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Loin du Paradis
Analyse

Loin du paradis se déroule pendant les années 1957 et 1958 dans une société moraliste, fermée et raciste dont on dirait dans le modèle de la Spirale Dynamique qu’elle est dominée par le niveau d’existence Bleu. Cela ne change rien à la structure des ennéatypes bien sûr, mais cela change de manière non négligeable la manière dont ils s’expriment. Il est important d’en tenir compte en lisant cette analyse.

Loin du paradis: CathyCathy Whitaker (Julianne Moore) : 2

Cathy se soucie des gens. Sa première apparition à l’image nous la montre rentrant de faire des courses et insistant pour que ses enfants portent les paquets à l’intérieur de la maison avec la domestique noire : "Je veux que vous aidiez Sybil." Cela ne semble pas une attitude très courante dans son milieu…

Quand elle découvre Raymond venu à l’improviste dans son jardin, apparition que Mrs Leacock trouve effrayante ("Ah ! Mon Dieu ! Madame Whitaker, vous devriez appeler la police."), elle lui parle assez sèchement, mais s’en excuse aussitôt rassurée : "Je suis vraiment navrée de vous avoir parlé sur ce ton, monsieur Deagan. J’ignorais qui vous étiez et ce que vous faisiez chez moi."

Aussitôt qu’elle apprend la mort du père de Raymond, elle est très émue et éprouve le besoin de le manifester par un contact physique :

  Raymond : Mon père nous a quittés malheureusement.
  Cathy : Oh ! Oh Je… Je… [Elle s’avance vers lui et lui pose la main sur l’épaule.] Je l’ignorais. Je suis sincèrement désolée. Je vous présente toutes mes condoléances. Votre père était un homme merveilleux, très dévoué.

Elle cherche à comprendre ce qu’il vit : "Depuis que je vous ai vu à l’exposition, je me demande l’effet que ça fait d’être le seul dans la pièce. Le seul homme de couleur ou de quoi que ce soit… Ce qu’on peut ressentir dans ces circonstances…"

Si pour ses amies et pour la bourgeoisie de Hartford, Raymond n’est qu’un Noir, pour Cathy, il est un être humain, et elle se conduit, avec lui comme avec les autres en privilégiant l’émotionnel à la réflexion, ce qui la fait percevoir "imprudente [et] inconsidérée". Ce n’est pas la première fois que Cathy se comporte ainsi. Sa meilleure amie, Eleanor, dit d’elle : "Elle est libérale depuis la fac où elle faisait du théâtre avec de beaux étudiants juifs. Pourquoi crois-tu qu’on la surnommait ’La Rouge’ ?" Mais, en réalité, il ne s’agit pas réellement d’une attitude sociale ou politique. Certes, elle déclare à Raymond lors de l’exposition que son"époux et [elle croient] en l’égalité des droits pour les Noirs et sout[iennent] ceux qui militent en leur faveur." Mais ce n’est qu’à la fin du film qu’elle-même songe à faire quelque chose de concret en devenant bénévole de l’Association pour le progrès des gens de couleur.

Avec son mari, Cathy est heureuse dans le rôle de "l’épouse comblée d’un haut cadre commercial qui a réussi." Le rôle d’éminence grise que souligne la journaliste lui convient : "Il y a un adage bien connu qui dit que derrière chaque grand homme, il y a une grande dame. En tant qu’épouse, mère et Madame Magnatech personnifiée, Catherine Whitaker en est la parfaite illustration, une femme qui est aussi dévouée à sa famille qu’elle est gentille avec les Noirs."

De son efficacité en ce domaine, elle tire de toute évidence orgueil, la passion du 2, même si l’humilité reste la façade obligée : "J’avoue que je n’ai toujours pas compris pourquoi vous souhaitez interviewer quelqu’un comme moi."

Cathy est systématiquement positive avec Frank, même après avoir découvert son homosexualité. Qu’il aille en thérapie et elle l’encourage :

  Cathy : Frank ?
  Frank : Quoi ?
  Cathy : Je suis fière de toi, c’est tout.
  Frank : Ne dis pas ça.
  Cathy : Mais je le suis.

Fixation de flatterie, elle en fait parfois trop, par exemple après que Frank a essayé d’avoir une relation sexuelle avec elle et que cette tentative a piteusement échoué : "L’important, c’est de continuer à essayer. […] Frank, tu es un homme pour moi. Un vrai."

Il la frappe alors et bien évidemment, c’est simplement l’occasion de manifester son absence de besoins : "Ce n’est rien. Je vais bien. C’est un accident."

De Frank, elle attend qu’il se livre totalement à elle. Ainsi, quand il revient d’une séance de thérapie avec le docteur Bowman, elle cherche à savoir ce qui s’y est passé, et un brin de manipulation émotionnelle devrait l’aider à arriver à ses fins : "Il n’y a rien d’autre que tu aimerais partager avec ta femme qui t’adore."

Cela ne l’empêche d’être incapable d’exprimer ses propres émotions ("Je ne peux pas."). Quand Frank rentre à la maison le soir où elle l’a surpris en train d’embrasser un homme à pleine bouche, elle l’accueille ainsi : "Monsieur Maynard a laissé un devis pour la toiture. Je l’ai mis dans la cuisine. 1 200 dollars."

