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Little Miss Sunshine
Analyse

Little Miss Sunshine : RichardRichard (Greg Kinnear) : 3

Dans les films comme dans la vie, il y a des personnages qui expriment leur type à l’état pur et qu’on croirait construits à partir de la description de base d’un ennéatype. C’est le cas de Richard dont le profil est clairement affirmé dès le générique : "Il existe deux sortes d’individus : les gagnants et les perdants. À l’intérieur de chacun de vous sans exception, au fond de vous, au cœur, au plus profond de votre être, il y a un vainqueur, un vainqueur qui n’attend que d’être réveillé et lâché à l’assaut de l’immensité du monde. Avec mon nouveau programme Refusez l’échec en neuf étapes, vous avez désormais les outils nécessaires, la connaissance et le savoir-faire pour mettre vos vieilles habitudes de perdant derrière vous et aller de l’avant pour réaliser vos rêves les plus fous. Finies les hésitations, finies les jérémiades et finies les excuses ! Soyez les acteurs de ce monde ! Je veux que vous soyez des gagnants."

Mécanisme de défense et passion obligent, Richard s’est totalement identifié à sa méthode de motivation. Il passe son temps à la vendre à sa famille, ce qui exaspère sa femme et met sur ses enfants une pression difficilement supportable :

  Richard : La chance, c’est ce qu’évoquent les losers pour justifier leur échec. Il faut vouloir gagner, il faut avoir envie de se hisser au sommet plus que tous les autres.
  Olive : J’en ai envie.
  Richard : Dans ce cas, tu vas gagner.
  Sheryl : Richard !
  Richard : C’est la vérité.

Richard est extrêmement relationnel ; c’est un vendeur et un manager né. Il aborde les gens positivement et avec un grand sourire. Quand il veut rejoindre Stan Grossman et qu’étant seul, il ne peut utiliser le combi, il réussit à convaincre des jeunes qui traînent dans le parking du motel de lui prêter mobylette et casque.

De même, c’est lui qui persuade sa famille d’emmener le corps du grand-père dans le coffre du combi jusqu’en Californie : "Les gagnants n’abandonnent jamais." Il est d’ailleurs étonnant de constater que tous les membres de la famille se positionnent par rapport à lui et à son projet :

  Olive : Je veux pas faire partie des losers.
  Grand-père : T’en es pas. Qu’est-ce qui te fait croire que tu fais partie des losers ?
  Olive : Parce que… papa déteste les losers.
  Grand-père : Oh la la ! Non, doucement, reprends-toi. Tu sais ce que c’est un loser ? Un vrai loser, c’est quelqu’un qui a tellement peur de pas gagner qu’il veut même pas essayer. Toi tu essayes, il me semble ?
  Olive : [Elle fait oui de la tête] Oui.
  Grand-père : Donc, t’es une gagnante et on va bien se marrer demain, hein ?

Contrairement à ses espoirs, Richard ne réussit pas à vendre sa fameuse méthode et cela crée chez lui un stress qui provoque la répression du centre émotionnel. Il est dur avec Sheryl qui lui demande où il en est avec Grossman : "Tu me laisses gérer cela, s’il te plaît." ou "J’ai dit ‘on s’en va’." Il ne comprend même plus qu’Olive s’excuse auprès de la serveuse qu’elle fait attendre ("T’excuse pas, c’est un signe de faiblesse, chérie."). Il est agressif vis-à-vis de Frank dont l’état psychologique nécessiterait plus de compassion : "Le sarcasme, c’est le refuge des losers. Le sarcasme, c’est le loser qui veut amener le gagnant à son niveau. C’est la quatrième étape de mon programme."

Stan Grossman (certainement un autre 3 : "C’est ce que je pensais à ce moment-là.") lui annonce qu’il abandonne le projet de livre de la pire manière qui soit pour quelqu’un dont la problématique est identitaire : "Ça n’a rien à voir avec le programme, Richard. C’est vous, c’est clair ? Personne n’a entendu parler de vous, alors les gens s’en foutent." C’est insupportable pour Richard qui se doit de renvoyer la responsabilité de l’échec à Stan : "Vous avez merdé, vous êtes viré, vous êtes out."

Identification avancée : Richard est un 3 α de sous-type social ("Prestige").

Little Miss Sunshine : Grand-pèreGrand-père (Alan Arkin) : 8

Une des choses les plus importantes pour le grand-père est de ne subir aucune contrainte. Il s’est d’ailleurs fait virer pour cette raison de la maison de retraite Le Manoir du Crépuscule :

  Frank : Qu’est-ce qui s’est passé dans ce Manoir ?
  Grand-père : Ils ont pris mon blé. J’aurais dû avoir le droit de faire ce que je veux.
  Sheryl : Il s’est mis à sniffer de l’héroïne.

