans le doute" et ne donne pas de renseignement. Il a peur et demande la confiance d’Arlis.

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