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La tête de maman
analyse

La tête de maman : LuluLulu (Chloé Coulloud) : 8

Avant même le générique de début, Lulu agresse Simon dont le seul tort est de l’avoir appelé par son prénom, Lucile, au lieu d’utiliser le diminutif Lulu. La bagarre finie, Lulu (soyons prudent !) définit en dialogue intérieur son ennéatype 8 : "Il avait qu’à pas me chercher. J’ai un prénom de fille fragile, mais faut pas s’y fier. Mes parents se sont trompés à ma naissance. Lucile, ça me ressemble pas. Le premier qui m’appelle comme ça, je lui défonce la tronche. On m’appelle Lulu, point barre. Ou mieux, on m’appelle pas. On me laisse tranquille."

C’est aussi son moyen d’évacuer son trop-plein d’énergie. Quand elle essaye pour la première fois de faire l’amour avec Simon et qu’elle n’arrive pas à se détendre et à se rendre disponible physiquement, celui-ci lui propose : "Tu veux qu’on se batte ?"

La violence est souvent physique, toujours verbale :

  Lulu : Je te préviens. Si on n’a pas assez à manger, je te tue.
  Juliette : T’as toujours les yeux plus gros que le ventre.

On notera en passant la passion d’excès. Lulu utilise le langage vert si fréquent chez son ennéatype. Le père de sa mère est "ce con", sa mère "la conne, la connasse, la salope " au choix, Jacques est "un vieux balayeur de merde de babouin" ou "le gros con". Elle est directe, au grand dam de son père, souvent choqué :

  Lulu : Tu vas faire du tourisme sexuel à Taïwan ?
  Antoine : Lulu !
  Lulu : Ben moi, si j’étais toi, j’en profiterais.

Elle l’est aussi avec sa grand-mère, par exemple lors de la scène du bain :

  Grand-mère : Aide-moi à sortir. Je vais être toute fripée.
  Lulu : Tu l’es déjà.

Et cette attitude, elle l’a en fonctionnement normal, quand tout va bien avec les gens qu’elle aime. Qu’il y ait un problème et l’agressivité verbale monte d’un ton… ou de plusieurs :

  • Sa meilleure amie, Clara, lui offre de beaux sous-vêtements pour leur fête commune d’anniversaire. Lulu n’a pas eu d’idées et n’offre rien à Clara. Pour se protéger, elle lui assène : "De toute façon, les surprises, c’est toujours raté."
  • Plusieurs fois, Clara qui ne songe qu’à l’aider, se voit suggérer de "s’occuper de [son] cul".
  • Quand Antoine lui raconte sa rencontre avec Juliette, rencontre provoqué par sa grand-mère, elle en tire les conclusions : "C’était un mariage arrangé. Il y avait pas d’amour."
  • Lorsque Juliette l’accueille à son retour de la nuit qu’elle a passé chez Frédéric, elle constate avec ironie : "Ah bon, tu t’inquiètes pour moi, maintenant."
  • Juliette est d’ailleurs régulièrement mise face à son incapacité à tenir son rôle de mère :
  Lulu : [Elle rentre dans la chambre où Juliette s’habille.] Maman, t’as pas une épingle à nourrice ?
  Juliette : M’enfin, tu pourrais frapper !
  Lulu : C’est bon, t’es ma mère.
  Juliette : Qu’est-ce que tu veux ? Une nourrice ?
  Lulu : Euh non, une épingle à nourrice. Mais peut-être qu’une nourrice pourrait m’être utile.

Parfois cette violence verbale rencontre la fixation de vengeance, comme lors de la dispute avec sa grand-mère :

  Grand-mère : Oh ! Lulu, arrête, maintenant. Laisse-moi tranquille.
  Lulu : Tu me dégoûtes.
  Grand-mère : Oh ! [Elle lève sa canne et donne un violent coup sur une branche à côté de Lulu.] Tu vas te taire, oui ?
  Lulu : Qu’est-ce que tu crois ? Que tu me fais peur ? Mais regarde-toi, t’arrive même plus à marcher. [La grand-mère relève sa canne en un geste de menace.] T’es… T’es plus rien. T’es qu’une vieille.