Ce besoin de liberté absolue est une source fréquente de conflits avec Richard :

  Richard : Tu vas te taire ou j’arrête la voiture maintenant !
  Grand-père : Tu peux arrêter la voiture, je me tairai pas. Je t’emmerde, j’ai le droit de dire ce que je veux. J’ai encore des balles nazies dans le cul.
  Richard : Ah ! Ça va avec tes balles nazies !
  Grand-père : T’es aussi pourri que les gens du Manoir.

De toute façon, la colère exprimée vertement et directement est son mode d’expression le plus habituel :

  Grand-père : C’est quoi ? Du poulet ? Tous les soirs, c’est le même poulet dégueulasse ! Nom de Dieu, est-ce qui serait pas possible qu’au moins un soir dans cette maison, on nous serve autre chose à dîner que ce maudit poulet de merde.
  Richard : Tu arrêtes.
  Grand-père : C’est une question. Fais chier.
  Richard : Si tu veux préparer ton dîner tout seul, rien ne t’en empêche.
  Grand-père : Au Manoir du Crépuscule…
  Richard : Si tu te plaisais autant au Manoir du Crépuscule, fallait pas…
  Grand-père : Ah, ça va ! Tu me lâches avec ça !

Cette expression de la passion d’excès ("Je prends la formule bûcheron et l’extra-bacon.") est au zénith quand il s’agit de parler de sexe : "Qu’est-ce que je suis fatigué ! Je suis vraiment crevé. Tu veux que je te dise à quel point ? Si une fille venait me voir en me suppliant de la baiser, je pourrais même pas."

Quand la famille s’arrête dans une station-service, Olive va s’entraîner, Dwayne fait quelques pompes, Richard téléphone à Stan Grossman, Sheryl va aux toilettes, Frank a soif, mais Grand-père a d’autres préoccupations :

  Frank : Je vais me cherche à boire. Vous voulez quelque chose ?
  Grand-père : Je voudrais bien des revues pornos.
  Frank : D’accord.
  Grand-père : Trouve-moi des trucs bien hard. J’veux pas des photos floues et merdiques.
  Frank : D’accord.
  Grand-père : Tiens, voilà un billet de 20. Tu te fais un p’tit plaisir à toi aussi. T’achètes un journal de pédales.
  Frank : D’accord, j’y vais.

À l’affolement de Richard, cela l’amène à vouloir convaincre Dwayne de l’excellence de sa philosophie de vie : "Je peux te donner un petit conseil. Je veux pas que tu commettes les mêmes erreurs que moi quand j’avais ton âge. Dwayne ? C’est comme ça que tu t’appelles, hein ? Dwayne, c’est la voix de l’expérience qui te parle. Tu écoutes ? Baise un maximum de gonzesses et t’arrête pas sur une seule femme. Il faut t’en faire plein. En ce moment, t’en as une ? Allez, tu peux me le dire, t’en as une ? [Dwayne fait non de la tête.] Non ? Tu déconnes, c’est pas possible ! T’as tout de même quinze ans, c’est bien ça ? Profite de la chair fraîche. Les jeunettes, y a rien de meilleur au monde. Faut y aller maintenant pendant que t’es mineur et qu’elles sont mineures. C’est parfait, là. Une fois que t’as dix-huit ans, terminé, t’y touches et tu prends trois ou cinq ans facile. […] Baise un maximum de filles, mon grand. J’ai aucune raison de te mentir. T’arrête pas sur une femme, faut t’en faire plein."

On notera au passage l’utilisation de la provocation pour forcer son petit-fils à l’écouter : "Dwayne ? C’est comme ça que tu t’appelles, hein ?"

Il essaye même de convaincre Frank pourtant homosexuel : "Je connais un endroit superbe où il y a carrément quatre femmes pour un mec. Je sais pas si t’imagines la scène. […] Je me suis retrouvé avec le baigneur brûlé au deuxième degré."

Bien évidemment, la danse qu’il a apprise à Olive pour le concours relève de la même préoccupation.

