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Entretien avec un vampire
Analyse

Lestat (Tom Cruise) : 3

Claudio Naranjo dit du 3 qu’il est une personnalité qui a toujours quelque chose à vendre. Ce trait est frappant chez Lestat. Il a été fait vampire sans avoir eu le choix. Lui le donne, sans nécessité donc, et les vampires qu’il crée ne sont pas ses victimes, mais plutôt ses clients.

Ainsi, au début du film, il aborde Louis avec un véritable argumentaire commercial : "La vie n’a aucun sens, n’est-ce pas ? Le vin n’a aucun goût. Les aliments te répugnent. Il semble ne rester aucune raison de vivre. Je me trompe ? Mais si je pouvais t’y faire reprendre goût, briser la souffrance, et t’offrir une autre vie, une vie que tu n’aurais jamais imaginée. Et ce serait pour l’éternité. Et la maladie et la mort ne pourraient jamais t’atteindre. N’aie pas peur. Je vais te donner le choix que je n’ai jamais eu. […] Je t’ai vidé de ton sang jusqu’au seuil de la mort. Si je t’abandonne ici tu meurs. [Silence] Ou… [Silence] Tu peux devenir éternellement jeune, mon ami, comme nous le sommes aujourd’hui. Mais tu dois me répondre. Veux-tu venir ou non ?"

Cet argumentaire est rodé et ainsi à la fin du film, il le réutilise avec le journaliste : "Je vais te donner le choix que je n’ai jamais eu…" Il est fier de son efficacité : "Nul ne pouvait se refuser à moi."

Sensible à l’image sociale, Lestat n’est heureux qu’au sein de la plus haute société. Louis dit de lui : "Son snobisme le poussait à chasser dans le grand monde et c’est le sang d’un aristocrate qui le faisait vibrer par-dessus tout." Lestat confirme plus tard par son dégoût des Yankees : "Leur saveur démocratique irrite mon palais !"

Devenu vampire, Lestat ne se pose pas de questions, contrairement à Louis. Il est totalement identifié à ce rôle ("Tu es ce que tu es."), le remplit aussi bien que possible et juge Louis et Claudia sur ce critère : "J’ai trouvé quelqu’un qui fera un meilleur vampire que vous deux."

Centre mental en second, Lestat a pas mal d’humour : "Viens à la Nouvelle-Orléans. L’Opéra de Paris donne une représentation. Goûtons un peu à la cuisine Française !" Il valorise l’intelligence :

  Lestat : Tu devrais t’estimer heureux. À Paris, il est indispensable pour un vampire d’être intelligent.
  Louis : Ah oui ?
  Lestat : Ici, on n’a besoin que d’une paire de canines.

Lestat est optimiste et supporte mal les états d’âme de Louis qu’il perçoit comme une "espèce de connard larmoyant" : "Oh ! Louis, Louis, toujours à pleurnicher. Ça fait des siècles que je suis obligé d’écouter ça." Il ne craint pas de châtiments : "Je ne connais aucun enfer." Il est content de lui : "La vie sans moi serait encore plus… intolérable. Ah ! Ah ! Ah !"

Après les multiples tentatives d’assassinat de Claudia et Louis, affolé par le monde moderne ("Ils rendent la nuit plus claire que le jour."), Lestat se désintègre en 6, se terre dans un sous-sol à la Nouvelle-Orléans et implore l’aide de Louis ("Si tu restes avec moi, Louis, j’oserai m’aventurer dehors, redevenir l’ancien Lestat."). Celui-ci la lui refuse, mais être informé de l’absence de danger des lumières électriques suffit à requinquer Lestat ("Ah ! Je me sens mieux déjà !") et à lui permettre de rebondir.

Identification avancée : Lestat est un 3 μ de sous-type social ("Prestige").

Louis (Brad Pitt) : 4

Louis promène tout au long du film sa souffrance existentielle et sa recherche de sens. Il se sent différent, nulle part à sa place : "Bien que je sois fait de chair, je ne suis pas humain.", "Le monde entier me révolte et il m’a toujours révolté."

En 1791, à vingt-quatre ans, encore humain, Louis perd sa femme qui meurt en couches et la vie en devient invivable : "J’aurais été heureux de les rejoindre. Je ne pouvais supporter la douleur de les avoir perdus. J’aspirais à en être délivré. J’avais le désir de perdre tout ce qui me restait de richesses, de terres, ma maison. Par-dessus tout, j’aspirais ardemment à la mort, je le sais aujourd’hui. Je l’invitais à venir me délivrer de la douleur de vivre."

Mais pour un 4, il y a une grande distance entre les émotions et l’action. Quand Lestat lui offre la mort, paraît-il tant désirée, Louis la refuse et préfère devenir un vampire. De la même manière, il ne mettra jamais fin à sa vie de vampire, alors que c’est si simple et, d’après Armand, fréquent : "Sais-tu combien peu de vampires ont la force d’assumer leur immortalité ? Combien d’entre eux se donnent volontairement la mort ?"

À peine créé, il perçoit la souffrance de son état en la connectant au passage à ses préoccupations esthétiques : "J’étais un vampire qui vient de naître, pleurant sur la beauté de la nuit." À partir de ce moment et pendant les deux siècles qui suivent, tout lui est douleur : "Il y avait un enfer. Où que nous puissions aller, j’y étais." Le moindre détail sert de prétexte : "Nous avons atteint la Méditerranée. J’aurais voulu que les eaux soient bleues, mais elles étaient noires. Des eaux de nuit. Combien j’ai souffert alors, essayant de retrouver la couleur que dans ma jeunesse, j’avais tenue pour acquise !"