Il y a même parfois une certaine cruauté un peu sadique qui transparaît. Lulu a provoqué la rencontre entre Jacques et Juliette, espérant que cette dernière le voyant vieilli cesse de le regretter. Elle les observe de loin et commente en dialogue intérieur : "Alors, qu’est-ce que t’en dis ? T’as vu comme il est devenu moche ? Tu te faisais des idées, ma grosse ! Tu vois bien que c’est un gros nul. Et ouais, c’est la vérité en face. […] Faut que tu lâches l’affaire, ma vieille. Et toi, mon gros con, tu la vois pas, tu la reconnais pas. […] C’est pour toujours, c’est fini. T’es vaccinée, là ? Tu le sens bien, le vaccin, dans tes veines ?"

Lulu transgresse volontiers les règles : elle va à Lavours en voiture alors qu’elle n’a pas, tant s’en faut, l’âge de conduire.

Elle dit volontiers non, notamment aux propositions de Clara qui veut l’aider à retrouver Jacques ("Alors là, c’est hors de question."). Cela ne l’empêche pas de réfléchir à la proposition et de la mettre ensuite en œuvre, de préférence seule.

Instinctif extérieur oblige, Lulu veut avoir un impact sur la vie des gens : c’est elle qui monte les retrouvailles de Juliette et Jacques, qui éloigne Antoine pour qu’ils puissent se rencontrer, etc. Cela ne fonctionne pas toujours ("J’ai déconné sur ce coup-là. J’ai déconné grave."), mais elle essaye de protéger ceux qu’elle aime, sa mère principalement. Par exemple, elle vire les gens de la chambre quand Juliette est malade et qu’elle estime que leurs propos vont surtout la démoraliser : "Bon, allez, tout le monde se casse là. La fête est finie. Maman est fatiguée. Allez, hop ! Allez finir votre thé en bas. Allez !"

Identification avancée : Lulu est un 8 α de sous-type conservation ("Survie") à aile 7.

La tête de maman : JulietteJuliette (Karin Viard) : 5

Juliette est le personnage difficile à identifier du film. Elle est désintégrée pour deux raisons. D’abord, elle vit dans le regret de son amour pour Jacques et du fait de n’avoir pas résisté à sa mère qui les a séparés. Ensuite, elle souffre en permanence d’un cancer des intestins non diagnostiqué. Cela l’amène à être tournée vers elle-même, à avoir un air plaintif et à être dépressive. Même si tous les ennéatypes peuvent être dépressifs et si la souffrance physique entraîne forcément un repli sur soi, la tentation est grande d’en déduire un type 4.

Il y a cependant, un certain nombre d’anomalies. En effet, la désintégration devrait amplifier les mécanismes égotiques du 4 et les rendre encore plus visibles. Pourtant :

  • Juliette est le plus souvent impassible et ne manifeste que peu d’émotions ;
  • Son style de communication est plus tempéré que dramatique ;
  • Elle ne manifeste pas l’orientation de sens du beau de l’ennéatype : elle s’habille ou se coiffe n’importe comment ; son appartement ne fait l’objet d’aucun soin ("Excuse le mauvais goût" prévient Lulu la première fois que Jacques vient chez eux) ; rien dans ce qu’elle vit ou dit ne semble être sous l’emprise d’un désir esthétique ;
  • Elle est certes tout le temps dans l’analyse de ce qu’elle vit, mais l’objet de cette analyse n’est pas émotionnel : "T’as bien vu toi. Ce matin, j’ai encore passé trois quarts d’heure au w.-c. pour rien. Et quand par miracle, il y a quelque chose qui sort, c’est des toutes petites crottes." Lulu confirme : "Ma mère, elle kiffe sa merde. Ce qui se passe dans ses intestins, c’est son petit trésor, la seule passion que je lui connaisse. Elle garde tout en elle. Elle chie que si elle y est obligée. Sous la contrainte."

Le plus évident chez Juliette est la répression de l’instinctif. Elle ne bouge pas, elle reste tous les jours assise sur le banc du jardin "pendant une heure au moins, les yeux dans le vague".

Sur le plan émotionnel, Juliette semble presque aussi handicapée. Elle ne manifeste pas d’émotionnel intérieur, et ne sait pas réagir émotionnellement avec les autres. Au début du film, quand Lulu rentre à la maison et lui dit bonjour, elle lui fait un tout petit sourire, puis la contourne sans un mot pour aller dans le jardin. Elle a de temps en temps de petites manifestations non verbales en touchant les gens comme le font les personnes ayant l’émotionnel en second dans la hiérarchie, voire le réprimant. Comme ces personnes, d’ailleurs, elle est plus à l’aise avec les animaux qu’avec les gens.