Grand-père est attentif à protéger ceux qu’il aime. Il sait très bien quand il souhaite que Dwayne suive son exemple et quand il pense que c’est inapproprié :

  Frank : Qu’est-ce qui s’est passé dans ce Manoir ?
  Grand-père : Ils ont pris mon blé. J’aurais dû avoir le droit de faire ce que je veux.
  Sheryl : Il s’est mis à sniffer de l’héroïne.
  Frank : Vous vous êtes mis à l’héroïne ?
  Grand-père : Je suis vieux.
  Frank : Mais vous pouvez en mourir !
  Grand-père : Ça va, j’suis pas crétin. [Il se tourne vers Dwayne.] Et toi, je t’interdis de toucher à ça, parce que quand on est jeune, c’est de la folie d’en prendre.
  Frank : Et vous alors ?
  Grand-père : Moi, c’est pas pareil, je suis vieux. Quand on est vieux, on est fou de ne pas en prendre.

Il protège Olive quand son père la manipule pour qu’elle ne mange pas de glaces : "Olive, ton père est un imbécile. En ce qui me concerne, je préfère les femmes bien rondes." Il la console quand elle a le trac la veille du concours :

  Olive : Grand-père ?
  Grand-père : Oui.
  Olive : Je commence à avoir un peu peur pour demain.
  Grand-père : Mais, tu te moques de moi ? Tu vas carrément les assommer, ils vont pas comprendre ce qui leur arrive.
  Olive : Grand-père ?
  Grand-père : Oui.
  Olive : Est-ce que tu me trouves jolie ?
  Grand-père : Olive, tu es indiscutablement la plus jolie fille du monde.
  Olive : Tu dis ça parce que tu m’aimes bien.
  Grand-père : Non, moi je suis fou amoureux de toi. Pas à cause de ton esprit ou de ta personnalité, mais parce que tu es vraiment belle dedans et dehors.
  Olive : Grand-père ?
  Grand-père : Quoi ?
  Olive : [Elle commence à pleurer] Je veux pas faire partie des losers.
  Grand-père : T’en es pas. Qu’est-ce qui te fait croire que tu fais partie des losers ?
  Olive : Parce que… Papa déteste les losers.
  Grand-père : Oh la la ! Non, doucement, reprends-toi. Tu sais ce que c’est un loser ? Un vrai loser, c’est quelqu’un qui a tellement peur de pas gagner qu’il veut même pas essayer. Toi, tu essayes, il me semble ?
  Olive : [Elle fait oui de la tête] Oui.
  Grand-père : Donc, t’es une gagnante, et on va bien se marrer demain, hein ?
  Olive : [Elle sourit] Oui.
  Grand-père : Elles peuvent toutes aller se rhabiller.

De même, quand son fils est abattu après son échec avec Stan Grossman, il essaye de le réconforter : "Richard, quoi qu’il arrive, mon garçon, t’auras essayé de faire quelque chose par toi-même, et ça, la majorité des gens en est incapable, je t’assure. Je sais de quoi je parle, je fais partie de cette majorité. Toi, tu as pris des risques. C’était courageux. Je suis très fier de toi." Centre émotionnel réprimé, il affirme cela sans émotion se contentant de mettre la main sur l’épaule de Richard (même s’il sait dire "je t’aime" à Olive).

Identification avancée : Grand-père est un 8 α de sous-type sexuel ("Possessivité") à aile 7.

Little Miss Sunshine : FrankFrank (Steve Carell) : 4

Au début du film, Frank vient de rater sa tentative de suicide :

  Sheryl : Je suis si contente que tu sois encore là !
  Frank : J’peux pas en dire autant.

Les raisons en sont un enchaînement de problèmes :

  Olive : Pourquoi t’avais autant de peine ?
  Frank : Euh… Il y a énormément de raisons. Principalement parce que je suis tombé amoureux d’une personne qui ne m’aimait pas.
  Olive : Qui ça ?
  Frank : Un de mes étudiants. J’étais fou amoureux de lui.
  Olive : De lui ? C’était un garçon ? T’étais tombé amoureux d’un garçon ?
  Frank : Oui, très très amoureux.
  Olive : Alors là, c’est n’importe quoi.
  Frank : Tu as raison. C’était vraiment n’importe quoi.
  Grand-père : Et encore l’expression est faible.
  Olive : Et alors, c’est là que tu as décidé de te tuer.
  Frank : Non, non. Le garçon dont j’étais amoureux est tombé amoureux d’un autre homme. Larry Sugarman.
  Sheryl : Qui est Larry Sugarman ?
  Frank : Larry Sugarman est probablement le deuxième spécialiste de Marcel Proust aux États-Unis.
  Richard : Qui est le premier ?
  Frank : Le premier, c’est moi, Richard.
  Olive : Alors, c’est là que t’as voulu le faire ?
  Frank : Non, ce qui s’est passé, c’est que ça m’a un peu énervé. J’ai dit des choses que peut-être je n’aurais jamais dû dire, et… j’ai fait des choses que je n’aurais jamais dû faire, si bien que j’ai été renvoyé de mon travail et obligé de quitter mon appartement pour m’installer dans un motel.
  Olive : Et c’est là que t’as voulu le faire ?
  Frank : Non, non. Jusque-là, on peut dire que ça allait. Ce qui m’a le plus affecté, c’est qu’il y a deux jours, la Fondation McArthur, dans son infinie sagesse, a accordé une bourse de recherche à Larry Sugarman, et c’est là que j’ai…
  Grand-père : … décidé d’avancer le rendez-vous avec la faucheuse.
  Frank : Oui, oui, et j’ai pas réussi là non plus.

