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The Ballad of Jack and Rose
Analyse

Complément : la compréhension des personnalités de ce film est enrichie par une utilisation simultanée de l’Ennéagramme et de la Spirale Dynamique. On peut consulter une brève analyse du film faite à l’aide de ce dernier modèle.

The Ballad of Jack and Rose : Jack SlavinJack Slavin (Daniel Day-Lewis) : 7

Pour Jack, la société qui l’environne est insupportable de contraintes et de formatage. Les gens "veulent tous vivre dans des endroits habités par des gens exactement comme eux." Quant à l’école, ce n’est que de "l’élevage industriel". Alors, il a d’abord essayé de créer une communauté fondée autour de la valeur culte du 7 en réunissant "des gens qui s’étaient réinventés, […] qui n’étaient pas esclaves des principes que leurs parents leur avaient inculqués. […] Ça devait être la liberté totale."

Comme "l’expérience" n’a pas marché, Jack trouve un meilleur plan. Il vit seul avec sa fille, et lui inculque les principes intellectuels et moraux qu’il estime bons. Pour être sûr du résultat, il prend en charge son éducation ("C’est moi qui lui fais cours.") et la coupe complètement du monde :

  Rose : [Avec un grand sourire provocant.] J’aimerais bien qu’on ait la télé.
  Jack : Dis pas de bêtises. Je te jure, j’ai vraiment l’intime conviction que l’humanité est en train de descendre l’échelle de l’évolution. Dans mille ans, les êtres humains feront la taille d’un hamster, et ils ne penseront plus qu’une fois par an. En décembre quand ils se demanderont ce qu’ils veulent pour Noël. Décadence et pourriture, mon ange, ainsi va le monde. [Il sourit à Rose.] Sauf pour toi. Toi, tu es exemptée. Ne l’oublie jamais.

En résumé, voilà une secte dont le gourou n’a qu’un disciple. Ainsi, Jack est "l’homme le plus heureux du monde". " Le plus heureux du monde sauvage", précise Rose. Ce n’est pas étonnant. Il vit de ses rentes, est adulé par sa fille et n’a pas vraiment de gros soucis :

  Jack : À quoi tu penses ?
  Rose : Je pense que je vais planter les campanules devant la maison aujourd’hui.
  Jack : Laisse-moi quand même la place de passer.

De toute façon, s’il se passe quelque chose comme la destruction de la cabane de Rose par le vent, Jack ne s’inquiète pas : "Mais, on peut la reconstruire, c’est pas un problème."

Bien sûr, il y a, Marty Rance, le promoteur, qui veut construire une zone pavillonnaire sur l’île où il vit et où il y a un marais protégé. On sent bien cependant que tout autant qu’un problème, la lutte contre Rance est un jeu et conforte Jack dans ses choix et la vision qu’il a de lui-même : "Appelez les flics si ça vous amuse. Je les appellerai aussi. Je suis curieux de connaître la fin de l’histoire."

Tout irait donc bien pour lui dans son meilleur des mondes, s’il ne se découvrait pas gravement cardiaque et condamné à brève échéance. Il découvre alors que l’attachement envers lui de sa fille va bien au-delà de ce qu’il imaginait :

  Jack : J’ai beaucoup de chance de t’avoir connue si longtemps.
  Rose : [Elle se fige.] Arrête de dire ce genre de truc.
  Jack : Il faut que tu regardes les choses en face.
  Rose : Tu te tais maintenant, d’accord ?
  Jack : On devrait faire venir quelqu’un pour nous donner un coup de main.
  Rose : Qui ? Une bonne ? [Elle quitte la pièce.]
  Jack : Ne te sauve pas Rosy.
    [Rose court se réfugier dans sa cabane et pleure. Jack la rejoint]
  Jack : Qu’est-ce qu’il y a ?
  Rose : Tu vas bientôt me quitter.
  Jack : C’est toi qui vas bientôt t’en aller. Tu es trop grande pour moi maintenant. La taille de cette main, regarde !
  Rose : Non. Je veux mourir.
  Jack : C’est comme ça. Mon cœur va peut-être pas me lâcher encore tout de suite, hein ?
  Rose : Le jour où tu mourras, je mourrai.
  Jack : Oh ! C’est quoi ces âneries que tu me racontes ?
  Rose : C’est vrai.
  Jack : De quoi tu vas mourir ?
  Rose : Quand tu partiras, je partirai.
  Jack : Si tu meurs, ma vie n’a plus de sens.
  Rose : Dommage.
  Jack : Ne redis jamais ça. Tu as compris ? Ne redis jamais ça.