Il reste alors comme possible des ennéatypes du centre mental. Le 7 est exclu bien sûr à cause de l’orientation, et le 6 est improbable, Juliette ne manifestant que très rarement et très faiblement de la peur et encore moins de doute (or là aussi, la désintégration devrait impliquer une accentuation des passion et fixation).

Il reste donc l’ennéatype 5. Cela tombe bien, Juliette en manifeste toutes les caractéristiques égotiques.

La passion d’avarice est évidente en termes de non-disponibilité aux autres. Juliette est en permanence indisponible que ce soit pour son mari, ou pour sa fille. Lulu affirme : "Les morts, c’est ses grands potes. Faut dire que c’est pas chiant les morts. Ça moufte pas. Ça fait pas de crise d’adolescence. Ça se bagarre pas, ni rien."

L’avarice déborde sur le plan matériel, par exemple lors de la préparation de la fête d’anniversaire :

  Louisa : Je me demande si on a prévu assez. Qu’est-ce que vous en pensez ?
  Juliette : Vous plaisantez. Ça va être gâché. C’est beaucoup trop.

C’est une attitude qui semble coutumière :

  Lulu : Je te préviens si on n’a pas assez à manger, je te tue.
  Juliette : T’as toujours les yeux plus gros que le ventre.

La fixation de détachement apparaît simultanément dans les mêmes contextes. Juliette n’a qu’une fois une réaction forte, lorsque Lulu a découché. Le reste du temps, elle est un témoin inerte des événements…

… lorsqu’elle est présente, car le mécanisme de défense d’isolation est extrêmement puissant. Le banc du jardin est son petit château fort. Lors de la fête d’anniversaire, on ne la voit pas s’amuser avec les autres. Quand, lors du dîner, Antoine raconte son histoire sur la Tour Eiffel, elle quitte la salle à manger, puis même la maison pour se réfugier dans le jardin. Elle déteste toute intrusion dans sa sphère privée :

  Lulu : [Elle rentre dans la chambre où Juliette s’habille.] Maman, t’as pas une épingle à nourrice ?
  Juliette : M’enfin, tu pourrais frapper !

La préférence pour le centre mental s’exprime par ses deux passions, les documentaires animaliers (on ne la dérange pas à ces moments-là : "Allez, pousse-toi !") et les crottes. Quand les deux se conjuguent sous la forme d’un film sur le bousier, c’est l’apothéose ! La collection de fèces animales de Jacques est sub-ju-gan-te et la bouse du zèbre est intéressante par une caractéristique bien matérielle : "Oh oui ! Il y a une densité, t’as raison ! C’est incroyable !"

Juliette a plutôt un vocabulaire mental : "On fonctionne pareil avec Lulu. […] On pense souvent la même chose en même temps. On se ressemble. C’est les chromosomes." (Et non pas on ressent la même chose…). Ou bien : "Vous n’êtes pas raisonnables."

Elle valorise l’indépendance intellectuelle et ne s’est pas fait soigner pour cette raison : "J’ai pas besoin d’aller voir un médecin. Je sais exactement ce que j’ai. […] J’ai une rectocolite chronique. C’est dans mon dictionnaire médical. Il y a tous les symptômes qui correspondent. Tu veux voir ?" À ce moment-là, son visage s’éclaire, ce qui est pour le moins rare, et on la sent prête à disserter du sujet, voire à faire un traité !

Quand Lulu l’a attirée à la buvette du zoo pour qu’elle voie Jacques, elle est immédiatement reconnectée à son amour pour lui. Pourtant, elle n’a à ce moment-là aucune impulsivité instinctive ou émotionnelle qui la ferait se précipiter vers lui. Elle réfléchit jusqu’à ce qu’il ait quitté la salle ; ce n’est qu’alors qu’elle court (il ne faut pas exagérer) après lui.

Étant donné l’état de Juliette, on pourrait imaginer que le 5 soit son type de désintégration. Cependant, les seuls types à se désintégrer en 5 sont le 8 α et le 7 μ, l’un et l’autre étant exclus Juliette n’en manifestant pas les caractéristiques égotiques. Le 5 est donc bien son type de base.

