Scroll To Top

Tout de suite maintenant
Analyse

Tout de suite maintenant : Nora SatorNora Sator (Agathe Bonitzer) : 8

Dès sa première apparition, Nora montre sa répression du centre émotionnel, qui va même jusqu’à une incapacité relationnelle, en cherchant à se rendre à son rendez-vous avec un des associés d’AB Phi :

  Nora : Excusez-moi. Le bureau de Monsieur Prévôt-Parédès.
  Flore : Bonjour.
  Nora : Bonjour. Pardon, bonjour. Nora.
  Flore : Ah, c’est toi. Moi, c’est Flore. C’est à l’étage.

Ce n’est pas uniquement parce qu’elle est pressée d’arriver à son rendez-vous avec Prévôt-Parédès. Plus tard, elle va occuper le bureau de Zeligmann et ne pense même pas à s’enquérir du nom de son assistante :

  Samia : Je vous fais un café ?
  Nora : Je veux bien, merci.
  Samia : Au fait, moi, c’est Samia.
  Nora : Merci, Samia. Sans sucre.

Effectivement, les relations humaines avec Nora, c’est sans sucre… Elle déclare à Prévôt-Parédès qu’une vie affective “n’est pas dans ses priorités”. Elle n’hésite pas à pratiquer une agressivité physique : quand, dans le train, elle veut parler à Xavier qui dort, elle le réveille d’un coup de pied ; plus tard, quand il essaye de la convaincre de ne pas rompre avec lui et se fait un peu pressant, Nora lui assène une gifle.

D’ailleurs, en parlant de Maya, son père lui dit : “De vous deux, c’est elle qui a du cœur.”

Quand elle a une question ou un problème, Nora réagit immédiatement, et son style de communication est impératif (“Rappelle Tina. […] Mais rappelle-la maintenant. Et excuse-toi. Platement.”) et direct.

Par exemple, elle apprend de Prévôt-Parédès qu’Arnaud Barsac connaissait son père. À peine cet entretien terminé, elle l’interroge frontalement à ce sujet :

  Nora : Vous avez connu mon père ?
  Arnaud : Oui. Il était très brillant. Je l’admirais beaucoup. Il avait pour moi un profond… Mépris. On a fini par le lui rendre.

De même, au restaurant où Arnaud l’a invité, elle cherche à approfondir :

  Nora : Qu’est-ce qu’il vous a fait ?
  Arnaud : Quoi ?
  Nora : Mon père, qu’est-ce qu’il vous a fait ?
  Arnaud : J’ai dit qu’il m’avait fait quelque chose ? Je ne crois pas l’avoir dit. Disons que nous n’avons pas réussi à devenir amis. Voilà tout. Je ne dis pas de mal, je ne regrette jamais rien, c’est une perte d’énergie. J’espère au moins qu’il est fier de vous ?
  Nora : Je sais pas.
  Arnaud : Moi je suis fier de vous. C’est un très joli coup que vous avez réussi. Si j’avais une fille, j’aimerais bien qu’elle soit comme vous.

Lorsque Solveig la raccompagne en voiture après la nuit qu’elle a passée chez Arnaud pour préparer “un prévisionnel d’activité qu’il doit présenter aux aurores”, elle réagit immédiatement aux propos malveillants concernant son père :

  Solveig : Alors vous êtes la fille de Serge. Il est toujours aussi mal rasé ?
  Nora : La plupart du temps.
  Solveig : Pour faire jeune. À l’époque, ça faisait surtout sale. Il s’habillait avec des loques, des trucs horribles… C’était affreux. [Silence.] Il est toujours aussi chiant ? [Silence.] C’est un con, votre père. C’est un mec intelligent, mais c’est un con.
  Nora : Et pourquoi vous me dites ça ?
  Solveig : [Elle fait une moue.] Il peut avoir changé.
  Nora : Il ne s’agit pas de lui. Qu’est-ce qui vous permet de penser que vous pouvez me parler comme ça à moi ? Laissez-moi là.
  Solveig : J’arrête de parler.
  Nora : Non, mais laissez-moi là s’il vous plaît. [Elle descend de voiture.]

Elle exige des explications de Prévôt-Parédès qui se parle à lui-même et évoque son père :

  Prévôt-Parédès : [Il se retourne et quitte le bureau. À voix basse.] C’est bien la fille d’Étalingure, celle-là.
  Nora : [Elle lui court après.] Comment vous m’avez appelée ?
  Prévôt-Parédès : Je ne vous ai pas appelée.
  Nora : Vous avez dit “La fille…”.
  Prévôt-Parédès : Non, vous avez mal entendu.
  Nora : J’ai parfaitement entendu. “La fille d’Étalingure.” Qu’est-ce que ça veut dire “La fille d’Étalingure” ?
  Prévôt-Parédès : Vous êtes agressive, mais ça veut rien dire du tout. [Il s’en va.]

Nora ne supporte pas que Xavier s’exprime par sous-entendu :

  Nora : Vous avez fait la fête ?
  Xavier : Oui, ça se peut. Vous devriez essayer aussi de temps en temps. Enfin peut-être que pour vous, la fête, c’est pas ça. C’est casser les gens pour les remplacer et aller plus haut.
  Nora : Vous parlez de qui, là ?
  Xavier : De personne.

Aussitôt qu’elle apprend que Xavier est sorti avec sa sœur, elle rompt sans hésiter la relation :

  Xavier : Ça va ? [Ils s’embrassent.]
  Nora : Viens.
  Maya : [Elle est revenue sur ces pas.] Pardon, la curiosité. [À Nora :] Tu l’avais en fait son numéro. [À Xavier :] Et toi, ça t’amuse de te moquer de moi ? Peut-être que ça vous amuse tous les deux.
  Nora : Maya… [Maya s’en va. Elle se retourne vers Xavier.] Tu peux m’expliquer ?
  Xavier : [Gêné.] En fait, la veille de notre voyage, j’ai été boire un verre avec ta sœur à son bar.
  Nora : La fête, c’était avec elle ?
  Xavier : Trois shots de tequila après l’affaire Zeligmann, c’est tout. Rien de moins, rien de plus.
  Nora : Bon, on va arrêter là nous deux.
  Xavier : Nora !
  Nora : Je suis pas assez forte pour ça.
  Xavier : Pour ça quoi ?
  Nora : Commencer une histoire sur des mensonges. Alors on arrête.
  Xavier : Toi aussi, t’as menti.
  Nora : D’accord, alors, on en reste là. On peut parler boulot ? J’ai passé la journée dessus, j’ai les yeux explosés. J’ai fait des vérifications auprès des sociétés de conseil qui ont travaillé avec les Méchain ces cinq dernières années. Et le résultat, tu veux savoir ? C’est qu’on est conflictés. Cette boîte-là, Event Horizon 3000, elle a passé, il y a trois ans, un contrat de consulting pour sept millions avec eux. Maintenant, c’est qui le plus gros actionnaire de la boîte à hauteur de 32,5 % ? [Elle montre sur l’écran de son ordinateur le nom de A. Barsac.]
  Xavier : Non, c’est pas possible.
  Nora : Ben non, c’est pas possible. On peut pas faire ça, on est censés être de purs intermédiaires. Si Van Stratten l’apprend, il est en droit de demander pour qui on travaille, pour lui ou le vendeur ? Conflit d’intérêts gros comme une maison. On sera grillés, discrédités.
  Xavier : Tu as trouvé ça par hasard ?
  Nora : Prévôt-Parédès.
  Xavier : C’est lui qui t’a aiguillé là-dessus ? Mais pourquoi, c’est complètement suicidaire.
  Nora : Va lui demander. [Elle se dirige vers la porte.]
  Xavier : Tu me fous dehors, là. C’est ça ?
  Nora : Je suis en arrêt maladie. C’est sérieux. N’essaye pas de m’appeler.
  Xavier : [Il sort, descend et la rappelle depuis l’interphone.]