Brusquement, le jeu devient moins drôle, et Jack est confronté à ses responsabilités et aux conséquences de ses actes. Vite, il imagine un plan : faire venir sur l’île Kathleen avec laquelle il avait une relation sexuelle épisodique. Kathleen n’est qu’un instrument dans sa stratégie. Il lui propose de l’argent pour la faire venir, comme il lui en proposera pour la faire repartir…

Bien évidemment, il n’a pas le courage de dire la vérité à Rose. Kathleen et ses fils seront présentés comme des invités : une "expérience". Dès que Rose comprend qu’en fait "ils s’installent", le même terme est réemployé : "C’est juste une expérience, Rosy. On n’a qu’à essayer pendant quelque temps et voir comment ça fonctionne." Ainsi, puisque tout est expérience, rien n’est définitif, rien n’est engagement.

Jack ne supporte pas la frustration : "Je commence en avoir marre de te courir après tout le temps." À Grey qui reste employé, il affirme : "Si tu n’aimes pas ta situation, tu la changes. Si tu ne peux pas la changer, tu t’en vas. C’est ta vie, Grey, putain !" Face à quelqu’un qui le contredit ou qui simplement conteste sa manière de vivre, il peut devenir agressif. Kathleen, qui lui conseille de consulter un psychologue pour Rose, en sait quelque chose : "Ça va, c’est bon. Ferme ta gueule. C’est clair ? Rose va parfaitement bien, d’accord ?"

En même temps et c’est typique du 7, il lui est difficile de conserver longtemps une émotion négative et donc de rester en colère après quelqu’un, surtout quand, au fond, son attitude l’amuse ou le flatte. Ainsi quand Rose s’introduit avec un fusil dans sa chambre où il est avec Kathleen et que le coup part, il la rejoint dans sa chambre où elle s’est réfugiée :

  Jack : Tu disjonctes complètement ?
  Rose : [Faisant semblant de croire qu’il parle de sa nouvelle coiffure.] C’est Rodney qui me les a coupés.
  Jack : En fait, je faisais allusion au fusil chargé. [Il sourit largement, puis éclate de rire.] Mais enfin, qu’est-ce qui t’a pris ?

Le style de communication de Jack est très révélateur de son ennéatype. Il fait souvent allusion au mental : "S’il y a quelque chose qui t’embête, tu sais, on peut en parler", "Tu n’as aucune explication à fournir ?" Même quand Rose lui propose d’avoir des relations incestueuses avec lui, il lui faut prendre le temps de réfléchir :

  Rose : Ton problème, c’est que t’angoisses. Si tu avais eu un peu de courage, on serait pas dans cette merde. On s’en fout de ce que les gens peuvent penser.
  Jack : Mais de quoi est-ce que tu parles ?
  Rose : Tu sais très bien de quoi je parle.
  Jack : [Silence] Non.

Jack tourne volontiers les choses à la plaisanterie. Le pain étant trop cuit et trop dur, il déclare qu’il "fallait une cale pour la porte". Trouvant Rose à genoux près de son lit (elle est en train de cacher quelque chose), il lui demande : "Je peux savoir quel dieu tu pries ?"

D’ailleurs quand quelque chose le surprend ou qu’il ne comprend pas, il imagine immédiatement qu’il s’agit d’une plaisanterie :

  Rose : Enlève tes chaussures.
  Jack : Tu te moques de moi, je suppose.
  Rose : Enlève !

Quand Rose a suspendu devant la maison le drap portant la marque de la perte de sa virginité, il lui demande : "J’espère seulement que tu as voulu faire une blague."

Jack ne se contente pas de jouer à trouver des formes dans les nuages ou d’inventer des contes pour Rose, il utilise volontiers des métaphores : "C’est comme une éruption de boutons. Ça gagne toute l’île comme une grosse crise d’acné", dit-il des maisons construites par Marty Rance.

Jack manifeste aussi volontiers sa conviction d’être plus intelligent que les autres. "J’ai pensé que tu ne comprendrais pas", dit-il à Rose à propos de la venue de Kathleen. Quand cette dernière cherche en quoi elle pourrait être le "contraire" de sa première femme, il lui suggère : "Essaie de creuser un peu." Il peut être méchamment ironique : "Quand je vous regarde de haut en bas, je me dis qu’il n’y a rien à changer. Vous êtes parfait."