À titre de clin d’œil final, on pourra noter que le film s’appelle "La tête de maman" et non pas, par exemple, "Le cœur de maman".

Identification avancée : Juliette est un 5 α de sous-type conservation ("Château fort").

La tête de maman : Lulu et Jane BirkinLulu, Juliette et Jane Birkin

Comme beaucoup d’adolescents, Lulu est "mal dans sa peau" et donc en fréquente désintégration. Or, c’est une 8 α, et elle se désintègre donc en 5. Le type de sa mère. Plusieurs éléments du film signalent cette ressemblance :

  • "On fonctionne pareil avec Lulu. […] On pense souvent la même chose en même temps. On se ressemble. C’est les chromosomes", affirme Juliette.
  • Lulu propose de l’argent à Clara pour son anniversaire. Quand, quelques instants plus tard, sa mère fait de même avec elle, elle constate furieuse : "Putain ! Elle a raison avec ses chromosomes. La conne ! C’est vrai qu’on se ressemble."
  • Quand Lulu veut faire l’amour avec Simon, elle n’y arrive pas : "Ça veut pas rentrer. […] Je suis toute fermée." Difficile de ne pas penser aux problèmes de sa mère qui elle aussi est toute fermée et chez qui ça ne sort pas.
  • Lulu bâtit en permanence des hypothèses et se préoccupe que "ça se tient." Elle manifeste l’indiscrétion qu’expriment parfois les 5 : "Pourquoi tu fouilles comme ça ?" lui demande sa grand-mère.
  • Lulu exprime un besoin d’isolation : "On m’appelle Lulu, point barre. Ou mieux, on m’appelle pas. On me laisse tranquille."

On comprend dès lors mieux sa relation avec Juliette qui lui tend en permanence un miroir négatif d’elle-même, qui lui montre ce qu’elle pourrait devenir si elle se laissait aller à la désintégration.

Dès lors, pour se protéger, Lulu s’invente une figure maternelle idéale, aidante et affectueuse, Jane Birkin, dans son propre rôle d’ennéatype 2… le type d’intégration de Lulu. Ainsi, entre sa mère réelle et sa mère imaginaire, Lulu oscille entre les deux pôles de sa personnalité (une structure similaire peut être observée dans le film “Un homme d’exception”). À la fin du film, Lulu a réglé son problème avec sa mère et peut donc se passer de la figure tutélaire de Jane.

La tête de maman : JacquesJacques (Kad Merad) : 9

Jacques est avant tout un brave homme extraordinairement acceptant. Dès sa première manifestation dans le scénario, il accepte sans difficultés de rencontrer Lulu alors que de toute évidence elle lui ment :

  Jacques : Je peux vous aider ?
  Lulu : Euh, oui. Alors, bon, voilà, je m’appelle Lulu. Lulu euh… [Elle cherche désespérément à inventer un nom de famille et trouve en voyant un de ses nombreux posters de Jane Birkin.] Birkain. Et euh… Et en fait, je vous appelle parce que je euh… Vous êtes euh… Vous soignez les animaux, c’est ça ?
  Jacques : Je travaille au zoo de Saint Martin, mais…
  Lulu : Ah ouais. Au zoo quand même. Oui, non, parce qu’en fait euh… Justement, moi, en fait, je suis étudiante en zoo… philie, justement. J’aimerais bien vous rencontrer pour… parce que je… je fais une étude.

Cette acceptation n’est ni bêtise, ni même naïveté. Tout au long de l’histoire, Jacques sait ce qui se passe :

  • "C’est elle qui a tout arrangé. Nos retrouvailles. Moi je t’attendais, ça tombait bien."
  • "Elle est malade. […] Elle est vraiment malade."

Mais il laisse les choses se faire sans essayer d’agir sur elle. Il a attendu Juliette vingt ans sans essayer de la retrouver. Que Lulu le plante à la buvette, qu’il croise Antoine à l’hôpital ou chez lui, il ne réagit pas. Même quand Juliette lui dit "Je te quitte", on perçoit sa tristesse, mais il se contente de répondre : "Ah oui."

