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Mystic River
Analyse

Mystic River: Jimmy MarkumJimmy Markum (Sean Penn) : 8

Pour les trois principaux personnages, les premières scènes, quand ils sont enfants et n’ont pas encore vécu le traumatisme de l’enlèvement de Dave, sont significatives. Jimmy est le leader incontesté de la petite bande, et il regarde Sean et Dave avec condescendance et ironie :

  Dave : Je suis désolé, les mecs. Je crois que je sens pas ma force.
  Jimmy : Si tu l’dis, Dave, ça doit être vrai.

Il monte les projets et les incite à transgresser les règles :

  Jimmy : Hé, y a un truc qui serait vraiment super…
  Dave : Quoi ?
  Jimmy : Conduire une voiture. Ben oui, juste un petit tour.
  Dave : Ouais…
  Jimmy : Vous connaissez quelqu’un qui laisse ses clés dans sa voiture ?
  Sean : Si j’vole une voiture, mon père me tue.
  Jimmy : Qui t’parle de vol ? On fait juste un tour.

Il ne supporte pas la peur de Sean, et cherche immédiatement un moyen de le défier. Il s’avance vers les travaux réalisés sur le trottoir, brise la bannière de sécurité qui protège le ciment encore frais, et demande, méprisant, à Sean : "Tu vas aussi avoir la trouille d’écrire ton nom ?"

Quand le pédophile qui se fait passer pour un policier aborde les trois enfants, Jimmy est le seul à ne pas montrer de peur et sa position de chef est évidente :

  Homme : Dites donc les gamins, ça vous paraît normal de faire des dégradations sur la voie publique. Hein ? Venez ici. Venez ici, j’vous dis. C’est normal ?
  Dave : Non, M’sieur.
  Sean : Non, M’sieur.
  Jimmy : Non.
  Homme : Non qui ?
  Jimmy : Monsieur.
  Homme : T’es la forte tête du groupe, toi.

Quelques années plus tard, il gère un magasin et Pete, son employé, insiste sur son excès et son exigence :

  Jimmy : Qu’est-ce que tu veux encore, Pete ?
  Pete : [Rires] Comme si c’était moi qui en demandais trop.

À ce moment-là, il mène une vie plutôt rangée, mais cela n’empêche pas Brendan, l’amoureux de sa fille Katie, d’être terrorisé par lui :

  Katie : Brendan, tu m’as fichu une trouille bleue.
  Brendan : Je suis désolé. Je voulais pas que ton père me voie.
  Katie : S’il te voit te glisser dans ma voiture, il te flingue.
  Brendan : [Il l’embrasse longuement.] Et si jamais il voyait ça ?
  Katie : Il te flingue. Et ensuite il te tue.

Il déteste Brendan… parce qu’il est le fils de son père, Ray Tout-Court Harris : "J’ai jamais pu sentir ce type. […] J’ai toujours été persuadé que les chats ne font pas des chiens." Il faut dire qu’Harris l’a donné aux policiers et ainsi envoyé deux ans en prison. En représailles, Jimmy l’a assassiné de ses propres mains, mais ce n’est pas suffisant pour satisfaire sa soif de vengeance. Sa colère s’étend sur les générations suivantes. Bien évidemment, ce besoin de vengeance, fixation du 8, sera tout aussi violent à propos de la mort de sa fille : "Je vais le retrouver, Katie. Je vais le retrouver avant la police. Je vais le retrouver, et je vais le tuer.", dit-il devant son corps aux pompes funèbres.

La vengeance est naturelle, tout au plus un péché véniel dont même Dieu ne peut pas lui tenir rigueur : "Tout le temps où je lui tenais la tête sous l’eau, je pouvais sentir Dieu qui me regardait en hochant la tête, mais pas en colère, comme on fait à un petit chien qu’a chié sur la moquette.", dit-il à propos de l’assassinat de Ray. Et il ne lui faudra guère plus d’une demi-journée pour se débarrasser de la culpabilité d’avoir tué Dave, alors qu’il était innocent.

Sa haine tenace à l’égard des Harris, Jimmy la masque à tout autre que sa fille, montrant au passage la dénégation qui est le mécanisme de défense du 8 :

  Pete : Je peux te poser une question ?
  Jimmy : Vas-y.
  Pete : Pourquoi tu hais autant ce gamin ?
  Jimmy : Ce n’est pas de la haine. Il ne te met pas mal à l’aise, ce petit connard de muet, parfois ?
  Pete : Non, moi je te parlais de Brendan. C’est un gentil garçon. Il traduit tout à son frère en langage par signes, même s’il a pas à le faire. Comme s’il voulait pas qu’il se sente trop seul. [Rires] Mais toi Jimmy, tu regardes Brendan comme si tu mourais d’envie de lui couper le nez et de le lui faire bouffer.
  Jimmy : Non, c’est vrai ?
  Pete : Et comment !