Elle réagit aussi violemment avec son père qu’elle est venue voir à l’hôpital :

  Serge : J’espérais avec tes qualités intellectuelles que tu aurais d’autres ambitions dans la vie que faire du fric dans une boîte de finance. Tu m’as déçu sur ce point. Comme sur tous les autres au fond. Que t’aies pas osé en parler, je comprends très bien. Et c’est pas seulement la force morale qui te manque, c’est qu’il y a quelque chose en toi de profondément médiocre. Au fond, t’es pas si intelligente. D’ailleurs l’intelligence… Je connais des tas de gens réputés très intelligents qui, à force de tourner le dos à la vie, ont fini dans l’imbécillité la plus crasse. T’inquiète pas. Je vais pas te demander de le quitter, ce job dont tu es si fière. Je vais pas te mettre au chômage. Je préfère… ne plus te voir.
  Nora : C’est de toi que tu parles. C’est toi qui as tourné le dos à la vie. [Elle prend ses affaires et se dirige vers la porte de la chambre.] Moi, je suis vivante. Et je t’emmerde.

Nora est franche, et la seule fois où elle s’essaye à mentir, elle est maladroite et revient vite à ses manières habituelles :

  Nora : [Elle arrive chez Arnaud.] C’est beau.
  Arnaud : Vous devriez le voir de jour. Enfin, vous le verrez peut-être.
  Nora : Pardon ?
  Arnaud : Ce que je vous demande, ça peut prendre un certain temps.
  Nora : Bon, il est où ce dossier ?
  Arnaud : Dans mon bureau en bas. [Il se dirige vers l’escalier.] Faites pas attention au bordel, je vis comme un hippie.
  Nora : Écoutez, heu… En fait je suis attendue.
  Arnaud : Attendue ?
  Nora : Non, je ne suis pas attendue, mais je ne vais pas en bas.

Quand elle dévoile en réunion le conflit d’intérêts, ce n’est pas pour des raisons morales mais pour assouvir une vengeance :

  Arnaud : J’étais fier de vous. Qu’est-ce que je vous ai fait ?
  Nora : À moi rien. [Elle lui tend le poème écrit par son père à Solveig et qu’il a photocopié et distribué.]

Un peu plus tard, quand Zeligmann lui annonce que “Barsac est out”, que c’est lui qui reprend la direction et qu’il lui propose un poste d’associé, Nora demande si elle peut réfléchir. Il rétorque avec un argument décisif pour un 8 : “Réfléchir, c’est pour les faibles. À ta place, je réfléchirais pas.” Nora accepte même si elle met comme condition la réintégration de Xavier.

Identification avancée : Nora est un 8 α.

Tout de suite maintenant : XavierXavier (Vincent Lacoste) : 7

La difficulté du personnage de Xavier est due au fait qu’il est beaucoup montré dans son environnement professionnel et que dans celui-ci, un ennéatype 7 est obligé de masquer certains aspects de sa personnalité pour y survivre, surtout quand “on fait un métier de con” et qu’on “aurait dû [en changer] depuis longtemps”. Cependant de nombreux petits indices révèlent sa véritable personnalité.

D’abord, Xavier n’a de toute évidence ni la dureté de Nora ni le cynisme d’Arnaud qui le choquent, comme ici après la rétrogradation de Zeligmann :

  Xavier : Je peux dormir un peu ? J’ai passé une nuit à peu près blanche.
  Nora : Vous avez fait la fête ?
  Xavier : Oui, ça se peut. Vous devriez essayer aussi de temps en temps. Enfin peut-être que pour vous, la fête, c’est pas ça. C’est casser les gens pour les remplacer et aller plus haut.
  Nora : Vous parlez de qui, là ?
  Xavier : De personne. [Il se retourne et ferme les yeux.]

Faire la fête, c’est important, même s’il est de plus en difficile de s’amuser véritablement : “La fête à Paris, c’est plus ce que c’était”, dit-il à Van Stratten. Surtout, la fête est une compensation et une consolation à laquelle Xavier a droit après tous les efforts consentis pour obtenir ses diplômes :

  Nora : Vous préférez faire la fête ? Avec votre “Pas de négo”, je parie que nos chances sont tombées à 35 %.
  Xavier : Vous savez quoi ? Je vous emmerde. D’accord ? Moi, je viens pas de votre monde. Mes vieux tiennent un deux-étoiles à Niort. Ça fait sept ans que je rembourse mes études en attendant le jackpot. J’ai le droit d’être fatigué, même d’être vulgaire, de dire “Pas de négo” parce que c’est plus court. Et ça vous arrivera aussi, la fatigue et la vulgarité. Faut voir les choses en face, on fait un métier de con.

En dehors de la fête, Xavier est plutôt superficiel. Il n’a que quelques vagues propositions à présenter à Van Stratten qui “n’a pas beaucoup de temps” et “est là pour étudier une affaire, pas des hypothèses” ; il vient négocier avec les frères Méchain sans réelle préparation. Dans les deux cas, c’est Nora qui prend la main et sauve la situation.

Cette impréparation n’empêche pas Xavier d’être optimiste :

  Xavier : À votre avis, on a combien de chances ? Moi, je dirais 75 %. L’aîné, il est tenté, mais l’autre, là — comment il s’appelle ? — Léon, je le sens flottant. Au fait, y a des Russes dans la famille Méchain ?
  Nora : Pourquoi ?
  Xavier : Alexandre et Léon, ça fait russe.
  Nora : Leur mère est née Souvarine. Vous n’avez pas épluché la data room ?
  Xavier : Pas autant que vous apparemment.

On notera au passage les associations d’idées plus au moins hors sujet du 7.

On peut aussi voir cet amateurisme dans le vide total de son bureau. Quand Nora le lui fait remarquer, l’ironie verbale est là immédiatement :

  Xavier : [Il rentre dans son bureau café à la main et mâchant un chewing-gum.] Vous êtes dans mon bureau, là.
  Nora : Pardon ?
  Xavier : Ici, c’est mon bureau.
  Nora : Mais on m’a dit “après la salle de réunion”.
  Xavier : Non, c’est à côté.
  Nora : [Elle ramasse ses affaires et se prépare à sortir.] Comme c’était vide…
  Xavier : [Il sort son ordinateur portable d’un tiroir, le pose sur le bureau, et la regarde sarcastiquement.] Voilà, c’est plus vide. [Nora se dirige vers la porte.] Bienvenue chez AB Phi.

Xavier aime bien faire de l’humour :

  Nora : Vous avez déjà fait du bateau ?
  Xavier : Quel genre ?
  Nora : Genre qui va sur l’eau.
  Xavier : J’ai ramé, oui, j’ai même passé ma vie à ça.
  Nora : Je parle d’un grand bateau.
  Xavier : J’aurais bien aimé. Pourquoi ?

Syndrome de Peter Pan du 7, Xavier manifeste un côté puéril qu’Arnaud repère avec agacement :

  Xavier : J’ai quand même accroché Van Stratten.
  Arnaud : On n’est pas à l’école. Je suis pas là pour distribuer des bons points. Je suis là pour que les choses bougent.

On trouve aussi un optimisme immature très 7 quand Xavier essaye de convaincre Nora que le conflit d’intérêts ne sera pas découvert : “C’est pas si grave. Si Van Stratten ne cherche pas, il trouvera pas. Ça restera caché.”