Jack est un 7 α de sous-type sexuel ("Imagination"), l’instinct de conservation étant aussi visible.

The Ballad of Jack and Rose : Rose SlavinRose Slavin (Camilla Belle) : 6

Le trait le plus frappant du personnage de Rose est son incapacité à vivre seule. Elle forme avec son père un clan dont elle ne peut imaginer la dissolution. Il s’agit d’un engagement mutuel que rien ne peut rompre : "Jamais je te laisserai, je te le jure.", "T’as pas le droit de laisser tout tomber comme ça."

Tout doit donc être fait pour que perdure le lien entre son père et elle. Kathleen doit être éliminée, et Rose tentera le coup de fusil ("C’était pas pour rire.") comme la piqûre de serpent venimeux. Devant l’échec de ses tentatives directes, elle se débrouille pour que ce soit son père qui fasse partir Kathleen, d’abord en couchant avec Thaddius, puis en faisant une fugue.

Si nécessaire, elle est même prête à satisfaire les désirs sexuels de son père :

  Rose : Ton problème, c’est que t’angoisses. Si tu avais eu un peu de courage, on serait pas dans cette merde. On s’en fout de ce que les gens peuvent penser.
  Jack : Mais de quoi est-ce que tu parles ?
  Rose : Tu sais très bien de quoi je parle.
  Jack : [Silence] Non.

Elle ne se contente d’ailleurs pas en ce domaine de propositions, mais tente de passer à l’acte.

Dans ce contexte, la maladie de Jack est évidemment la menace suprême, la seule qu’elle ne peut pas gérer. Il ne lui reste donc comme solution que d’envisager de mourir avec lui :

  Rose : Tu vas bientôt me quitter.
  Jack : C’est toi qui vas bientôt t’en aller. Tu es trop grande pour moi maintenant. La taille de cette main, regarde !
  Rose : Non. Je veux mourir.
  Jack : C’est comme ça. Mon cœur va peut-être pas me lâcher encore tout de suite, hein ?
  Rose : Le jour où tu mourras, je mourrai.
  Jack : Oh ! C’est quoi ces âneries que tu me racontes ?
  Rose : C’est vrai.
  Jack : De quoi tu vas mourir ?
  Rose : Quand tu partiras, je partirai.

Après la mort de Jack, c’est dans un autre groupe, la communauté de Fieldstone, que Rose va se réfugier.

L’arrivée de Kathleen est une rupture dans sa relation avec Jack. Avant, elle était plutôt phobique et lui faisait parfaitement confiance. Mais Jack fait venir Kathleen et ses fils en lui faisant croire que c’était temporaire : "Tu t’es moqué de moi. Ça fait combien de temps que tu me mens ?" À partir de ce moment, elle devient contre-phobique et prend les choses en main, au point qu’on peut se demander si sa loyauté s’exerçait vis-à-vis de son père ou plutôt vis-à-vis du groupe qu’ils formaient tous les deux. Un indicateur pour cette deuxième hypothèse est l’exhibition du drap où la tache de sang due à la perte de sa virginité est accompagnée du slogan vengeur "Juste une expérience".

Identification avancée : Rose est un 6 α de sous-type sexuel ("Force-Beauté").

The Ballad of Jack and Rose : KathleenKathleen (Catherine Keener) : 2

"Ma bonne samaritaine de mère", voilà comment son fils Rodney décrit Kathleen. Elle est effectivement toujours prête à aider, d’autant plus que l’autre est dans le besoin : "Maman a un faible pour les malades. Mon père était diabétique.", nous dit encore Rodney. En bonne 2, elle en est fière. Un matin, Jack, affaibli, descend prendre le petit-déjeuner qu’elle est en train de préparer :

  Kathleen : Tu devrais pas être au lit ?
  Jack : Pour quoi faire ?
  Kathleen : Assieds-toi, le petit-déjeuner est prêt. Je prends bien soin de mon homme.

Quand il veut la convaincre de venir habiter sur l’île avec Rose et lui, alors qu’elle lui demande si elle lui plaît "tant que ça", Jack commence par lui faire un chèque et des promesses matérielles : "Je me disais que tu pourrais venir vivre avec moi. […] Je peux te rendre la vie plus facile." Aussi mufle soit-il, il est suffisamment intelligent pour se rendre vite compte qu’il fait fausse route ("Je suis pas très adroit, hein ?") et pour rectifier le tir : "Je m’occuperai de toi, ou tu t’occuperas de moi, comme tu veux. Ma gosse a besoin d’une femme à la maison. Et moi… c’est pareil. J’ai besoin de toi." Et puisque le truc fonctionne, autant le réutiliser. Après l’épisode de Rose et du fusil, alors que Kathleen est en pleurs, Jack lui pose la question de confiance :

  Jack : C’est pour ça que j’ai besoin de toi. Tu te sens de taille, oui ou non ?
  Kathleen : Oui. D’accord.