Quand il a quelque chose à dire, c’est indirectement et avec douceur. Il réussit même à ne pas fâcher Lulu :

  Jacques : [Il pointe le coquard que Lulu a à la joue.] Ça, c’est quoi ça ?
  Lulu : Un connard du lycée.
  Jacques : Vous vous battez souvent comme ça ?
  Lulu : Il me cherche.
  Jacques : Et il te trouve.
  Lulu : Ben oui, mais euh…
  Jacques : Le mois dernier, on nous a amené une femelle gorille qui venait du zoo de San Diego.
  Lulu : [Indifférente] Super.
  Jacques : Parce que tu sais, on a déjà un couple, mais ils arrivent pas à avoir de petits.
  Lulu : [Ironique.] C’est bien triste.
  Jacques : Quand on a présenté la femelle au gros mâle, tu sais ce qui s’est passé ?
  Lulu : [Sourire en coin.] Il l’a niquée ?
  Jacques : [Petit rire.] Non. Non, il l’a sauvagement attaquée.
  Lulu : [Surprise.] Ah bon ?
  Jacques : Il fallait qu’il assoit sa domination, tu comprends ? Après, il l’a niquée. [Ils sourient tous les deux.] Maintenant, ils se quittent plus et l’autre femelle est totalement mise de côté.
  Lulu : Enfin, ce que vous me racontez, c’est une espèce de métaphore, quoi ?
  Jacques : Tu prends ça comme tu veux.
  Lulu : Sauf que moi je suis pas une femelle gorille.
  Jacques : Ah non. Toi, ce serait plutôt le gros mâle, toi.

Jacques s’oublie dans sa collection narcotisante d’excréments animaux et dans une certaine routine : "Il est là, tous les jours, à la même heure, la même bière, à la même place."

Identification avancée : Jacques est un 9 de sous-type sexuel ("Union"), même si son travail peut faire penser au sous-type social ("Participation périphérique").

La tête de maman : AntoineAntoine (Pascal Elbé) : 7

Réellement amoureux de Juliette, Antoine constate avec désespoir qu’elle ne lui prête aucune attention. Alors, en bon 7, dans l’espoir de la reconquérir, ou a minima d’attirer son attention, il raconte des histoires… plutôt mentales :

  Lulu : La Tour Eiffel ?
  Antoine : Hmmm. Il suffit de dévisser sept boulons pour qu’elle s’écroule comme un château de cartes. Pas un de plus, pas un de moins.
  Lulu : [Mine interloquée.] Mais c’est horrible.
  Antoine : [Mine ravie.] Mais non, c’est pas horrible, c’est de la physique. [Il regarde Juliette impassible, mais qui esquisse un petit sourire poli.] Attention, c’est pas n’importe quels boulons évidemment. Ils sont répartis selon un plan très précis. C’est une question d’équilibre des masses.
  Lulu : Papa, ça veut dire que si un mec veut faire un attentat avec une clé à molette, il lui suffit de les trouver et…
  Antoine : [Dépassé par son histoire et qui ne veut pas inquiéter sa fille.] Une clé à molette, faut pas exagérer. L’emplacement des boulons est un secret, heu…, bien gardé. [Tous deux regardent Juliette qui quitte la pièce.] Et puis quand bien même, faut encore les trouver. Tu sais, c’est pas à la portée de n’importe quel touriste. Ça, les ingénieurs, ils y avaient bien pensé. Pour les trouver, faut…

Cette stratégie échoue complètement, mais il essaye de cacher sa souffrance sous un perpétuel sourire. Quand malgré lui, ses émotions remontent à la surface, son incapacité à les vivre n’a d’égale que l’incapacité de Lulu à les entendre :

  Antoine : À propos, tu sais que le Taj Mahal est monté sur des roulettes ? Oui. Il y en a une centaine dans chaque angle, tu sais, au niveau des fondations par un système de roulement à billes. Alors, quatre vaches harnachées suffisent à le…
  Lulu : Papa !
  Antoine : déplacer pour…
  Lulu : Papa, arrête. [Antoine la regarde, désemparé.] C’est pas la peine de m’inventer des histoires à moi pour que je t’écoute.
  Antoine : [Les larmes lui montent aux yeux.]
  Lulu : [Ne sachant pas comment réagir à cette émotion.] Papa, continue. Vas-y. Ça me plaît, moi. Ça m’intéresse le Taj Mahal. C’est passionnant. Je voulais pas t’empêcher de…
  Antoine : [Il pleure.]
  Lulu : Combien de vaches tu dis pour le tirer ?
  Antoine : Je sais bien qu’elle m’aime plus depuis longtemps. [Il renifle et s’essuie les yeux.] Quatre vaches. Non, en fait huit. Il y en a quatre de chaque côté.
  Lulu : Ah oui. Et pour la pyramide de Khéops ?
  Antoine : Dix-huit chameaux. [Ils rient.]