Cathy manifeste en permanence la compulsion consistant à éviter de reconnaître ses propres besoins. Sa vie n’est que cela. Quelques moments dans le film le soulignent. Madame Barker lui téléphone pour changer un rendez-vous : "Si ça vous arrange, je suis ravie." Raymond lui dit qu’il vaut mieux qu’elle ne le rejoigne pas à Baltimore : "Ce qui doit compter avant tout, c’est ce qui est le mieux pour Sarah." Elle comprend parfaitement l’argument et approuve de la tête.

Cathy remercie facilement les gens, même quand ce n’est apparemment pas justifié, par exemple son mari parce qu’il accepte d’aller voir un psychothérapeute.

Elle est d’une grande finesse psychologique. Elle devine à l’attitude de Frank qu’il "est arrivé quelque chose au bureau." Elle est bien consciente de ce que signifie parler de ses problèmes conjugaux à Raymond :

  Raymond : Il est parfois plus facile de se confier à un étranger.
  Cathy : Mais une fois qu’on s’est confié, celui qui vous a écouté n’est plus vraiment un étranger.

De même, elle perçoit l’agressivité cachée qu’il y a dans le fait qu’il l’ait amenée dans le restaurant fréquenté uniquement par des Noirs : "J’espère que vous trouvez ça très amusant."

Identification avancée : Cathy est un 2 de sous-type social ("Ambition").

Loin du paradis: FrankFrank Whitaker (Dennis Quaid) : 3

"Haut cadre commercial qui a réussi", ayant "des années d’arriéré" de congés, désespéré d’être mis en vacances de force "à la période la plus chargée de l’année", Frank ne vit que pour son travail.

Pour son travail et pour son image plus exactement. Quand il apprend que toute la ville jase à propos des relations entre Cathy et Raymond, il explose : "Bon Dieu Kathleen ! [Il frappe du poing sur la table.] Est-ce que tu as la moindre idée de ce que tout ça va provoquer ? Est-ce que tu te rends compte des répercussions que ça va avoir sur moi ? Des répercussions sur la réputation que j’ai mis huit ans à bâtir pour toi, pour les enfants, pour l’entreprise."

On notera que s’il se soucie de sa réputation, il ne travaille en réalité pas pour lui-même, mais pour sa famille, excuse classique de 3 à son absence du foyer. Si Cathy ne peut pas le lui reprocher, ses enfants ne s’en privent pas : "Papa ne veut jamais rentrer."

Identifié à son entreprise, Frank est "Monsieur Magnatech" sur les réclames et il fait de son épouse "Madame Magnatech personnifiée".

Identification avancée : Frank est un 3 α à aile 4 de sous-type conservation ("Sécurité").

Loin du paradis: RaymondRaymond Deagan (Dennis Haysbert) : 9

Ce qui frappe chez Raymond, c’est son mélange de force et de gentillesse.

Il est extrêmement assertif. Face à Cathy, dès la première rencontre, il lui parle fermement, d’égal à égal. Il n’hésite pas à lui proposer de l’emmener en promenade, même s’il sait parfaitement tout ce que cela a d’inconvenant et de risqué pour lui comme pour Cathy.

En même temps, il est d’une très grande douceur. On ne l’entend pas élever la voix une seule fois. Il est acceptant : "Ça arrive aux époux", dit-il à Cathy quand elle lui parle des problèmes qu’elle a avec son mari. Là où Cathy et Frank élèvent leurs enfants gentiment mais par des ordres, il essaye de convaincre sa fille de faire ce qu’il veut en jouant sur la complicité qu’il y a entre eux : "Pour Papa."

Personnage de loin le plus intégré du film, Raymond n’en manifeste pas moins cette forme d’agressivité larvée que peuvent montrer les 9. Quand Cathy lui dit "Depuis que je vous ai vu à l’exposition, je me demande l’effet que ça fait d’être le seul dans la pièce. Le seul homme de couleur ou de quoi que ce soit… Ce qu’on peut ressentir dans ces circonstances…", il lui répond "Si vraiment, ça vous intéresse…" et l’emmène dans un restaurant dont la clientèle est uniquement composée de Noirs. Il sait qu’elle en sera gênée et s’en amuse en portant ce toast : "À la seule dans la pièce !"

Mais, il ne peut pas laisser durer son inconfort : "Vous savez on peut s’en aller si vous êtes mal à l’aise." C’est une attitude systématique chez lui : "Il m’arrive de lire les journaux. […] Je vous taquinais."

Quand il est obligé d’abandonner sa maison, son travail, son magasin, sa ville, Raymond accepte à nouveau la situation et ne manifeste ni colère, ni même révolte : "C’est bel et bien fini pour moi ici. […] J’ai compris la leçon pour ce qui est de sortir du monde qui est le mien."

Raymond est un 9 α à aile 8.

Autres

D’autres personnages peuvent être étudiés à l’aide de l’Ennéagramme :

Sybil (jouée par Viola Davis) est un 6 : elle fait son devoir en toutes circonstances (rien ne l’empêchera de cirer les tables le vendredi), elle dit volontiers "Il faut", elle protège Cathy au point de vouloir l’accompagner chez Raymond et elle est "toujours prête à adhérer à une chose ou à une autre."

Sarah (jouée par Jordan Puryear), la fille de Raymond, toujours sage, sérieuse et toujours prête à donner des conseils ("Il est trop lourd. Il faut le mettre sur le dos ton avion.") est probablement un 1.

Eleanor Fine (jouée par Patricia Clarkson), la meilleure amie de Cathy, pourrait bien être un 4.

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description du film