On admirera le "Jusque là, on peut dire que ça allait." Ignoré par la personne aimée qui lui préfère son rival professionnel, viré et expulsé, après tout cela fait une dose de souffrances bien supportable… Pour Frank, qui a totalement introjecté Marcel Proust, un autre 4, la souffrance, c’est ce qui fait l’intérêt de la vie :

  Dwayne : Par moments, je voudrais m’endormir jusqu’à mes dix-huit ans pour échapper à toute cette merde, le lycée et tout. Sauter tout ça.
  Frank : Tu connais Marcel Proust ?
  Dwayne : Le gars sur qui tu donnes des cours ?
  Frank : Oui, un écrivain français. Un loser toutes catégories. Il n’a jamais travaillé, des histoires d’amour bancales, gay. Il a passé vingt ans à écrire un bouquin que pratiquement personne n’a lu, ce qui ne l’empêche pas d’être le plus grand écrivain depuis Shakespeare. Enfin bref, lui, en arrivant à la fin de sa vie, il a fait le bilan et il a décidé que toutes ses longues années de souffrance avaient été les plus belles années de sa vie, qu’elles avaient fait de lui ce qu’il était, et que toutes les années de bonheur avaient été une perte de temps, il n’avait rien appris. Alors, si tu t’endormais jusqu’à tes dix-huit ans, oh !, pense à toute cette souffrance que tu raterais. Le lycée, tiens, surtout le lycée, ce sont les plus belles années de souffrance. C’est de la souffrance de première qualité.
  Dwayne : [Il rit.] Tu sais quoi ? Il y en a marre des concours de beauté. La vie, c’est qu’une succession de concours de beauté et rien d’autre. Au lycée, ensuite à l’université, dans la vie active, y’en a marre de ça, et je m’en fous de l’Air Force Academy, parce que si je veux voler, je trouverai toujours un moyen. Il faut faire ce qu’on aime et le reste, on s’en fout.
  Frank : Je suis content que tu te remettes à parler. T’es loin d’être aussi bête que t’en as l’air.
    [Ils rient tous les deux.]

Évidemment quand Frank accompagne la famille au concours de Little Miss Sunshine, cela ne peut pas être pour le plaisir :

  Dwayne : Mais moi, je n’y vais pas pour m’amuser.
  Frank : Rassure-toi, Dwayne, t’es pas le seul.

Frank manifeste aussi le souci des 4 pour les valeurs liées au respect humain. Il est choqué par l’attitude de Richard vis-à-vis de sa femme, de sa fille ou de la serveuse, comme par celle de l’assistante sociale de la morgue.

Identification avancée : Frank est un 4 α de sous-type sexuel ("Compétition" avec Larry Sugarman) à aile 3 ("Je sais pas si je vous l’ai déjà dit, mais je suis le meilleur spécialiste de Proust aux États-Unis."). L’instinct social ("Honte") se manifeste aussi, notamment dans la station-service quand il rencontre l’étudiant dont il était amoureux.

Little Miss Sunshine : SherylSheryl (Toni Collette) : 1

Sheryl est en permanence dans un état de colère retenue, particulièrement envers son mari dont elle désapprouve presque systématiquement les goûts et les choix. "Richard !" doit être la phrase qu’on l’entend le plus souvent dire au cours du film. C’est une irritation typique de 1, brève et qui lui échappe. Elle l’interrompt et parfois l’évite par la formation réactionnelle : "Je comprends très bien.", dit-elle par exemple à la tante d’Olive qui ne peut pas l’emmener au concours de beauté auquel elle l’a pourtant incitée à participer.