De même, c’est avec une joie blagueuse et enfantine qu’il annonce à Nora que les Méchain acceptent la vente :

  Nora : [Pendant que Nora répond à un appel téléphonique, Xavier part se baigner. Son propre téléphone qu’il a laissé sur la page sonne à son tour. Nora le ramasse et lui fait signe de revenir.] Téléphone ! [Xavier revient, en slip.] C’est les Méchain.
  Xavier : Merde ! [Il enfile sa veste.]
  Nora : Ben, rappelle ! Qu’est-ce que t’attends ?
  Xavier : Attends, je peux pas rappeler si je suis pas habillé, d’accord ? [Il s’éloigne pour répondre et revient l’air grave.] S.S.D.L.P.P.
  Nora : Quoi, c’est non, c’est foutu ?
  Xavier : S.S.D.L.P.P. Sous sous dans la popoche ! Ils vont “examiner l’offre”. Ils marchent. [Il la prend dans ses bras et la soulève.] Ah ah ! On va être pétés de thunes !
  Nora : Arrête !
  Xavier : On est les meilleurs !
  Nora : Arrête ! Tu me mouilles.
  Xavier : Pardon ! Tu te rends compte quand même ? Tu te rends pas compte. On a réussi ce coup-là ! Réussi !

Au lieu de partager sa joie, Nora est triste, ce qui est insupportable pour un ego de 7 qui réagit par la fuite :

  Nora : Dis pas ça, ça me rend triste.
  Xavier : Qu’est-ce qui te rends triste ?
  Nora : Réussir, ça me rend triste.
  Xavier : [Il lui prend gentiment le bras.] Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ? [Elle se détourne.] Bon, alors si tu veux pleurer ici, reste. Moi, je rentre, je suis gelé.

Une fois qu’il est rentré chez AB Phi, cette scène de la plage devient une histoire épique destinée à faire rire ses collègues et qui y réussit : “Pas de négo, je leur avais dit. Pas de négo. Pas de négo. Alors on est sur la plage complètement dépités, et je me dis que je vais me baigner, au point où j’en suis. L’eau était à −10°. Et là, j’entends le téléphone qui sonne sur la plage. J’étais à poil, complètement à poil. Je cours, j’attrape le téléphone et je me dis que je ne peux quand même pas répondre à poil, quand même. Bon, je m’habille et là, je réponds, et ils me disent : on marche ! J’avais bien fait de me rhabiller !” On remarque comment la réalité est embellie pour que l’histoire soit plus drôle : “complètement à poil”, “l’eau était à −10°”.

La peur du monde extérieur, et particulièrement des gens, propre à l’ennéatype 7 est perceptible non verbalement pendant tout le film. Elle est visible aussi quand il va assister au concert de Maya et qu’il prend des détours pour s’insérer dans le groupe constitué par les deux sœurs et leurs invités. Elle est enfin relevée pas Maya : “Je vous ai fait peur ?”

Il aime Nora et peut du coup lui avouer une part de sa souffrance. Il est alors insupportable qu’elle ne lui soit pas totalement disponible et la false core du 7 se manifeste avec violence :

  Xavier : Moi, je viens pas de votre monde. Mes vieux tiennent un deux-étoiles à Niort. Ça fait sept ans que je rembourse mes études en attendant le jackpot. J’ai le droit d’être fatigué, même d’être vulgaire, de dire “Pas de négo” parce que c’est plus court. Et ça vous arrivera aussi, la fatigue et la vulgarité. Faut voir les choses en face, on fait un métier de con. [Depuis qu’il a commencé à parler, Nora utilise son portable et là, le porte à l’oreille.] Hé, je vous parle ! [Il lui arrache le téléphone qui tombe sur le sable.]
  Nora : Malade ! Pauvre type ! [Ils se regardent, et Xavier l’embrasse. Elle répond à son étreinte.]

Identification avancée : Xavier est un 7 α de sous-type social (“Sacrifice”) à aile 6 (“J’ai cru que t’avais fait une chose folle par, je ne sais, moralité ou pour me faire chier, mais en fait, t’as joué une super-carte. Arriver d’un coup d’un seul à dégommer la direction en te parant de toutes les vertus et te retrouver là où tu le voulais depuis le début, c’est fort. T’es forte. Chapeau.” ; “Tu le penses vraiment ?”, demande Nora, blessée et triste de cette expression de la fixation du 6).

Tout de suite maintenant : Arnaud BarsacArnaud Barsac (Lambert Wilson) : 3

Quand Nora intègre AB Phi et va voir Prévôt-Parédès avec qui elle a rendez-vous, Arnaud l’intercepte dans le couloir. Il se montre alors très relationnel tout en prenant soin d’affirmer son autorité vis-à-vis d’elle et de signaler que c’est lui qui dirige l’entreprise indépendamment de son associé :

  Nora : Ah, Monsieur Barsac. Je suis Nora, Nora Sator. J’ai rendez-vous avec votre associé Monsieur Prévôt-Parédès.
  Arnaud : Venez me voir un instant.
  Nora : Ah, mais j’avais rendez-vous à 10 heures.
  Arnaud : Je sais, vous l’avez dit. Il attendra. Dans la maison, personne ne court.
    […]
  Arnaud : Installez-vous, asseyez-vous, détendez-vous.
    […]
  Nora : Si vous n’avez plus besoin de moi…
  Arnaud : [Ferme, un doigt pointé.] Un instant. Je vais vous faire une petite fleur pour votre arrivée. [Il note des coordonnées sur un papier.] Vous allez l’appeler de ma part. Ça vous mettra le pied à l’étrier. Voilà.
  Nora : [Elle tend la main pour prendre le papier] Merci.
  Arnaud : [Il reprend sa note.] Oh ! Attendez. ! Je crois qu’il y a déjà quelqu’un sur le coup. [Il complète la note.] Je vous donne un petit avantage. Voilà.
  Nora : Merci.
  Arnaud : Je vais mettre fin à votre torture. Allez à votre rendez-vous. [Il raccompagne Nora à la porte de son bureau.] Il fera semblant d’être au téléphone avec moi quand vous arriverez, et il vous parlera du banian. Avec ou sans “y”, l’orthographe est variable. Surtout ne le relancez pas. Maintenant, vous pouvez courir, et je vous y autorise.

Quand Nora sort de cette réunion, Arnaud enfonce le clou :

  Arnaud : Alors, il vous en a parlé ? Du banian.
  Nora : Un peu. J’ai pas bien compris.
  Arnaud : Y a rien à comprendre. Le disque est rayé, c’est tout.

Ce pouvoir apparemment souriant est manifesté plusieurs fois au cours du film. Par exemple, Arnaud invite Nora à dîner au restaurant “Le Longchamp” et lui suggère ainsi le menu : “Je vous conseille le turbot aux algues. [Il se tourne vers le maître d’hôtel.] Ah Lucien, deux turbots, direct. Et on verra après pour le dessert.”

Arnaud se veut un entrepreneur et un pragmatique : “Je suis là pour que les choses bougent.”, “Vous rêvez tous. Moi, j’ai des projets. Les projets sont faits pour être réalisés, les rêves pour être brisés.”

Arnaud fait beaucoup de compliments. Devant Nora, il dit à Solveig : “Nora est une recrue récente. Elle est très forte.” Quand Nora décroche le contrat avec les frères Méchain, elle trouve sur son bureau des orchidées et un message : “The right girl in the right place. Fier de vous.”

