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L’été de Kikujiro
Analyse

Kikujiro (Takeshi Kitano) : 7

Kikujiro s’ennuie vaguement auprès de sa femme trop autoritaire et coléreuse pour lui. Quand elle invective des jeunes gens qui fument, il somnole à côté d’elle sans trop savoir ce qui se passe. Elle le ramène dans la conversation d’un coup de coude et lui, ravi, fait un grand sourire aux adolescents et le V de la victoire.

Seuls l’intéressent l’alcool, les courses et les filles, et il fait tout pour se procurer l’argent nécessaire à ses plaisirs. Quand sa femme force les jeunes qui rackettent Masao à lui rendre son argent, Kikujiro essaye de le subtiliser au passage, puis interpelle les racketteurs : "Allez ! Filez-m’en plus ou je vous tue, petits cons."

De même, les 50 000 ¥ qui doivent financer le voyage à Toyohashi pour retrouver la mère de Masao, partent en fumée dans des paris au vélodrome. Une fois qu’ils sont perdus, il ne reste plus à Kikujiro qu’à détrousser Masao : "T’avais bien 2 000 ¥ ? Donne-les moi. Allez ! Tu me les donnes, petit con !" L’enfant choisit alors deux chiffres qui lui permettent de gagner et, enthousiaste et ravi d’avoir trouvé cette mascotte, Kikujiro encense le gamin jusqu’à ce que tout l’argent gagné soit reperdu : "T’es un petit con, toi ! Pourquoi t’as pas dit 9 et 7 au lieu de 7 et 9 ? C’était facile pourtant. Fallait réfléchir un petit peu. […] On perd 30 000 ¥, petit con. […] En fin de compte, t’es loin d’être un génie."

On remarque que Kikujiro use et abuse de cette injure mentale ("Petit con.") et aussi des références à l’intelligence : il traite de "crétin" un des parieurs du vélodrome ; "Tu me prends pour un imbécile ?", dit-il à l’hôtelier dont il trouve la note trop élevée ; "Qu’est-ce que tu fais ? Tu vois pas que c’est pas un bus, paysan !", déclare-t-il au gardien de la fabrique de piano qui attendait le car avec lui et monte dans une camionnette ; "Toi, t’es vraiment con.", assène-t-il à Gros Biker qui ne sait pas faire le poisson-chat pour distraire Masao. Mentale aussi cette discussion avec un chauffeur de camion :

  Kikujiro : Eh ! Toi ! Emmène-nous à Toyohashi.
  Chauffeur : Et pourquoi je ferais ça ?
  Kikujiro : Ben, parce qu’on fait du stop, ducon !
  Chauffeur : Et moi je fais mon travail, trouduc ! Tu pourrais au moins me parler poliment. Tu peux toujours courir pour que je t’emmène.
    [Le chauffeur s’éloigne. Kikujiro ramasse une pierre avec l’envie de la lui envoyer et renonce.]

On notera cette agressivité permanente, par exemple avec un des parieurs du champ de courses :

  Kikujiro : Quelle saloperie !
  Parieur : Ah ! C’est encore perdu, hein on dirait ?
  Kikujiro : Allez va-t’en ! Reste pas à côté de moi, sale pauvre ! C’est toi qui me portes la poisse. Fiche-moi le camp, crétin !

Mais le plus souvent, comme avec le chauffeur ci-dessus, cette violence reste sur le plan verbal et Kikujiro évite le plus souvent les conflits physiques.

Pour voyager, comme il n’a plus d’argent, Kikujiro monte plans sur plans, tous aussi foireux les uns que les autres :

  • Il vole un taxi alors qu’il ne sait pas conduire.
  • Il maquille Masao pour essayer en vain d’inspirer la pitié aux conducteurs susceptibles de les prendre en stop : "Ce qui va pas, c’est ta tête. Faut que t’aies l’air plus malheureux."
  • Il essaye dans le même but de faire croire qu’il est aveugle : "Attends un peu j’ai une idée ! […] Toi, tu sais pas y faire. Je vais m’y mettre tout seul. D’accord ?" Il finit renversé par une voiture.
  • Il sème des clous sur la chaussée : "Tu as compris ? Dès que le pneu éclate, on se précipite pour aider. D’accord ? Et on est pris en stop." La voiture dont le pneu crève termine sa course dans le fossé et il ne reste qu’une solution : "Filons !"
  • Il juge alors plus sûr de crever les pneus d’un minibus à l’arrêt et, bien évidemment, se fait surprendre par le conducteur.

Kikujiro tient à son image. Il insiste pour que Masao parle de lui en bien à sa mère : "Faudra lui dire que je suis un type bien. Faudra que tu lui expliques comme j’ai été gentil et comme j’ai été généreux avec toi. N’oublie pas !" Il ne peut pas avouer à Masao qu’il ne sait pas nager : "Bien sûr que je sais nager ! Je vais te faire voir, petit con. Regarde et admire-moi, petit con !" Là-dessus, une superbe bouée en plastique autour du ventre, il plonge dans la piscine et se retrouve la tête sous l’eau, les pieds en l’air, incapable de se redresser.

Il essaiera ensuite d’apprendre seul sur une chaise dans la chambre d’hôtel. Cette volonté d’apprendre à faire ce qu’il ne sait pas faire est permanente et nous le voyons aussi s’entraîner au jonglage et aux claquettes.