Plus tard, quand Jack souhaite qu’elle quitte l’île, il refait le coup du chèque. Kathleen négocie le montant, mais ce n’est que pour cacher ses besoins émotionnels, et restée seule, elle pleure.

Kathleen est systématiquement aimable avec les autres. Elle fait de son mieux pour créer une bonne relation avec Rose ; même après l’épisode du coup de fusil, elle est douce avec elle et lui apprend à se maquiller. Elle accueille plus qu’aimablement Grey qui vient apporter des fleurs à Rose : "Grey, c’est un joli prénom. […] Si vous voulez un verre de citronnade, j’en ai à la cuisine."

Kathleen a un fort souci de l’image. "Ma mère adore s’imaginer qu’elle a toujours seize ans", dit encore Rodney. Après avoir trouvé une vipère cuivrée dans sa chambre, elle se réfugie en pleine "crise d’hystérie" dans la voiture ; là, elle voit arriver Marty Rance et reprend immédiatement ses esprits pour refaire son maquillage.

La préoccupation pour l’image s’étend aussi à ses fils, et notamment elle inflige à Rodney un régime draconien. Bien sûr, elle fait cela pour lui et non pour elle : "Moi, je voulais simplement t’aider à retrouver un poids correct."

Identification avancée : Kathleen est un 2 α de sous-type sexuel ("Séduction agressive").

Autres

D’autres personnages peuvent être étudiés à l’aide de l’Ennéagramme :

Rodney (joué par Ryan McDonald) est un 9 μ. Le mécanisme de défense de narcotisation est évident. Rodney comprend tout le monde. Même s’il a parfois des mots durs pour elle, il est le seul à vraiment comprendre la psychologie de Kathleen. Il apprécie Rose ("Il faut que tu saches que t’es vraiment hallucinante.") et comprend à quel point elle est en danger ("Il faut que tu t’en ailles."), Quand elle lui propose de coucher avec lui, il refuse tout en faisant ce qu’il se faut pour qu’elle ne s’en sente pas humiliée :

  Rose : Tu me plais, c’est tout.
  Jack : Merde ! […] J’ai une idée. Disons que c’est un compromis.

Il lui coupe alors les cheveux, une autre manière aussi pour elle de cesser d’être une petite fille.

Thaddius (joué par Paul Dano) est un 8 α. Solitaire et peu bavard, il manifeste ouvertement la passion de luxure. Il est attiré par Rose, le "petit monstre" qu’il trouve "sauvage".

À la fin du film, il se bat avec Jack et le roue de coup : "Tu crois que tu peux t’acheter une famille prête à l’emploi. Moi, tu m’achèteras pas." Rose le pousse alors par la fenêtre du dôme, et il se brise deux jambes et un bras en tombant sur le sol. À ce moment où la plupart des gens seraient assommés par le choc physique et psychologique, il trouve la force de dire à sa mère : "Rose, Rose a planqué la vipère pour qu’elle te tue." Le fait qu’il parle de cela plutôt que du fait qu’elle est la cause de sa chute lui permet à la fois d’exercer sa fixation de vengeance et sa compulsion d’évitement de la faiblesse (il n’est pas ainsi à cause d’une fille plus jeune que lui).

Marty Rance (joué par Beau Bridges) est un 3 α. Il est le vendeur type : "Quand je vous regarde de haut en bas, je me dis qu’il n’y a rien à changer. Vous êtes parfait.", se moque Jack. La préférence pour le centre émotionnel est assez visible. Cela peut prendre la forme de simple relationnel ("Je fais le tour des voisins histoire de faire connaissance.") ou être plus profond quand il refuse d’acheter la maison de Jack parce qu’il a l’impression que celui-ci n’est pas en état de le faire sincèrement et lucidement ("C’est super, mais prenez le temps de réfléchir. […] Je vais vous raccompagner chez vous. Laissez-moi vous aider."), au point que Jack est obligé de changer d’opinion à son sujet : "En fin de compte, Marty est un gars correct. Il n’a pas cherché à profiter de moi."

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