Par contre, dès qu’il se sent en risque d’échec, le centre émotionnel bascule et Arnaud devient extrêmement agressif. Lors de la visioconférence où Arnaud est sommé de présenter des résultats financiers (“Vous vous démerdez. Je me fous des détails”), Zeligmann se fait immédiatement attaquer : “On est pas en train de courir un marathon ici, c’est un cent mètres. […] Il y a un mot que je ne veux pas entendre dans cette maison, c’est ‘jamais’. […] Arrête de prendre Prévôt-Parédès pour un exemple. C’est tout sauf un exemple.” Puis son mécontentement s’étend à l’ensemble de l’équipe, même si le ton n’est jamais colérique comme le serait par exemple celui d’un 8 : “Parfois je me demande pourquoi je vous paye ? Elle est passée où votre belle énergie ?” Zeligmann est immédiatement muté dans un poste secondaire : “Zeligmann, tu vas passer au troisième étage. Tu vas t’occuper du marketing de l’offre. Tu seras beaucoup plus heureux. Et puis, s’il te plaît, mets-toi un peu à l’eau.”

Plus tard, Xavier, qu’Arnaud rend coresponsable de l’échec du merger Van Stratten-Méchain, est menacé : “Vous étiez au courant et vous ne m’avez rien dit. Vous êtes fini mon petit, et ça vous suivra partout. Les tweets, c’est fait pour ça, hein ? Hashtag ‘déloyauté’, hashtag ‘délation’, et tous les trucs en ‘d’. Faites-moi confiance.” On pourra remarquer qu’Arnaud reprend une des phrases de Van Stratten : les 3 aiment bien avoir un modèle…

En effet, pour un 3 désintégré, les gens n’ont d’intérêt que s’ils concourent à sa réussite. Prévôt-Parédès l’apprend à ses dépens :

  Prévôt-Parédès : […] Tu m’as pas consulté.
  Arnaud : Si je t’avais consulté à chaque fois qu’il y avait un risque à prendre… On est là [geste de la main en haut], on serait là [geste de la main en bas]. On aurait disparu. Moi, je suis joueur, alors je joue. Le risque, le risque est ridicule.
    […]
  Arnaud : Revends tes parts.
  Prévôt-Parédès : Pardon ?
  Arnaud : Tu m’as très bien entendu. Revends tes parts. Tu m’ennuies. Non, tu m’ennuies pas, tu me fais chier. Tu me sers plus à rien. Alors revends tes parts et disparais !

PP, comme il surnomme avec mépris son associé, étant inutile, Arnaud accueille avec indifférence sa tentative de suicide : “Il s’est raté. Enfin pas complètement. D’après les spécialistes, on aura du mal à sauver l’œil droit. Mais après tout, au royaume des aveugles…”

Mais il arrive que même dans ces moments-là, l’émotionnel soit utilisé. C’est le cas quand Nora dévoile le conflit d’intérêts. Arnaud dit à Van Stratten : “Je suis surpris. Et peiné.” Plus sincèrement, il suggère à Nora de préserver sa relation avec Xavier : “Vous l’aimez bien ce garçon ? [Nora ne répond pas.] Vous l’aimez ? [Nora ne répond pas.] Alors ne le ratez pas.”

Arnaud ne s’intègre pas pour autant : “Je ne regrette rien. Je n’ai pas à demander pardon.”

Identification avancée : Arnaud est un 3 α montrant à la fois les ailes 2 et 4, et de sous-type conservation (“Accumulation”).

Tout de suite maintenant : Serge SatorSerge Sator (Jean-Pierre Bacri) : 5

Serge est un des deux personnages les plus désintégrés du film, et des caractéristiques de désintégration de plusieurs ennéatypes sont observables. On peut notamment hésiter entre le 4 pour la honte d’avoir vu ses poèmes diffusés par Arnaud et sa souffrance, le 5 pour son retrait dans une activité mentale de recherche en “maths pures”, le 6 pour sa crise de panique et la projection, voire le 8 pour sa communication directe. De ces quatre profils, le 5 est le seul pour lequel toutes les caractéristiques égotiques sont perceptibles, les autres étant ses ailes et son type de désintégration.

La caractéristique psychologique la plus évidente de Serge est l’incapacité à gérer les émotions.

Quand Solveig lui rend visite, Serge la reçoit avec beaucoup de réticence. Il essaye, tout au long de l’échange, de rester dans sa fixation de détachement en ayant une communication laconique et légèrement agressive et en adoptant une position corporelle fermée et en recul :

  Serge : Ben assieds-toi.
  Solveig : Tu m’offres rien ?
  Serge : Ah ! Ben j’ai pas grand-chose. Du mauvais vin entamé, du thé, du café.
  Solveig : Pas de champagne ?
  Serge : Même si j’en avais…
  Solveig : T’as raison. Ce serait ridicule et inapproprié.
  Serge : Voilà.
  Solveig : Va pour ton mauvais vin. C’est quoi ?
  Serge : Du rouge. Tourné, pas bon.
  Solveig : Oh, ça me paraît très bien. Ça me paraît correspondre parfaitement à la situation. Ouf ! Je me sens mieux.
  Serge : Je vais le chercher.
  Solveig : [Elle se lève pour le suivre.] Je peux t’accompagner.
  Serge : Non, ne bouge pas. [Solveig se rassoit et Serge sert le vin.]
  Solveig : Tu fais quoi ?
  Serge : Je comprends pas ta question.
  Solveig : [Elle rit.] Non, je veux dire, tu travailles ? Tu…
  Serge : Ben oui. [Silence]
  Solveig : Et tu veux pas me dire ce que tu fais.
  Serge : Je vois pas l’intérêt. La théorie ergodique, les processus de Markov. Ça te dit quelque chose ?
  Solveig : Euh…
  Serge : Ben, si… Si tu vas par exemple de l’avenue Machin à la place Truc en passant par l’avenue Chose et le passage Bidule, et que tu fais toujours le même nombre K de pas, la chaîne Machin-Chose-Truc-Bidule, dans n’importe quel ordre, c’est une chaîne régulière ergodique.
  Solveig : Je vois.
  Serge : Non, tu vois rien du tout mais c’est pas grave.
  Solveig : Qu’est-ce que t’as fait de tes cheveux ?
  Serge : Ce sont cheveux que vent emporte.
  Solveig : Moi, c’est plus la même couleur. T’as remarqué ? Tu te souviens pas ?
  Serge : Je me souviens de tout.
  Solveig : Et tu me hais toujours autant ? [Serge ne répond pas. Il y a un grondement sourd en arrière-plan.] Qu’est-ce que c’est ce bruit ?
  Serge : Non, c’est des… C’est des ouvriers polonais qui refont l’appartement voisin.
  Solveig : Ils devraient bien refaire le tien.
  Serge : Ouais mais j’ai pas les moyens.
  Solveig : [Elle hoche la tête.] Bien sûr.
  Serge : Quoi, bien sûr ?
  Solveig : Bien sûr, t’as pas les moyens.
  Serge : Qu’est-ce que t’es venue faire ici ? Qu’est-ce qui t’a pris ?
  Solveig : Il est dégueulasse, ce vin. Ça m’a pris, c’est tout. J’ai vu ta fille.
  Serge : Laquelle ?
  Solveig : T’en as plusieurs ?
  Serge : J’en ai deux.
  Solveig : Celle qui s’appelle Nora. Elle travaille chez… [Serge la scrute.] Tu le savais pas ? [Le bruit des travaux recommence et Serge quitte l’appartement.]