Quand Kikujiro voit Masao pour la première fois, la première chose qui l’inquiète est la tristesse de l’enfant : "Il a pas l’air bien gai, ce gamin." Dès qu’il décide de s’en occuper réellement, il n’a qu’une idée en tête : "Il faut le faire rire un peu ce gosse." Pour cela, il monte des spectacles invraisemblables du strip-soleil au débarquement des extraterrestres. Ces spectacles, il n’y participe le plus souvent que comme metteur en scène : "Va faire le poisson ! […] Aujourd’hui toi, tu fais E.T. Demain, toi, tu feras l’ogre. […] Pastèque 2, en place !"

Il n’y a pas de 7 sans compulsion de gloutonnerie. Dans l’abribus, Kikujiro vole le déjeuner du gardien de la fabrique de piano et, dès celui-ci parti, le donne à Masao. Il insiste sur l’importance du sacrifice : "Et ben moi, faut dire que j’ai faim. Mais ce que je veux, c’est que toi tu manges. Parce qu’un adulte, pour les enfants, il doit risquer sa vie." En réalité, il a mis de côté un sandwich pour lui, va le manger en douce derrière l’abri, le fait tomber par terre et se casse la figure en essayant de le récupérer.

De façon classique, il y a derrière cela une souffrance émotionnelle, perceptible même dans les moments de joie enfantine comme quand il gagne aux courses ou achète, pour Masao et lui, des chemises hawaïennes. Comme Masao, Kikujiro est sans contact avec sa mère et le jour où il prend conscience que leurs situations sont semblables, il s’attache à lui et essaye d’unir leurs solitudes :

  Kikujiro : Écoute ! J’ai réfléchi et je me suis dit que tout à l’heure quand t’auras retrouvé ta mère, tu vas rester chez elle.
  Masao : Oui.
  Kikujiro : Et moi qu’est-ce que je ferai ?
  Masao : Tu peux aussi rester chez ma mère.
  Kikujiro : Qui ? Moi ?
  Masao : Oui.
  Kikujiro : Vaudrait mieux pas, je crois. C’est une jolie femme ta mère, hein ?
  Masao : [Sourire.]
  Kikujiro : Alors, imagine qu’on s’entende bien elle et moi et que je la saute. Alors moi, je me marierai avec ta mère et alors, toi, tu deviendrais mon fils, hein ?
  Masao : [Sourire.]
  Kikujiro : Ça te plairait ça ? Tu m’appellerais papa. Tu te rends compte. Dis-le ! Papa ! Allez ! Dis papa, petit con !

Identification avancée : Kikujiro est un 7 μ à aile 8 de sous-type conservation ("Clan").

Femme de Kikujiro (Kayoko Kishimoto) : 1

La femme de Kikujiro est facilement en colère et, en même temps, donne l’impression de retenir sa colère :

  Kikujiro : Et où elle est sa mère ?
  Sa femme : Je pense qu’elle a dû partir travailler ailleurs.
  Kikujiro : Ah ! Tu parles ! Elle a dû se tirer avec un autre mec, oui.
  Sa femme : Arrête, tu veux ? Tu dois confondre avec ta mère ?
  Kikujiro : Parlons de ta mère à toi, plutôt. C’est bien elle qui est mariée trois fois ?
  Sa femme : Non, mais de quoi tu te mêles ?
  Kikujiro : C’est toi qui as commencé, espèce de garce !
  Sa femme : [Elle se tait.]

Elle sait comment le monde doit fonctionner et le fait savoir : "Vous n’avez pas le droit de fumer, vous le savez bien. Quelle bande de glandeurs ! Si vous continuez à traîner, un jour, vous finirez comme lui.", dit-elle à des jeunes gens qui traînent sur un banc.

Plus tard, elle protège Masao des adolescents qui le rackettent et s’indigne que son mari essaye de soutirer de l’argent à ces jeunes voyous : "Tu n’as pas honte ?"

C’est elle qui décide que Masao ne peut pas partir seul à la recherche de sa mère, qui force Kikujiro à l’accompagner et qui se charge de prévenir la grand-mère.

Identification avancée : La femme de Kikujiro est un 1 à aile 2 de sous-type social ("Inadaptation sociale").

Autres

D’autres personnages peuvent être étudiés à l’aide de l’Ennéagramme :

Masao (joué par Yusuke Sekiguchi) est un 9. À part la décision prise de rejoindre sa mère, il est extrêmement passif et silencieux. Il ne montre que le désespoir tranquille des 9 qui ne se sentent pas aimés et n’ont guère l’espoir de l’être. À côté de la colère de Kikujiro, il prône la voie de la douceur :

  Masao : Tu vois, quand on demande gentiment, tout s’arrange.
  Kikujiro : Tais-toi donc, petit con.

Gros Biker (joué par Great Gidayu), est aussi un 9. Il semble incapable de se mettre en colère quelles que soient les circonstances : Kikujiro lui vole son porte-bonheur, l’ange clochette, il le chasse à la sortie de l’hôpital, le poète lui envoie une flèche dans les fesses, peu importe, Gros Biker reste toujours aussi bonhomme.

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