Quasiment en permanence, Sheryl sait comment les choses doivent se dérouler : "Laissez-le, laissez-le tout seul", "Pas ça, j’suis pas d’accord", "Y a rien à dire. Y a juste à attendre sagement que ça se passe." Elle abuse des opérateurs modaux : "Et je veux que tout le monde prenne un peu de salade", "On peut pas te laisser dormir seul. C’est le docteur qui l’a dit. […] Laisse la porte ouverte, c’est important."

Même si elle essaye de réprimer sa colère, Sheryl tient à ce que les problèmes soient abordés et traités. Elle préfère qu’Olive soit informée de la tentative de suicide de Frank : "Elle finira par le savoir de toute façon." Elle tient à clarifier la situation avec Richard, manifestant à ce moment-là beaucoup de dureté :

  Sheryl : Richard, il faut qu’on discute.
  Richard : [Il va vers elle les mains jointes dans un geste de supplique.] S’il te plaît, chérie, on termine ce qu’on a à faire et on rentre chez nous.
  Sheryl : Non, parlons-en.

Finalement, là où elle se sent le plus mal, c’est quand Dwayne découvre qu’il est daltonien et ne pourra pas devenir pilote d’essai : "Je sais pas quoi faire."

Quand Richard et Dwayne essayent de la convaincre d’empêcher Olive de participer au concours, elle refuse de le faire au nom de critères caractéristiques de l’ennéatype, le travail, l’implication et la justice : "Olive est comme elle est. Elle a travaillé comme une folle, elle a mis toutes ses forces dans ce truc. On n’a pas le droit de l’en priver au dernier moment. Ce serait pas juste."

Identification avancée : Sheryl est un 1 α à aile 2, manifestant les instincts conservation ("Anxiété") et social ("Inadaptation sociale").

Little Miss Sunshine : OliveOlive (Abigail Breslin) : 7

Olive promène dans le film son sourire ravi. Elle est gaie, énergique et enthousiaste. Quand elle apprend qu’elle va participer au concours de Little Miss Sunshine, elle pousse des hurlements de joie, court en tous sens dans l’appartement et se précipite faire son sac de voyage.

Il lui faut une bonne dose d’optimisme pour être si certaine de gagner le concours de beauté pour enfants ! Une scène montre bien aussi son orientation. Lors de l’arrêt à la station-service, elle est allée répéter à l’écart son enchaînement. Toute la famille remonte dans le combi et part sur l’autoroute jusqu’à ce que Dwayne écrive sur son bloc-notes : "Où est Olive ?" Demi-tour affolé pour la retrouver devant la station, calme et souriante.

Olive préfère le centre mental. Elle est curieuse et quand elle veut savoir quelque chose, elle va jusqu’au bout malgré oppositions et perturbations :