L’émotion de revoir Solveig et celle d’apprendre que Nora a été embauchée par Arnaud, c’est plus que ce que Serge peut supporter. Le mécanisme de défense d’isolation se met en place, et il lui faut quitter la pièce pour gérer cette tourmente émotionnelle. Une crise de panique et une perte de connaissance plus tard, Serge se retrouve à l’hôpital. Solveig vient l’y voir, et il ne peut que lui redire son incapacité à supporter la charge émotionnelle que cause sa présence :

  Serge : Qu’est-ce que tu fous là ?
  Solveig : [Elle rit.] C’est un peu idiot ce que tu as fait là.
  Serge : J’ai pas fait exprès, hein !
  Solveig : De disparaître comme ça. Ou t’acceptes de me voir ou t’acceptes pas. Ça, je peux comprendre. Mais tu me reçois, je ne sais pas pourquoi. Bon ! Et tu t’évanouis, au sens propre.
  Serge : Non.
  Solveig : Non quoi ?
  Serge : Non, pas au sens propre. J’ai pris la fuite. L’évanouissement ou je sais pas quoi, c’était plus tard.
  Solveig : C’est parce que je t’ai parlé de ta fille ?
  Serge : Non, c’est pas ça.
  Solveig : Alors quoi ? C’est quoi ?
  Serge : Ce qu’on est en train de faire, là.
  Solveig : Mais qu’est-ce qu’on est en train de faire ?
  Serge : Ce que je voulais éviter à tout prix et ce qui se passe là maintenant.
  Solveig : Non, mais t’arriveras jamais à dire les choses simplement ? On fait quoi ?
  Serge : Parler.
  Solveig : C’est mal ? On aurait dû faire quoi ?
  Serge : Toi, je sais pas. Moi juste me taire et te verser de l’huile bouillante sur la tête éventuellement.
  Solveig : Ah, c’est dommage, je vois pas de baraque à frites, là. C’est con, hein.
  Serge : En fait, ce que tu voulais, c’est solder nos comptes poliment, quoi.
  Solveig : Tu te trompes.
  Serge : Non. En tout cas, ça en prenait tout droit le chemin.
  Solveig : T’es allé où ?
  Serge : Au dernier étage. Avec la terreur que tu me suives et que tu me trouves là-haut, complètement paniqué. Complètement ridicule, comme j’ai toujours été.
  Solveig : Oh non.
  Serge : J’ai jamais été ridicule ?
  Solveig : Plus maintenant.
  Serge : Merci, ça fait plaisir.
  Solveig : Y a pas de quoi. Et après ?
  Serge : Après quoi ?
  Solveig : Après que je sois partie. T’avais réussi ton coup, t’avais gagné.
  Serge : Oui, j’avais gagné, oui. J’avais gagné… Ben après, je suis rentré, je me suis déshabillé pour me coucher, et y avait un reflet de lune sur le mur, et en le regardant, je me suis dit un truc bizarre, un truc idiot. Je sais pas. Je ressentais un… Une espèce d’harmonie, de… De facilité. J’ai eu l’impression de… Comme de tenir une théorie nouvelle. Je l’avais là à portée de main, sur le bout de la langue. Elle était là devant moi. Et en moi aussi. C’était comme… Comme une lumière de plus en plus forte, aveuglante et… Je me suis réveillé ici.
  Solveig : [Elle s’est mise à avoir les larmes aux yeux pendant que Serge parlait.] Ce que ça peut être moche ici.
  Serge : C’est pas fait pour être joli.
  Solveig : Oui, mais ça pourrait être moins moche.
  Serge : C’est comme tout.
  Solveig : [Elle l’embrasse et s’éloigne de plus en plus proche des larmes.]

Les connaisseurs de l’ennéagramme ne peuvent que sourire en entendant un 5 Conservation (“Château fort”) vouloir “verser de l’huile bouillante sur la tête” de quelqu’un dont l’intrusion le force à vivre de perturbantes émotions. Quand un 5 ne peut pas s’isoler physiquement ou psychologiquement, il peut défendre agressivement son intimité. Tina, Maya et Nora l’apprennent à leurs dépens lors de la fête de l’anniversaire. Serge s’est plié de mauvais gré à cette contrainte familiale mais quand ses filles veulent le forcer à faire un speech, c’est est trop. Il dit alors directement ce qu’il pense :

  Maya : Allez, papa, un discours.
  Serge : Non, non.
  Nora : Allez, obligé.
  Serge : À partir de 60 ans, on devrait plus rien fêter. On devrait juste se cacher dans un coin et se taire, surtout si comme moi, on a tout, mais alors absolument tout, raté dans sa vie.
  Tina : Ah ben, merci pour nous.
  Serge : Bon Tina, tu as cru bon de m’offrir ce machin…
  Tina : Ah ben, merci pour le machin.
  Serge : Sans doute parce que tu te soucies de ma santé, alors que tu devrais t’en foutre, mais bon… Nora, cette écharpe, elle est très belle et certainement très coûteuse, mais tu m’en as déjà offert une il y a deux ans.
  Nora : Trois.
  Serge : Et je dois dire que je l’aimais davantage, ou je m’y suis habitué, mais en tout cas, je la porterai jusqu’à ce qu’elle soit bouffée aux mites. Et puis entre-temps, tu m’en auras offert une ou deux. [Maya rit nerveusement.] Non mais Maya, toi, ton livre, je le lirai pas parce que j’ai eu mille fois l’occasion de te dire que je n’aime pas cet auteur. Je… Mais tu écoutes rien. Ou pas grand-chose. En tout cas pas moi. C’est normal, hein, c’est naturel. Pourquoi écouter ses parents ? Surtout si comme moi, etc. etc. Bon… Qui est-ce qui veut de cet excellent gâteau très sucré ?
  Tina : T’es vraiment un con.
  Nora : Tina !
  Tina : Non. T’es vraiment un con. Un con et un salaud. Un sale con.
  Nora : Tina, c’est bon.
  Tina : Non ! Ça fait des semaines que je te répète que je compte t’offrir ce machin. C’est parce que je me soucie de ta santé en effet, mais pourquoi tu dis pas que ça t’intéresse pas. [Elle ravale son envie de pleurer.] Si tu préfères crever avec tes deux paquets par jour, ben… Voilà, pour le plaisir de m’humilier devant tes filles et d’humilier tes filles devant moi.
  Maya : Mais on se sent pas du tout…
  Tina : Tu t’en fous, c’est ça ? Tu t’en fous qu’on pense à toi, qu’on se décarcasse pour toi, qu’on t’aime. [Serge essaye de poser la main sur son bras, et elle se dégage vivement.] Tu veux crever ? Crève ! Bon moi j’ai… J’ai des copies à corriger. [Elle quitte la pièce.]
  Serge : Tina…
  Maya : [Elle soupire] Bon…
  Nora : Rappelle Tina.
  Serge : Ouais.
  Nora : Quoi “ouais” ? [Elle lui tend son téléphone.] Fais-le, merde !
  Serge : Ouais, je vais le faire.
  Nora : Mais rappelle-la maintenant. Et excuse-toi. Platement. [Serge hoche la tête.] C’est ton état normal, ça ? C’est pas une petite dépression ?
  Serge : Oui, c’est mon état tout ce qu’il y a de plus normal. Je vais bien. Bon, et toi, ton boulot ?
  Nora : Oui, ben quoi ?
  Serge : Ben je sais pas, t’as un nouveau boulot ? Est-ce que ça te plaît ? C’est où, c’est quoi d’ailleurs ?
  Maya : [Elle se lève pour débarrasser la table.] Depuis quand tu t’intéresses à ce qu’on fait ? On te dit d’appeler Tina. Fais pas de diversion, appelle.
  Serge : [Il s’exécute.]