Louis refuse dans un premier temps de boire du sang humain ("Pardonnez-moi si j’ai un vestige de respect à l’égard de la vie."), malgré les encouragements de Louis : "Réserve tes goûts d’esthète à des choses plus pures. Tu peux les tuer très vite, si tu préfères, mais tue-les. N’en doute pas une seconde, tu es fait pour tuer, Louis."

Quand il se décide à consommer du sang humain, Louis est torturé par le remords : "J’étais noyé de remords à la pensée de tuer. Je rêvais d’un instant de paix." Armand lui dit : "Vous mourrez chaque fois que vous tuez." Lestat est bien conscient de tout ce qu’il y a d’auto-complaisance dans cette attitude : "Mort miséricordieuse ! Comme tu l’aimes ta culpabilité chérie !" Armand l’est tout autant : "Ta perversité, c’est de refuser de faire le mal." Louis le réalise à la fin : "Et si tout ce qui me restait était mes souffrances et mes regrets ?"

Avec Lestat, Louis a l’attitude classique de séduction-rejet du 4. À peine le croit-il mort qu’il en perçoit les qualités : "C’est lui qui m’avait fait. Il m’avait donné cette vie, quelle qu’elle puisse être. Cela n’aurait pas dû finir ainsi. […] Lestat, nous méritons ta vengeance. Tu m’as offert le don obscur et je t’ai livré entre les mains de la mort, une seconde fois." Et plus tard : "J’avais mal jugé Lestat. Je l’avais haï pour de mauvaises raisons." Encore une occasion de souffrir et de regretter !

Louis se lance dans une vaine quête du sens de son existence : "Mais vous devez bien connaître le sens de tout cela ?" Il parcourt le monde à la recherche d’autres vampires et bien évidemment, là aussi il est ambivalent : "Je commençais à croire que nous étions les seuls. Il y avait dans cette pensée un étrange réconfort. Au fond, qu’est-ce que les ténèbres pourraient avoir à dire aux ténèbres ?" Il tente de se faire comprendre du journaliste qui l’interviewe, mission impossible bien entendu : "Mon Dieu ! J’ai donc échoué encore une fois."

Identification avancée : Louis est un 4 α de sous-type conservation ("Intrépidité").

Armand (Antonio Banderas) : 5

Armand est à la recherche d’informations. S’il s’intéresse à Louis, c’est parce que Louis peut lui permettre de comprendre son époque : "Le monde change et nous ne changeons pas. C’est là toute l’ironie qui finit par nous tuer. J’ai besoin de toi pour comprendre ton époque, de ton esprit." Pour y arriver, il laisse Louis tuer tous les autres vampires parisiens pour se venger du meurtre de Claudia :

  Louis : Vous ne les avez même pas prévenus ?
  Armand : Non.
  Louis : Et vous saviez ce que j’allais faire ?
  Armand : Je le savais.

À l’inverse, Armand ne donne aucune information. Quand on l’interroge, il élude ou donne le minimum de réponses :

  Louis : Alors, vous avez la réponse ?
  Armand : Alors, vous avez la question ?

Ou :

  Louis : Qui sommes-nous ?
  Armand : Mais rien, si ce n’est des vampires.
  Louis : Qui a fait de nous ce que nous sommes ?
  Armand : Vous connaissez sûrement celui qui vous a fait.
  Louis : Oui. Mais celui qui l’a fait lui ? La source de tout ce mal ?
  Armand : Je comprends. Je vous ai vu au théâtre. Votre souffrance, votre sympathie pour cette fille. Vous mourrez chaque fois que vous tuez.
    […]
  Louis : Alors, il n’y a rien ?
  Armand : C’est possible.

Mais bien sûr, c’est la faute de son interlocuteur qui ne l’interroge pas assez intelligemment :

  Armand : Déjà ? Sans avoir aucune des réponses que tu attendais ?
  Louis : Vous disiez qu’il n’y en avait pas.
  Armand : Mais tu ne poses que de mauvaises questions.

Identification avancée : Armand est un 5 μ de sous-type conversation ("Château fort").

Claudia (Kirsten Dunst) : 8

Claudia, sous ses airs de petite poupée en porcelaine, est en permanence dans l’excès : "J’en veux encore plus ! J’en veux encore plus !" exige-t-elle dès qu’elle boit du sang humain pour la première fois. Lestat et Louis perçoivent bien la différence qu’il y a entre eux et elle, "tueuse féroce", "implacable prédatrice en quête de sang."

Claudia se veut inaccessible à la peur :

  Lestat : J’ai trouvé quelqu’un qui fera un meilleur vampire que vous deux.
  Claudia : Ceci est supposé me faire peur ?

Elle est sûre d’elle-même et d’obtenir ce qu’elle veut :

  Louis : Jamais il ne nous laissera partir.
  Claudia : Vraiment ?

Claudia ne supporte pas qu’on lui cache quelque chose : "Lequel de vous deux a fait ça ?" Quand elle découvre que Lestat a fait d’elle un vampire, elle place immédiatement le problème sur le terrain du pouvoir : "C’est vous qui avez fait de nous ce que nous sommes ? Pourquoi votre pouvoir à vous seul ?" Et la colère éclate immédiatement : "Je le hais. Je vous déteste. Je vous hais tous les deux." Cette colère la rapproche encore de Louis : "Nous sommes unis dans la haine."

Chez un 8, la fixation de vengeance suit de très près la colère. Claudia assassine Lestat en lui faisant boire du sang mort et en lui tranchant la gorge. Contrairement à Louis, elle n’a aucun remords ("Il méritait de mourir.") et reste très pragmatique : "Faut-il le brûler ou bien l’enterrer ?"

Identification avancée : Claudia est un 8 μ de sous-type social ("Protection mutuelle").

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description du film