  Olive : Bonjour oncle Frank !
  Frank : Oh, salut toi. Dis donc, qu’est-ce que t’as poussé ! On dirait presque… une vraie personne.
  Olive : Oh ! Qu’est-ce qui t’es arrivé ? Ils ont quoi tes bras ?
  Frank : Non, c’est rien. J’ai eu un petit accident, mais ça va.
    […]
  Olive : Comment c’est arrivé ?
  Frank : Comment quoi est arrivé ?
  Olive : Ton accident ?
  Sheryl : Chéri, mange.
  Frank : Non, non, c’est rien. À moins que ça te dérange ?
  Sheryl : Non, je suis plutôt pour la sincérité, mais je pense que c’est à toi d’en parler.
  Frank : Tu peux lui dire.
  Sheryl : Olive, oncle Frank n’a pas eu d’accident, chérie. Ce qui lui est arrivé, c’est qu’il a tenté de se tuer. Il voulait mourir.
  Olive : C’est vrai ? Pourquoi ?
  Richard : Euh…
  Olive : Qu’est-ce qui…
  Richard : Stop ! Stop ! J’estime que c’est pas du tout le moment de parler de cela. [Il se tourne vers Olive.] On laisse oncle Frank dîner en paix. Chut !
  Olive : Pourquoi t’as essayé de te tuer, oncle Frank ?
  Richard : Non, ne réponds pas à cette question. Ne réponds pas.
  Sheryl : Richard !
  Richard : T’as pas à répondre à cette question, Frank.
  Frank : Et bien, j’ai…
  Richard : [Il le coupe et essaye de couvrir ce qu’il dit en parlant plus fort.] Ne l’écoute pas, Olive ! Il est malade, il est malade dans sa tête.
  Sheryl : Richard !
  Frank : Parce que j’étais très malheureux.
  Richard : Je regrette, j’estime que ce n’est pas une conversation qu’on peut avoir avec une fillette de sept ans.
  Sheryl : Elle finira par le savoir de toute façon.
  Richard : [Il lève les yeux au ciel.] Oh, si tu le dis…
  Sheryl : Continue, Frank.
  Olive : Pourquoi t’avais autant de peine ?
  Frank : Euh… Il y a énormément de raisons. Principalement parce que je suis tombé amoureux d’une personne qui ne m’aimait pas.
  Olive : Qui ça ?
  Frank : Un de mes étudiants. J’étais fou amoureux de lui.
  Olive : De lui ? C’était un garçon ? T’étais tombé amoureux d’un garçon ?
  Frank : Oui, très très amoureux.
  Olive : Alors là, c’est n’importe quoi.
  Frank : Tu as raison. C’était vraiment n’importe quoi.
  Grand-père : Et encore l’expression est faible.
  Olive : Et alors, c’est là que tu as décidé de te tuer.
  Frank : Non, non. Le garçon dont j’étais amoureux est tombé amoureux d’un autre homme. Larry Sugarman.
  Sheryl : Qui est Larry Sugarman ?
  Frank : Larry Sugarman est probablement le deuxième spécialiste de Marcel Proust aux États-Unis.
  Richard : Qui est le premier ?
  Frank : Le premier, c’est moi, Richard.
  Olive : Alors, c’est là que t’as voulu le faire ?
  Frank : Non, ce qui s’est passé, c’est que ça m’a un peu énervé. J’ai dit des choses que peut-être je n’aurais jamais dû dire, et… j’ai fait des choses que je n’aurais jamais dû faire, si bien que j’ai été renvoyé de mon travail et obligé de quitter mon appartement pour m’installer dans un motel.
  Olive : Et c’est là que t’as voulu le faire ?
  Frank : Non, non. Jusque-là, on peut dire que ça allait. Ce qui m’a le plus affecté, c’est qu’il y a deux jours, la Fondation MacArthur, dans son infinie sagesse, a accordé une bourse de recherche à Larry Sugarman, et c’est là que j’ai…
  Grand-père : … décidé d’avancer le rendez-vous avec la faucheuse.
  Frank : Oui, oui, et j’ai pas réussi là non plus.

On notera l’absence d’émotionnel vis-à-vis de Frank que pourtant elle aime bien.

C’est le mental que Richard utilise pour essayer de l’empêcher de manger des glaces :

  Olive : Je voudrais… Ça y est, je sais, je sais ce que je veux. Est-ce que je pourrais avoir une gaufre et… Qu’est-ce que ça veut dire "à la mode", s’il vous plaît ?
  Serveuse : [Avec un grand sourire.] Que c’est servi avec une glace !
  Olive : [Ravie.] D’accord ! À la mode, alors.
    […]
  Richard : Olive, on peut parler de la crème glacée ?
  Olive : Ouais !
  Richard : Bon ! La crème glacée, c’est fait à partir de la crème qui provient du lait de vache, et dans la crème, il y a une grosse quantité de matière grasse.
  Sheryl : Richard !
  Richard : Quoi ? Elle finira par le savoir de toute façon, c’est toi qui l’as dit.
  Olive : Quoi ? Je finirai par savoir quoi ?
  Richard : Eh bien, la crème glacée que tu manges remplit ton organisme de mauvaise graisse.
  Sheryl : Richard, tu exagères.
  Richard : Non, c’est vrai.
  Olive : Qu’est-ce qu’y a ? Y a un problème ?
  Sheryl : Non, chérie, aucun.
  Richard : Donc si tu manges trop de crème glacée, tu peux devenir obèse, et si tu évites d’en manger, tu resteras belle et mince, mon trésor.
  Olive : Maman ?
  Grand-père : Olive, ton père est un imbécile. En ce qui me concerne, je préfère les femmes bien rondes.
  Olive : On dirait que tout le monde est fâché.
  Sheryl : Personne n’est fâché, chérie. [Elle jette un regard assassin à Richard.] La seule chose qu’il faut que tu comprennes, c’est qu’on a le droit d’être mince, mais qu’on a le droit d’être obèse si on en a envie. Ce qui compte vraiment, c’est ce que toi tu veux.
  Richard : D’accord. Dans ce cas, j’ai une question. Les femmes qui se présentent à Miss Amérique, elles sont minces ou plutôt grosses ?
  Olive : [Silence navré.]
  Richard : Chérie ?
  Olive : [Vaincue.] Ben, elles sont minces, c’est sûr.
  Richard : [Malgré les mimiques meurtrières de Sheryl.] Oui, elles évitent les crèmes glacées.