Le meilleur moyen de ne pas vivre d’émotions au contact des gens, c’est bien sûr de ne pas ou plus les fréquenter :

  Nora : [Elle rentre avec Maya dans la chambre d’hôpital et lui prend la main.] Tu nous as fait une peur.
  Serge : [Il retire sa main.] Maya, tu peux sortir, s’il te plaît ? [Il se redresse sur son lit.]
  Nora : Tu dois pas te fatiguer.
  Serge : Ben justement, inutile de t’asseoir. Ta sœur… Elle est brouillonne mais… affectueuse. Et c’est une artiste. Mauvaise, mais… Elle peut s’améliorer.
  Nora : Pas si mauvaise.
  Serge : Laisse-moi parler ! De vous deux, c’est elle qui a du cœur. J’espérais avec tes qualités intellectuelles que tu aurais d’autres ambitions dans la vie que faire du fric dans une boîte de finance. Tu m’as déçu sur ce point. Comme sur tous les autres au fond. Que t’aies pas osé en parler, je comprends très bien. Et c’est pas seulement la force morale qui te manque, c’est qu’il y a quelque chose en toi de profondément médiocre. Au fond, t’es pas si intelligente. D’ailleurs l’intelligence… Je connais des tas de gens réputés très intelligents qui, à force de tourner le dos à la vie, ont fini dans l’imbécillité la plus crasse. T’inquiète pas. Je vais pas te demander de le quitter, ce job dont tu es si fière. Je vais pas te mettre au chômage. Je préfère… ne plus te voir.
  Nora : C’est de toi que tu parles. C’est toi qui as tourné le dos à la vie. [Elle prend ses affaires et se dirige vers la porte de la chambre.] Moi, je suis vivante. Et je t’emmerde.

L’avarice de soi est évidente chez Serge, mais quand un 5 est très désintégré, sa passion peut aussi s’exercer sur l’argent. Au repas d’anniversaire, Serge parle à Nora d’une écharpe qu’elle lui a offert trois ans auparavant : “En tout cas, je la porterai jusqu’à ce qu’elle soit bouffée aux mites” Solveig fait aussi allusion à ce trait de caractère :

  Solveig : Qu’est-ce que c’est ce bruit ?
  Serge : Non, c’est des… C’est des ouvriers polonais qui refont l’appartement voisin.
  Solveig : Ils devraient bien refaire le tien.
  Serge : Ouais mais j’ai pas les moyens.
  Solveig : [Elle hoche la tête.] Bien sûr.
  Serge : Quoi, bien sûr ?
  Solveig : Bien sûr, t’as pas les moyens.

Serge pratique à l’occasion un humour mental sarcastique : “Qui est-ce qui veut de cet excellent gâteau très sucré ?”

Il manifeste aussi sa supériorité mentale. “Il avait pour moi un profond… Mépris.”, raconte Arnaud. Quand Solveig lui demande quelles sont ses activités, il lui explique très sommairement ce que sont les chaînes de Markov — la forme minimale de la confidence ! — et commente aussitôt : “Tu vois rien du tout mais c’est pas grave.”

Comme les trois autres membres de l’ancienne génération et contrairement à Xavier et Nora, Serge ne profite pas de la crise que décrit le film pour s’intégrer. Rentrant de l’hôpital, il téléphone à Tina : “Oui, Tina, c’est moi. Je viens de rentrer. Ben, euh, rappelle-moi si tu veux. J’ai rien à te dire de spécial, juste ça.” Maya donne ainsi de ses nouvelles à Nora :

  Maya : Je suis passé voir papa hier. Je lui ai apporté du jambon.
  Nora : Il va bien ?
  Maya : Comme d’hab.

Identification avancée : Serge est un 5 μ à ailes 4 et 6, manifestant essentiellement les instincts de conservation (“Château-fort”) et social (“Jargon”).

Tout de suite maintenant : Maya SatorMaya Sator (Julia Faure) : 2

Une certitude à propos de Maya est son sous-type sexuel. Même quand ce n’est pas le sujet, son vocabulaire tourne autour de ce thème : “Ma sœur, je l’adore, et même si c’est une pute, personne a le droit de dire du mal d’elle, sauf moi.” Quand Nora lui montre l’invitation au restaurant, ou plutôt la convocation, qu’elle a reçue d’Arnaud et qu’elle s’inquiète de sa signification, la situation ne trouble pas Maya :

  Nora : J’ai reçu ça.
  Maya : C’est ton patron ? [Nora hoche la tête affirmativement.] Il t’invite à dîner un dimanche ? Chelou.
  Nora : Il y a pas de dimanche dans ce job. En tout cas, j’peux pas refuser.
  Maya : Mais refuser quoi ? Fais-toi sauter.
  Nora : [Elle lui jette un coussin à la tête.] Mais t’es conne ou quoi ? Pourquoi tu dis des trucs comme ça ?

Ce point étant établi, Maya ne peut être qu’une 2 en séduction agressive comme le montre à l’évidence la scène ou Xavier vient la voir au bar où elle travaille :

  Xavier : Vous chantez pas ce soir ?
  Maya : Vous posez toujours les bonnes questions, vous. Elle est pas là, ma sœur. Vous êtes tout seul ?
  Xavier : Me parlez pas de votre sœur.
  Maya : Attention ma sœur, je l’adore, et même si c’est une pute, personne a le droit de dire du mal d’elle, sauf moi. Vous avez bien compris ?
  Xavier : Vous avez raison, c’est une pute.
  Maya : Et alors ? Vous aussi, vous êtes une pute pour faire le métier que vous faites.
  Xavier : Je suis d’accord.
  Maya : Des esclaves, voilà ce que vous êtes. Et les esclaves, c’est sexuel. Y en a que ça excite.
  Xavier : Qui ça ?
  Maya : Moi par exemple. Je finis dans une heure, si ça vous va. Je vais être claire, je couche jamais le premier soir.
  Xavier : Ça me va.
  Maya : Mais je suce de ouf.
  Xavier : [Il finit son verre.] Je pourrais en avoir un autre. [Il cherche de l’argent pour régler ses consommations.]
  Maya : Qu’est-ce que vous faites ?
  Xavier : Ah au fait, j’avais oublié. J’ai un train à prendre demain, je dois me lever tôt.
  Maya : Vous voulez me vexer, c’est ça ?
  Xavier : Non, juste payer. [Il lui tend de l’argent.]
  Maya : [Elle prend l’argent, furieuse.] 40 euros. [Elle lui ramène sa monnaie.] Je vous ai fait peur ?
  Xavier : C’est pas vous.
  Maya : J’ai dit une connerie. C’était de l’humour. Vous ne comprenez pas l’humour ?
  Xavier : Je vous dis que c’est pas vous. C’est moi, c’est la fatigue et, c’est vrai, je me lève tôt.
  Maya : C’est vrai ?
  Xavier : Je vous jure.
  Maya : [Elle lui sert un verre.] Le dernier, c’est pour moi.
  Xavier : Non, j’en veux pas, je suis déjà cuit.
  Maya : Le coup de l’étrier, ça s’appelle.
  Xavier : [Il boit le verre d’un trait.] Salut. [Il sort.]
  Maya : [Elle demande à un collègue.] Tu me remplaces ? [Elle enfile un manteau et court après Xavier dans la rue.] Xavier. [Elle l’embrasse.] Just one kiss for the road.
  Xavier : [Il sourit. Ils s’embrassent de nouveau.] Moi non plus, jamais le premier soir.
  Maya : Alors y en aura un autre ? So there will be another one. [Xavier ne répond pas et lui touche la lèvre.]