Jimmy est un homme d’action. Quand à la sortie de la communion de sa fille, il voit la voiture de Katie au bord du parc, il n’est pas encore sûr qu’elle soit morte. Pourtant, il envoie immédiatement un des frères Savage enquêter : "Nick, va chez Drew Pigeon et essaye de parler à sa fille et à sa copine. Katie était avec elles hier soir. […] Ce sont ses amies. Soyez pas trop durs avec elles." Avec le second, il force la clôture du parc pour s’approcher du lieu où pourrait être le corps.

Il demande alors à Sean de lui confirmer la mort de Katie et exige de lui une communication virile et directe : "Regarde-moi dans les yeux. Est-ce que c’est ma fille qui est là ?" Quand il en a confirmation, c’est autant la rage que le chagrin qui éclate.

D’ailleurs, la colère explosive est sa réaction habituelle, que ce soit avec son beau-père qui lui rappelle ses "responsabilités familiales" lors de la veillée funèbre de Katie, ou avec le sergent Powers qui lui demande pourquoi il a fait de la prison.

Colère aussi quand il se rend compte que malgré l’amour qu’il avait pour Katie, il ne réussit pas à se connecter réellement à son chagrin :

  Jimmy : Ce qui me rend de plus en plus fou de rage, c’est que j’arrive pas à la pleurer. Ma petite fille est morte, et j’arrive pas à la pleurer.
  Dave : Jimmy, tu pleures maintenant.

C’est que les émotions sont un signe de faiblesse et l’effraient : "Je me rappelle que j’avais plus peur de ma petite fille que j’avais jamais eu de la prison." Elles ne sont pas compatibles avec l’image qu’il a de lui, celle d’un homme fort et courageux : "Ma première femme, Marita, la mère de Katie, c’était vraiment une belle femme, une reine, comme le sont souvent les femmes latinos. Et elle le savait. Il fallait en avoir pour oser l’approcher, et j’en avais." C’est aussi d’ailleurs ainsi que les autres le voient : "Tu vas supporter ça, parce que t’es un homme."

En permanence, Jimmy commande et essaye d’intimider les autres, même les policiers :

  Sergent : Sauf votre respect, Monsieur Markum, c’est à nous, et à nous seuls, de mener cette enquête.
  Jimmy : Combien de temps ?
  Sergent : Combien de temps quoi ?
  Jimmy : Combien de temps avant que vous arrêtiez l’assassin de ma fille ? Je veux savoir.
  Sergent : Vous marchandez avec nous ?
  Jimmy : Marchander ?
  Sergent : [Il jette un coup d’œil à Sean, étrangement silencieux. Puis, ironique] Donnez-nous une date butoir.
  Jimmy : [Silence]
  Sergent : Nous travaillons pour Katie, Monsieur Markum. Si vous le permettez.
  Jimmy : Trouvez le meurtrier de ma fille, sergent. Je vous laisse le champ libre.

Tous les moyens sont bons pour obtenir ce qu’il veut, et une communication directe n’exclut pas le mensonge et la manipulation : "Avoue ce que tu as fait et je te laisse vivre." promet-il à Dave pour lui faire reconnaître le meurtre de Katie.

D’une certaine manière, Jimmy manifeste aussi la générosité du 8, par exemple en assurant un minimum de sécurité financière à la veuve de Ray Tout-Court Harris et à ses deux fils.

Identification avancée : Jimmy est un 8 μ manifestant clairement les trois sous-types conservation ("Survie"), social ("Protection mutuelle") et sexuel ("Possessivité").

Mystic River: Dave BoyleDave Boyle (Tim Robbins) : 9

Le personnage de Dave est plus difficile à identifier. Ce qu’il a subi dans son enfance l’a brisé : "Je ne sais pas ce qui est sorti de cette cave, mais putain de merde, ce n’était pas Dave." Il faut aller au-delà de sa souffrance et des émotions qui l’accompagnent pour trouver la réalité du personnage.

Enfant, avant le drame, Dave semble plus passif que Jimmy et Sean. Quand il grave son nom dans le ciment, il y voit une marque d’amitié éternelle avec eux : "Pour toujours." Il se perçoit comme quelqu’un de puissant, mais il n’a pas la violence et l’autorité de Jimmy : "Je suis désolé, les mecs. Je crois que je sens pas ma force." Plus tard, il sera un très bon joueur de base-ball, "le joueur vedette du lycée de la Trinité de 1978 à 82".

Dave est aimant avec sa femme. Avec son fils, il est doux, attentif ("Tu as l’argent pour ton lait ?") et indulgent :

  Michael : J’ai pas marqué.
  Dave : T’as bien joué, c’est ça qui compte.