Identification avancée : Antoine est un 7 α de sous-type social ("Sacrifice") à aile 6.

Autres

D’autres personnages peuvent être étudiés à l’aide de l’Ennéagramme :

Clara (jouée par Sarah Cohen-Hadria), la meilleure amie de Lulu, est une 2 α de sous-type sexuel ("Séduction agressive"). Elle soutient Lulu sans cesse malgré les rebuffades. Elle a constamment des propositions pour l’aider à résoudre ses problèmes : c’est elle qui a l’idée d’aller à Lavours, puis de faire rencontrer Juliette et Jacques. Elle est extrêmement attentive : lors de la fête d’anniversaire, elle flirte avec un garçon, mais cela ne l’empêche pas de repérer que Lulu s’apprête à faire un esclandre à cause de la présence de Simon ; elle intervient aussitôt. Son amitié pour Lulu ne l’empêche toutefois pas d’essayer de protéger les autres : "C’est pas parce que t’es mal dans ta peau que ça t’autorise à être odieuse avec tout le monde."

Clara est extrêmement optimiste. Dès qu’elle voit la photo de Juliette jeune, elle espère : "Mais si elle a souri un jour, même si c’était il y a très longtemps, c’est peut-être qu’elle peut recommencer."

Elle est fortement émotionnelle. Elle est attendrie devant le film où Juliette et Jacques sont amoureux. Elle est contente de voir Juliette heureuse d’avoir retrouvé Jacques. Le film nous la montre plusieurs fois réagir émotionnellement à l’attitude de Lulu. On la sent jalouse de Jane Birkin. On la voit plusieurs fois triste devant la dureté de son amie, par exemple la fois où celle-ci ne lui a pas fait de cadeau pour son anniversaire, mais bien sûr "c’est pas grave."

Louisa, (jouée par Nanou Garcia), la mère de Clara, toujours prête à rire et à faire la fête, est une 7 α :

  Louisa : Juliette, je vous sers un petit coup de pif ?
  Juliette : Merci, je supporte pas l’alcool.
  Louisa : Moi, c’est pareil avec l’eau.

La grand-mère de Lulu (jouée par Suzie Falk) est une 8 α. Elle méprise sa fille (un "accident" parce qu’elle a "voulu replacer [son] stérilet [elle-même]" et qu’elle l’a "placé de travers") : "Tu sais bien, ta mère n’a jamais eu de volonté" déclare-t-elle à Lulu. Elle s’est d’ailleurs débrouillée pour faire échouer la relation entre elle et Jacques ("Il gagnait pas sa vie, il était pas sérieux et puis il était moche.") et pour arranger son mariage avec Antoine ("Reconnais que ton père, c’est tout de même autre chose, non ?").

La scène de la dispute entre Lulu et sa grand-mère illustre bien leur violence commune :

  Lulu : Mais qu’est-ce que t’en sais de son bien ? Tu te rends pas compte de ce que t’as fait ? De toute façon, tu n’en as jamais rien eu à foutre d’elle. Tu lui parles toujours comme à une sous-merde.
  Grand-mère : [Elle se retourne le visage dur.] Ah oui. Et toi, tu lui parles bien à ta mère ? Non ? Tu es gentille avec elle ? Tu en es certaine ? Tu sais ma petite fille, on se ressemble. C’est comme ça, il y a rien à faire. Le caractère a sauté une génération.
  Lulu : N’importe quoi.
  Grand-mère : Oh ! Lulu, arrête, maintenant. Laisse-moi tranquille.
  Lulu : Tu me dégoûtes.
  Grand-mère : Oh ! [Elle lève sa canne et donne un violent coup sur une branche à côté de Lulu.] Tu vas te taire, oui ?
  Lulu : Qu’est-ce que tu crois ? Que tu me fais peur ? Mais regarde-toi, t’arrive même plus à marcher. [La grand-mère relève sa canne en un geste de menace.] T’es… T’es plus rien. t’es qu’une vieille.
  Grand-mère : Va-t’en.
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