Dans ses rares autres scènes, elle manifeste des émotions fortes. Elle a le trac quand elle doit chanter et exprime son inquiétude de manière un peu excessive : “On n’est pas prêt, je suis pas prête. Je vais me chier dessus. [Nora rit.] Non mais c’est vrai, ça m’est déjà arrivé. Je vais me chier dessus.”). Quand elle se rend avec Nora et Tina chez son père qui ne répond plus au téléphone et que les pompiers ouvrent la porte, il faut que Nora la tire à l’intérieur de l’appartement parce qu’elle n’ose pas rentrer : “Je peux pas.”

C’est Maya qui arrange la réconciliation de Nora et de Xavier et elle prend soin, avant de les faire se rencontrer, de lui signaler qu’elle est entrée dans une nouvelle relation et n’a donc plus de vue sur Xavier :

  Maya : Je vais quand même te dire. Tu te souviens, le beau mec, le Polonais qui travaillait à côté. Il est peintre, artiste peintre. Wladec.
  Nora : C’est bien ce qu’il fait ?
  Maya : [Elle hausse les épaules.] C’est de l’abstrait géométrique. C’est pas trop mon truc. Mais bon, je suis tombé folle de lui. Je l’adore.
  Nora : Super.

Identification avancée : Maya est un 2 α à de sous-type sexuel (“Séduction agressive”).

Tout de suite maintenant : Prévôt-ParédèsPrévôt-Parédès (Pascal Geggory) : 6

Prévôt-Parédès a créé AB Finances avec Arnaud Barsac, son ancien condisciple de Centrale. Peu à peu, Arnaud l’a éliminé de la direction effective de l’entreprise au point qu’il consacre la plus grande partie de son temps à faire semblant d’être informé de ce qui s’y passe afin de sauver la face. Par exemple, quand Zeligmann est limogé au cours d’une réunion, il prétend contre toute vraisemblance être au courant :

  Prévôt-Parédès : Ah vous attendez Zeligmann ? Je le cherche aussi.
  Nora : Monsieur Zeligmann n’est plus là. Il est passé au marketing.
  Prévôt-Parédès : Ah oui, évidemment. On en parlait depuis un certain temps, c’est vrai. Ben voilà, c’est chose faite. C’est bien. Vous étiez à la visioconférence ? Moi, j’étais en rendez-vous à l’extérieur.
  Nora : En quoi puis-je vous aider ?
  Prévôt-Parédès : Mais j’ai pas besoin d’aide. Arnaud me mettra au courant, évidemment.
  Nora : Il est à côté.
  Prévôt-Parédès : Mais vous croyez que je le sais pas ?

Prévôt-Parédès en est même réduit à faire semblant d’être au téléphone avec Arnaud quand il reçoit Nora à son arrivée dans AB Phi : “Bien sûr, Arnaud, je vais la mettre au courant. Mais, non, ça ne me pose aucun problème. Je suis là pour ça, tu le sais bien. [Il fait signe à Nora de s’asseoir.] Allez on se retrouve ce soir. Même heure, même endroit. [Il pose son portable.] Je parlais justement de vous avec Arnaud. [Il se met à jouer avec la balle de revolver qui servira à sa tentative de suicide.] Nous avons créé cette boîte ensemble. C’est un peu comme notre bébé pour ainsi dire.”

Dès cette première apparition, Prévôt-Parédès affiche sa double loyauté.

L’une est vis-à-vis de l’entreprise, le “bébé” dont il est si content : “Là, ce sont nos tombstones. Un joli tableau de chasse, hein ? Nous pouvons être fiers”, dit-il à Nora en lui montrant le panneau derrière lui où sont affichés comme des trophées les noms des entreprises pour lesquelles AB Phi est intervenue.

La deuxième loyauté est vis-à-vis d’Arnaud et elle subsiste malgré ce que son arrivisme cynique lui a fait subir et en dépit de la peur que cela génère en lui :

  Prévôt-Parédès : […] Vous avez entendu parler du banian ?
  Nora : Non.
  Prévôt-Parédès : Vous n’êtes jamais allé en Inde ou au Cambodge ? [Nora secoue la tête négativement.] Parce que le banian, bon, c’est un arbre. [Il enlève ses lunettes.] Un arbre, heu… [Il se frotte les yeux.] effrayant.

L’affaire de la vente Méchain met ces deux loyautés en conflit : Arnaud met AB Phi en danger en essayant de conclure une affaire qui met l’entreprise en conflit d’intérêts. Dans un premier temps, Prévôt-Parédès essaye de résoudre le problème en convainquant Arnaud :

  Prévôt-Parédès : [Il est au téléphone, dans son bureau, dossiers en main.] Je te rappelle qu’on n’est plus majoritaires. On est tenus par les couilles. On est révocable ad nutum. Écoute. On se connaît depuis 40 ans. Je n’ai peut-être qu’une seule qualité, hein. Je ne suis pas ton meilleur ami, je suis ton seul ami. Tu peux encore annuler la vente Méchain. Tu m’entends ? Tu saisis ce que je te dis ? Allô ?
  Arnaud : [Il est entré pendant les derniers mots de Prévôt-Parédès.] T’es en train de parler tout seul. Ça fait dix minutes que j’ai raccroché. Tu te rends compte que tu fais ça de plus en plus souvent ? Alors comme ça, tu souhaites que j’annule la vente Méchain ?
  Prévôt-Parédès : Non, ah non non, je souhaite pas. Non, je te le demande. Tu risques notre boîte, tu risques notre peau, et tu m’as pas consulté.
  Arnaud : Si je t’avais consulté à chaque fois qu’il y avait un risque à prendre… On est là [geste de la main en haut], on serait là [geste de la main en bas]. On aurait disparu. Moi, je suis joueur, alors je joue. Le risque, le risque est ridicule.
  Prévôt-Parédès : Sauf si…
  Arnaud : Sauf si ?
  Prévôt-Parédès : Sauf si Van Stratten est informé.
  Arnaud : Par qui ? Par toi ?
  Prévôt-Parédès : Je ne t’ai jamais trahi.
  Arnaud : [Ironique.] Tu parles du boulot, je suppose ? [Il soupire.] Revends tes parts.
  Prévôt-Parédès : Pardon ?
  Arnaud : Tu m’as très bien entendu. Revends tes parts. Tu m’ennuies. Non tu m’ennuies pas, tu me fais chier. Tu me sers plus à rien. Alors revends tes parts et disparais !
  Prévôt-Parédès : Je pensais pas que tu me dirais ça un jour. [Il prend son manteau et quitte la pièce.]

À ce moment-là, se produit une réaction typique du 6 : Arnaud a franchi la ligne rouge, et Prévôt-Parédès rentre en opposition. Le danger que représente Arnaud pour la vie du “bébé” doit être circonscrit à tout prix. Prévôt-Parédès n’a pas le courage d’aller plus loin de manière directe et il n’a donc plus comme solution que de mettre Nora sur la piste :

  Prévôt-Parédès : Félicitations pour votre beau résultat.
  Nora : Merci.
  Prévôt-Parédès : Vous avez eu le temps d’éplucher la liste des contrats passés avec les Méchain ces cinq dernières années ?
  Nora : Je l’ai fait, oui.
  Prévôt-Parédès : Vous l’avez consultée attentivement ?
  Nora : Oui, mais enfin y en a un paquet.
  Prévôt-Parédès : Donc vous avez regardé en détail l’ensemble de ces sociétés, notamment de conseil et de stratégie. Et est-ce que vous avez scruté à la loupe la liste des actionnaires ?
  Nora : À la loupe, non. Ça ne m’a pas paru nécessaire à ce stade. Pourquoi ?
  Prévôt-Parédès : Ah ! Ben, je… Comme ça. Bon, ben, c’est tout. Merci.