Cette tolérance est d’ailleurs générale. À propos de Katie, qui a fait du tapage dans un bar et dansé debout sur le comptoir, il dit à Sean : "C’était pas méchant." Même quand le sergent Powers essaye de le faire avouer, il ne peut s’empêcher d’employer un vocabulaire très 9 d’acceptation :

  Dave : C’est votre opinion et vous avez tout à fait le droit de l’avoir.
  Sergent : Et vous trouvez ça drôle.
  Dave : Non, pas du tout.

Dave se perçoit comme un être bon. Quand il tue le pédophile, c’est pour lui comme s’il faisait le mal pour la première fois : "Tu ne sais pas comment on se sent seul quand on fait du mal à quelqu’un. On se sent comme étranger à soi-même." D’ailleurs, les gens sont bien avec lui :

  Dave : Tu veux que je te laisse seul.
  Jimmy : Non reste encore une minute. On est bien.
  Dave : Oui, bien sûr, Jimmy. On est bien.

Sous le poids du passé, Dave est très désintégré et la répression du centre instinctif est le trait le plus évident de sa personnalité. Son désespoir est visible. Il ne travaille pas, et il utilise abondamment le mécanisme de défense du 9, la narcotisation : alcool, télévision. Apathique, il ne voit pas venir le piège dans lequel l’entraînent les frères Savage.

Sous stress fort, la désintégration en 6 est nette :

  • "Je vois maintenant comment ton esprit fonctionne.", dit-il à Celeste.
  • "Je ne peux plus me fier à ma tête, Celeste. Je te préviens. Je ne peux plus me fier à ma tête."
  • "Ma tête fonctionne pas toujours très bien.", s’excuse-t-il auprès de Jimmy.
  • "Plus de mensonges, plus de secrets." est son aspiration avant de mourir.

Dave est un 9 α de sous-type conservation ("Appétit").

Mystic River: Sean DevineSean Devine (Kevin Bacon) : 6

Des trois enfants devenus adultes, Sean est celui dont la description psychologique est la moins aboutie dans le film. Pourtant, pour lui aussi, la scène initiale donne une indication de son type. Il est proche de Jimmy, n’a pas sa force et est prêt à le suivre, mais dans certaines limites : "Si j’vole une voiture, mon père me tue." Pour Jimmy, c’est clair, il a "la trouille". Il dira d’ailleurs plus tard : "Les frères Savage ont terrorisé notre enfance."

Plus tard, cette passion de peur n’est pas manifestée verbalement, mais elle est perceptible dans les attitudes et les réactions de Sean.

Sean fait son travail avec une recherche évidente de l’objectivité mentale. Il pense vite : il formule des hypothèses dès la découverte de la voiture, il repère l’indice dans l’enregistrement des appels d’urgence à la police, etc. Cette préférence pour le mental apparaît aussi dans les critiques qu’il adresse aux autres : par exemple, les tueurs ont une "minable et idiote vie" et les frères Savage sont "tous des putains d’abrutis".

Plusieurs fois, Sean évoque les règles. Quand il est prévenu que Jimmy arrive sur les lieux du crime, il demande aux policiers : "Essayez de le calmer en attendant le psy. Vous connaissez la routine." Au sergent qui s’étonne qu’il ne réponde pas aux avances d’une collègue, il rétorque : "Je suis marié, Whitey."

Sean se veut loyal à la police. Il est furieux à chaque fois que le sergent le soupçonne de vouloir protéger ses amis : "Prouve ce que tu avances, et je te promets que je sortirai les menottes plus vite que toi."

Les relations avec son sergent sont curieuses. Bien des fois, il lui laisse l’initiative et on a l’impression que le sergent est le chef et lui le subordonné. Whitey Powers étant 8, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle entre les relations que Sean a avec lui et celles qu’il a eues avec Jimmy.

Pourtant, sa véritable loyauté va à ses deux amis d’enfance : "Tu sais, parfois je pense qu’on est montés tous les trois dans cette voiture et que tout ceci n’est qu’un rêve. En réalité, nous sommes toujours des gamins de 11 ans enfermés dans une cave, imaginant ce que seraient nos vies si on s’était échappés." Il voudra à tout prix savoir la vérité ("Pourquoi ? Pourquoi t’as fait ça ?"), mais il protégera malgré tout Jimmy. La scène finale à la parade montre cette complicité désormais scellée.

Intuitif, le sergent Powers le savait déjà depuis longtemps, qui l’accueillait dans leur bureau d’un "Salut voyou !"

Sean est un 6 μ à aile 5 de sous-type conservation ("Cordialité").

Mystic River: Celeste BoyleCeleste Boyle (Marcia Gay Harden) : 6

Celeste est certainement le personnage dont le type est le plus évident. Il n’y a pas un moment dans le film où elle ne manifeste les caractéristiques du 6 désintégré avec force.