Cela marche dans un premier temps ("Quelqu’un en veut de ma glace ?"), mais la passion de gloutonnerie l’emporte : "Arrêtez ! Stop ! Vous allez pas tout manger ! Mmmmmm !" Pourtant, elle n’oublie pas et pense à se renseigner auprès de Miss Californie qui lui donne un autographe :

  Olive : Miss Californie, vous mangez des glaces ?
  Miss Californie : Oui, j’adore les glaces. Je vais même te dire mon parfum préféré. C’est chocolat-cerises confites, mais c’est pas vraiment de la glace, c’est plutôt un yaourt glacé. Ça te va ?
  Olive : [Sourire épanoui.] Ouais. Merci, au revoir. [Elle s’éloigne, aux anges.] Maman, elle adore les glaces, tu vois ?

Identification avancée : Olive est un 7 α de sous-type sexuel ("Imagination") à aile 6("Qu’est-ce que tu fais ? On n’a pas le droit.")

Little Miss Sunshine : DwayneDwayne (Paul Dano) : 8

Dwayne est de loin le personnage le plus difficile à analyser du film. Famille dysfonctionnelle plus crise de l’adolescence, voilà qui fait un cocktail explosif et conduit une désintégration très forte, tellement forte qu’elle permet d’envisager deux possibilités : Dwayne est désintégré dans son type de base ou il manifeste à la fois les caractéristiques négatives de son type et celles de son type de désintégration.

La première hypothèse qui vient à l’esprit est celle du type 5. Dwayne ne parle plus à sa famille, ce qui fait songer à la passion d’avarice. Il s’isole dans la lecture de Nietzsche. Néanmoins, il manifeste aussi la fixation en observant attentivement ce qui se passe : par exemple, il est le premier à s’apercevoir qu’Olive a été oubliée à la station-service.

À première vue, la messe est dite. Il y a cependant quelques anomalies.

D’abord, Dwayne veut devenir pilote d’essai. Le moins qu’on puisse dire, c’est que c’est un travail qui nécessite des qualités de courage, de volonté et de maîtrise de soi. Bien évidemment, aucun métier n’est interdit à quelque ennéatype que ce soit. Toutefois, être pilote d’essai nécessite un excellent centre instinctif et un non moins bon mental au service dudit instinctif. Le métier est donc plus facile pour les personnes ayant naturellement cette configuration des centres que pour d’autres pour lesquelles cela impliquerait un gros processus d’intégration.

Justement, Dwayne manifeste un goût évident pour l’instinctif. On le voit plusieurs fois faire des exercices physiques, par exemple à la station-service où il profite de l’arrêt pour faire des pompes.

Instinctif toujours, Dwayne est de toute évidence plus animé par la colère, alors que la peur du centre mental n’apparaît jamais :

  Frank : Avec qui tu passes ton temps ?
  Dwayne : [Il hoche la tête négativement.]
  Frank : Personne ?
  Dwayne : [Il écrit sur son carnet.] Je hais tout le monde.
  Frank : Tu détestes tout le monde ? Et ta famille ?
  Dwayne : [Il souligne "tout le monde" sur la phrase écrite précédemment.]

Quand, en échange du fait qu’il accompagne la famille au concours de Little Miss Sunshine, Sheryl lui donne son accord pour qu’il entre à l’Air Force Academy, il tape du poing sur la table avant de lui tendre la main pour conclure le marché, expression de la colère d’avoir à céder. Il précise bien qu’il trouve cela "injuste" et qu’il a l’intention de faire le service minimum : "Mais moi, je n’y vais pas pour m’amuser." Dans la même veine, on peut remarquer la violence du geste par lequel il met en fonction son stylo.

Au début du film, cela fait neuf mois que Dwayne ne parle plus. Neuf mois ! Cela représente une force de volonté incroyable pour résister à l’envie éventuelle de parler, mais aussi une vigilance de tous les instants pour ne pas parler malgré soi en réponse une question posée à l’improviste alors qu’on est pris dans une autre activité.

Tout cela fait penser à un 8 α, se désintégrant donc en 5, ce que d’autres indices confirment.

Il y a chez Dwayne un côté cruel, lié au contrepoids égotique. Pendant les trois-quarts du film, on le voit triste et renfermé sur lui-même. Une seule situation lui arrache un sourire ravi : Sheryl et Richard se disputant dans la chambre voisine du motel. Contrairement à Frank, il n’est pas choqué par la violence des autres, comme lorsque Linda, l’assistante sociale de la morgue, hurle : "Vous croyez quoi ? Que vous êtes le seul à avoir perdu quelqu’un aujourd’hui ?"