Ce reniement de ses valeurs les plus fortes est toutefois plus qu’il ne peut supporter. La seule issue est le suicide. On notera que comme à son habitude (“J’ai toujours raison, même si ça me procure aucune tranquillité.”), Prévôt-Parédès doute ou a peur, et joue à la roulette russe plutôt que de passer résolument à l’acte.

Identification avancée : Prévôt-Parédès est un 6 α à aile 5.

Tout de suite maintenant : SolveigSolveig (Isabelle Huppert) : ?

Non seulement Solveig a abandonné l’homme qu’elle aimait mais en plus elle a détruit sa vie : “Figurez-vous qu’autrefois j’ai été assez conne pour tomber amoureuse de deux hommes qui étaient exactement le contraire l’un de l’autre et parce que le premier m’écrivait des poèmes, je suis partie avec l’autre. Mais c’est le premier que j’aimais. […] C’étaient de très très mauvais poèmes avec des métaphores maritimes grotesques, un peu dans le style de Saint John Perse. C’est pas une excuse, ça. […] Et moi j’ai montré ça à ce monsieur qui est maintenant mon mari et je savais ce qu’il allait faire. Et il l’a fait. […] Des photocopies et il les a distribuées. Après, cet homme que j’aimais, tout le monde l’appelait Étalingure, il est devenu Étalingure et ça l’a foutu en l’air. C’est drôle, non ? […] C’était pas si grave, merde, c’était pas un crime. Il était pas obligé de le prendre comme ça. J’ai trahi sa confiance, voilà. C’est con, mais ça se surmonte. Un jour ou l’autre, il faut devenir adulte, il faut grandir, il faut passer à autre chose.”

Même si elle essaye ainsi de se justifier, elle est envahie par une haine de soi qu’elle essaye de noyer dans l’alcool. “Je suis froide. Je suis morte”, dit-elle à Ezilie, sa femme de ménage, avant d’enchaîner quelques instants après :

  Solveig : Ezilie ne viendra pas lundi.
  Arnaud : Ah bon, pourquoi ?
  Solveig : Parce que je la rends malade.
  Arnaud : Toi ? Et pourquoi ?
  Solveig : Parce qu’elle me trouve globalement dégueulasse. Un gros tas de merde qui pue.
  Arnaud : C’est très exagéré.
  Solveig : J’aime quand tu me fais la cour.

Il est alors tentant de voir en Solveig un ennéatype 4, d’autant que les sous-types de ce profil sont visibles et qu’elle manifeste de nombreux traits d’une personnalité limite, le trouble psychiatrique attribué à ce profil dans les phases ultimes de la désintégration. On peut aussi voir dans ses tenues, la décoration de sa maison ou ses préoccupations un certain sens du beau :

  Solveig : Je suis une négativité sans emploi, comme dirait l’autre.
  Nora : Quel autre ?
  Solveig : Hegel. Vous avez pas lu Hegel ? Ah ben, c’est bien joli le calcul, les maths, la finance, mais si on se frotte pas aussi un peu à la philosophie, la littérature et la poésie, on devient vite heu…

Pourtant plusieurs anomalies ne permettent pas de lui attribuer ce profil avec certitude. D’abord la compulsion n’est pas visible malgré le niveau de désintégration. Ensuite Solveig manifeste une forme de suspicion mentale avec Ezilie :

  Solveig : Ezilie vous a pas fait de compliment, j’espère ?
  Nora : Elle m’a dit que j’étais jolie.
  Solveig : Ah merde. Ezilie !
  Ezilie : Oui Solveig.
  Solveig : [Elle s’adresse à Nora.] Dites-lui qu’elle est ravissante.
  Ezilie : [Elle rentre dans la pièce.] Madame ?
  Solveig : Mademoiselle a quelque chose à vous dire. [Elle se tourne vers Nora.] Dites-lui.
  Nora : Euh, vous êtes ravissante. [Ezilie retourne dans la cuisine sans dire un mot.]
  Solveig : Voilà, vous êtes clean.

À la fin du film, elle lui dit : “Arrêtez de me jeter des sorts. C’est à cause de vous tout ça.” Il serait alors possible d’envisager l’ennéatype 6 mais ni l’orientation ni la passion ne sont exprimées. Des moments de déni ou des épisodes qui pourraient être interprétés comme un évitement de la faiblesse, comme le rejet cruel de celui qui lui envoie des poèmes ou lorsqu’elle quitte Serge sans un mot à l’hôpital alors qu’elle a les larmes aux yeux, peuvent même faire songer au 8 mais ni la fixation ni les sous-types ne sont perceptibles.

Enfin, comme bien souvent, Isabelle Huppert, qui vraisemblablement préfère le centre mental, a un jeu assez distancié avec des émotions très contenues. Cela peut introduire une dissonance entre l’acteur et le personnage, d’autant que Pascal Bonitzer a déclaré dans une interview à propos de ce film : “Je ne dirige pas les acteurs, une fois que je les ai choisis et en fonction du texte. Ce sont des films très écrits. Le texte impose quelque chose, il impose une musique, il impose une diction. Comme je travaille, j’ai la chance de travailler avec de très très bons comédiens, voire de très grands comédiens — et là ça a pas fait exception évidemment, j’ai travaillé avec Isabelle Huppert, c’est formidable, et en plus c’est pas le rôle principal —, je ne suis pas très directif dans la direction.”

Autres

D’autres personnages peuvent être identifiés sur l’Ennéagramme :

Van Stratten (joué par Yannick Renier), est un 8. Il commande ses subordonnés au doigt et à l’œil, au sens propre du terme. À la fin du film, quand Nora révèle le conflit d’intérêts, il préfère affirmer qu’il était au courant (“Sérieusement, vous pensez que vous m’apprenez quelque chose ?”) plutôt que de se retrouver en position de faiblesse : “Il a bluffé pour ne pas perdre la face. Il ne savait rien, rien du tout”, confirme Arnaud. Évidemment, Van Stratten doit se venger immédiatement. “Vous vous donnez un peu trop d’importance”, assène-t-il à Nora. Quant à Arnaud, il lui annonce sa volonté de le détruire : “Entre nous, les yeux dans les yeux, tu m’as pris pour un abruti ? […] Ta petite tentative de dissimulation, ça passe pas. Je te retire ma confiance et je le ferai savoir. Les tweets sont faits pour ça. […] Autre chose, ta com’, tu peux t’asseoir dessus. Je suis poli parce qu’il y a des dames.”

Zeligmann (joué par Virgil Vernier), est un 9, très certainement de variante alpha. Il est “futé” et a la confiance de Prévôt-Parédès et, au moins au début du film, celle d’Arnaud (“Je crois toujours Zeligmann. Enfin presque toujours.”). Quand il se trompe à propos de l’affaire Méchain et qu’il est limogé et renvoyé au troisième étage pour s’occuper du marketing de l’offre, il n’a aucune réaction. Il n’en veut pas à Nora qui a pris sa place et la félicite même de la réussite de l’affaire : “Bravo. Vous aviez raison et j’avais tort.” Sans rancune et pragmatique, il semble n’avoir aucun problème à travailler avec elle après la chute d’Arnaud et à reconnaître ses qualités. Effet peut-être du mécanisme de fusion, il sait trouver les mots pour la convaincre : “Réfléchir, c’est pour les faibles. À ta place, je réfléchirais pas.” Dans l’ambiance stressante et violente d’AB Phi, Zeligmann narcotise. “Il est un peu bouffi, non ? Il boit trop, il mange trop”, révèle Arnaud à Nora, avant de lui dire en réunion : “S’il te plaît, mets-toi un peu l’eau.”

Retour à la
description du film