Que son mari ou ses enfants ("Rentrons avant que Maman s’inquiète.") rentrent tard, et elle est affolée. La passion de peur s’accroît au fur et à mesure qu’elle se met à croire à la culpabilité de Dave. Cette peur devient panique, et la conduit à quitter Dave et à le trahir, quand son mari lui dit : "Je ne peux plus me fier à ma tête, Celeste. Je te préviens. Je ne peux plus me fier à ma tête." Ce centre mental qui lâche, c’en est trop pour elle…

Mentale, Celeste est attentive à la cohérence du discours de Dave quand il lui raconte son agression : "Tu as dit que tu l’avais frappé d’abord." Dès ce moment, les premiers doutes surgissent, et elle va alors entrer dans une campagne de vérification. La fixation de doute s’exerce à l’égard de Dave bien sûr, mais, comme il est normal, aussi à l’égard d’elle-même : "Tu sais que les journaux n’en parlent pas. J’ai vérifié trois fois."

Celeste manifeste aussi avec beaucoup d’évidence l’orientation de loyauté. Elle l’est d’abord avec Dave, qu’elle soutient tant qu’elle croit qu’il a été victime d’une agression. Elle l’est vis-à-vis de Jimmy et Annabeth lors de la veillée funèbre de Katie : elle est présente de la première à la dernière heure et les Markum disent d’elle que c’est une "perle".

Typique aussi, le changement de loyauté. Elle doute de plus en plus de Dave et a peur de lui, et elle se tourne alors vers l’homme fort de la famille, Jimmy, celui qui pourra peut-être la protéger.

Celeste est un 6 α manifestant les sous-types conservation ("Cordialité") et social ("Devoir").

Autres

D’autres personnages peuvent être étudiés à l’aide de l’Ennéagramme :

Le sergent Whitey Powers (joué par Laurence Fishburne) est un 8 à aile 9. C’est un des personnages les plus intégrés du film dans lequel il promène sa force tranquille. Il ne se laisse pas intimider par Jimmy :

  Sergent : Sauf votre respect, Monsieur Markum, c’est à nous, et à nous seuls, de mener cette enquête.
  Jimmy : Combien de temps ?
  Sergent : Combien de temps quoi ?
  Jimmy : Combien de temps avant que vous arrêtiez l’assassin de ma fille ? Je veux savoir.
  Sergent : Vous marchandez avec nous ?
  Jimmy : Marchander ?
  Sergent : [Jette un coup d’œil à Sean, étrangement silencieux. Puis, ironique] Donnez-nous une date butoir.
  Jimmy : [Silence]
  Sergent : Nous travaillons pour Katie, Monsieur Markum. Si vous le permettez.
  Jimmy : Trouvez le meurtrier de ma fille, Sergent. Je vous laisse le champ libre.

Ses relations avec Sean ne sont pas marquées par la relation hiérarchique qui les lie. Il n’hésite pas à lui dire qu’il le soupçonne de ne pas être objectif dans cette enquête. Sa communication avec lui est directe et franche : "Quatre ans de fac, et c’est tout ce que tu peux lui sortir." ou "Salut voyou !"

Whitey est extrêmement attentif. Il repère les contradictions de Sean à propos de ses relations avec Jimmy et Dave, il détecte uniquement aux tensions de son corps que Jimmy a fait de la prison, le moindre mot le fait réagir…

Pete (joué par Jonathan Togo), l’employé de Jimmy au magasin, est un 7 :

  Pete : Jimmy ! Jimmy ! [Absorbé par son travail, Jimmy ne répond pas. Pete claque des doigts.] La planète Terre appelle Monsieur Markum.
  Jimmy : Qu’est-ce que tu veux encore, Pete ?
  Pete : [Rire] Comme si c’était moi qui en demandais trop. Bon, on n’a plus de Malboro et on va bientôt manquer de Winston.
  Jimmy : Et alors ?
  Pete : Ça veut dire moins de rentrées et pas d’espoir d’augmentation pour moi.
  Jimmy : Non, non. J’veux dire. [Rire] Pourquoi t’en commandes pas plus ?
  Pete : Boh, qu’on m’accuse pas de contribuer au tabagisme.

Annabeth Markum (jouée par Laura Linney), la femme de Jimmy, est vraisemblablement comme lui un 8 : "Tout le monde est faible, Jimmy, tout le monde sauf nous. Nous ne serons jamais faibles et toi, tu pourrais régner sur la ville." Pour elle, on fait "ce qu’il y a à faire pour ceux qu’on aime." Lors de la scène finale de la parade, le regard qu’elle jette à Celeste, affolée, est d’une dureté particulière.

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