Quand il découvre qu’il ne pourra pas devenir pilote à cause de son daltonisme, il explose de rage en tapant violemment sur le combi, puis il pleure. Montrer ainsi sa faiblesse est insupportable et quand sa mère vient essayer de le consoler, il se doit de réagir en agressant sa famille : "Vous êtes pas ma famille, j’ai pas envie de faire partie de votre famille. Je vous déteste, bande de pauvres cons. Je vous déteste. [Il se tourne vers sa mère.] Divorce ! [Puis vers son père.] Faillite ! [Et enfin vers Frank.] Et maintenant suicide ! Mais vous êtes tous des ratés ! Des losers !" Chacun a eu sa dose, et reste immobile et muet.

Olive a été épargnée, alors qu’il aurait certainement pu trouver de quoi l’enfoncer. D’elle d’ailleurs, il accepte en ce moment douloureux amour et consolation, d’autant plus que ceux-ci sont exprimés sans mots. Peut-être parce qu’elle est la plus petite, Dwayne protège Olive. Il s’aperçoit qu’elle a été oubliée à la station à essence : "Où est Olive ?" Il la porte pour remonter le talus pour rejoindre le combi et repartir vers Redondo Beach. À la fin du film, il décide de l’empêcher de participer au concours. Il se précipite vers l’hôtel où il se tient et on ne l’arrête pas :

  Personnel : Vous êtes autorisé à passer en coulisses ?
  Dwayne : [Sèchement.] Non. [Il continue à avancer imperturbablement et croise une participante.] Les vestiaires, s’il te plaît ?
  Participante : Vous avez le droit d’être là ?
  Dwayne : Dis-moi où sont les vestiaires et tais-toi.

Il intervient alors fermement auprès de Sheryl :

  Dwayne : Maman je ne veux pas qu’elle y aille. […] Je ne veux pas que ces bonnes femmes jugent Olive. On les emmerde.
  Sheryl : Mais il est trop tard.
  Dwayne : Non, il est pas trop tard. Tu es sa mère et c’est ton devoir de la protéger. Si elle y va, tout le monde va se moquer d’elle, maman.

Cette notion de protection apparaît à au moins un autre moment dans le film. À l’hôpital où vient d’être admis le grand-père, Sheryl pleure. Le moins qu’on puisse dire est que sa famille ne l’accompagne guère : certes Frank a un geste de soutien, mais tous les autres restent immobiles. Dwayne sort alors son carnet, écrit "Va embrasser maman" et le montre à Olive qui s’exécute. On peut voir là une communication directe et directive ainsi que l’évitement de la faiblesse, puisqu’après tout rien ne l’empêchait de faire lui-même ce geste.

On peut faire à ce stade une hypothèse sur Dwayne. Il est pris dans un conflit intérieur entre le lien qu’il a à sa famille et l’immense colère qu’elle lui inspire. Le seul moyen de gérer cela est de se taire, car s’il parlait, il serait trop agressif. C’est d’ailleurs ce qui se produit dès qu’il ouvre la bouche : "Je vous déteste, bande de pauvres cons. Je vous déteste." Cela explique aussi que quelques minutes plus tard, il s’excuse : "Pardon pour tout ce que je viens de dire. J’étais énervé, je le pensais pas vraiment." C’est classique qu’un 8 soit extrêmement dur avec des gens qu’il aime et qu’il le regrette profondément quand il s’en aperçoit ; il est par contre beaucoup moins habituel que les excuses soient formulées explicitement.

Le mécanisme de défense de dénégation apparaît aussi dans la communication de Dwayne. Quand on lui demande quelque chose, il commence par dire non de la tête ou de la voix, puis réfléchit après et éventuellement change d’avis. Cela se produit trois fois dans le film, par exemple sur la jetée de Redondo Beach :

  Frank : On y retourne ?
  Dwayne : J’ai pas trop envie. [Pause.] Si, il vaut mieux y retourner.

Cet enchaînement réponse instinctive suivie de réflexion est une raison déterminante pour considérer l’ennéatype 5 comme un type de désintégration et non comme un type de base.

La communication non verbale de Dwayne exprime le plus souvent sa tristesse, mais aussi sa force et sa colère comme dans cette scène au commissariat où il attend avec toute la famille, seul à avoir les poings serrés :

Little Miss Sunshine : La famille Hoover

Une dernière hypothèse en forme de clin d’œil. Dwayne est-il passionné par Nietzsche parce que celui-ci est le philosophe du surhomme et de La volonté de puissance ?

Identification avancée : Dwayne est un 8 α de sous-type social ("Protection mutuelle").

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