Nu et dépouillé (1e partie)
De la fixation à la liberté
Lissa Friedman, PhD (Traduction par Thérèse Lardeux)
Cet article est consacré à la façon dont la fixation de chaque type de l'Ennéagramme se met en place, et comment l'environnement nourricier de la toute petite enfance affecte son développement et le chemin vers la liberté.
La première partie de cet article décrit l'origine de la fixation ainsi que l'environnement nourricier. La deuxième partie présente la façon dont chacune des neuf fixations déforme la perception et influence la vie.
Il y a trois phases dans la perception : la perception initiale déformée, l'illusion personnelle et la réaction à l'illusion. Les schémas comportementaux se développent en tant que mécanisme de compensation.
Chaque fixation est le germe de son essence. Il n'y a pas de problème avec le germe lui-même, ce n'est tout simplement pas l'entière Vérité. En acceptant la fixation, nous prenons conscience des perceptions et des croyances déformées, sans jugement, ce qui permet d'atténuer les distorsions. Nous commençons à faire face à la vie nus et dépouillés, sans tous les accoutrements de la fixation et notre essence véritable se révèle.
En se débarrassant des perceptions et des croyances déformées et en faisant face à la vie dépouillé de tous les accoutrements de la fixation, l'essence est révélée. La troisième partie de l'article explique pour chaque fixation quel est le chemin vers la liberté ou vers l'essence.
1. Inné ou acquis
Il y a principalement deux points de vue sur la façon dont la fixation est formée. Le premier est que nous sommes nés avec ce pli, cette tendance ou cette tache aveugle particulière. L'autre point de vue est que quelque chose arrive pendant l'enfance et que notre fixation s'élabore alors d'une certaine façon. Je souscris au premier point de vue.
Les travaux d'Almaas confirment aussi ce point de vue. Jaxon Bear (dans ses cassettes audio sur L'Ennéagramme de la libération) se réfère à une étude sur les jumeaux dans laquelle on a trouvé que les vrais jumeaux séparés à la naissance ont la même fixation, alors que les faux jumeaux, qu'ils soient séparés ou non, ont des fixations différentes.
Vous pouvez remarquer cela vous-mêmes en observant des enfants très jeunes ou nouveaux nés ; ils ont déjà des dispositions spécifiques. De la même façon, demandez à des membres adultes d'une même fratrie de décrire ce qui les a le plus affectés durant leur enfance. L'un parlera du père, l'autre de la mère, et un autre peut-être de l'environnement émotionnel général. Il semblera qu'ils viennent de familles différentes.
De ce point de vue, la fixation est déjà présente dans le fœtus et est codée dans l'ADN. Nous sommes nés avec une tache aveugle ou une tendance à la distorsion spécifique. Nous percevons notre environnement initial au travers du filtre de cette distorsion. Plus tard, des événements et des situations semblent confirmer et développer cette mauvaise perception. Il semblerait qu'il y a un moment dans l'enfance où la fixation apparaît. Habituellement, ces événements décisifs arrivent quand vous êtes suffisamment mature pour reconnaître et conceptualiser quelque chose comme mauvais. Cependant, même lors des périodes préverbales du développement, la fixation existe.
Selon ce point de vue, nous sommes nés avec une fixation spécifique qui influence la façon dont nous percevons notre environnement. Ceci, combiné avec la qualité de notre environnement nourricier, explique le niveau de fonctionnement à l'intérieur de la fixation.
Environnement nourricier
L'environnement nourricier inclut les parents, la fratrie, le foyer lui-même, la sécurité financière, la famille étendue, les voisins, l'école, la communauté. Pour que l'environnement nourricier nous fournisse tout ce dont nous avons besoin pour grandir, rester ouverts et s'épanouir, il doit répondre à nos besoins de façon satisfaisante. Nos parents doivent s'ajuster à nos besoins particuliers concernant la nourriture, l'affection, la chaleur, le calme ou le bruit, la stimulation, etc. L'harmonie devrait régner dans la maison ainsi qu'une atmosphère de sécurité. En plus de tout cela, l'environnement nourricier devrait aussi nous préparer à ce qui pourrait arriver à l'école ou dans le monde en général.
Inutile de dire qu'il y aura un manque quelque part. Nos parents ne peuvent que manquer quelque chose. Même si nos parents sont tous les deux éveillés et libérés, il est toujours possible qu'ils négligent ou se méprennent sur nos besoins spécifiques. Dans la plupart des cas, les parents sont endormis et se débattent encore avec leur propre identité égotique ou leur fixation. Quand les parents réagissent avec un comportement issu de leur fixation, il y aura un manquement dans le processus d'éducation. Il y aura une distorsion de leur perception et leur comportement sera influencé par cette distorsion. Il y aura soit trop peu, soit trop de quelque chose, trop ou trop peu d'attention, trop ou trop peu de stimulation, trop ou trop peu d'émotion, etc.
On fera référence à ce manquement premier comme étant l'environnement nourricier inadéquat. Cette inadéquation est un fait ! Nous avons tous été élevés avec quelques manques, et nos enfants ont été élevés avec quelques manques. C'est la condition humaine. Bien sûr, il y a des environnements nourriciers plus ou moins sains, et le niveau de fonctionnement affectera les enfants.
Étant nés avec une tache aveugle particulière, ou fixation, nous avons déjà une façon déformée de percevoir. Nous commençons à vivre en percevant l'environnement nourricier à travers le voile de la distorsion. Certes, il y a quelque chose qui ne va pas ; nos parents aussi ont des distorsions, mais notre perception de ce qui ne va pas provient de la fixation. Avoir une fixation nous fait nous sentir séparés et déconnectés.
Cette séparation est alors vue au travers du filtre de notre fixation. Il y a une distorsion initiale de la perception. Il y a une réaction à cette distorsion, et puis une compensation pour soulager la souffrance.
Par exemple, la tendance de la fixation des 9 est d'essayer de se rendre insensibles aux inconvénients de la vie. Ils sont nés avec la distorsion de se sentir inférieurs. Depuis la naissance, ils perçoivent l'environnement comme n'étant pas aimant. La réaction à ceci est : "Je suis inférieur." Ceci est trop douloureux à savoir ; aussi compensent-ils en s'endormant, en s'anesthésiant.
2. La perception de l'environnement nourricier par la fixation
Fixation de l'ennéatype 1
La première prise de conscience des 1 de l'inadéquation dans laquelle ils sont nés est : "Il y a quelque chose qui ne va pas." Cette perception va alors colorer toutes les expériences de la vie. Cette vision de la vie des 1 va les conduire à tenter continuellement de prouver qu'il y a quelque chose qui ne va pas.
Cette perception passe alors par le filtre supplémentaire de la distorsion de la fixation, et une illusion personnelle se forme. Pour les 1, l'illusion personnelle est : "Il y a quelque chose qui ne va pas avec moi, je suis défectueux." Pour cette fixation, l'illusion est en même temps internalisée et externalisée.
Après la perception initiale qu'il y a quelque chose qui ne va pas et l'illusion personnelle d'être défectueux, le 1 a une réaction. La réaction est d'éprouver du ressentiment et d'être en colère. Cette colère reste à l'intérieur car ce ne serait pas parfait (ce serait défectueux) d'être en colère, mais cela donne un goût à leur expérience et les fait rejeter et dire non à la vie. Ils qualifient sans cesse la vie avec des expressions comme "Nous verrons…, Pour l'instant…, Cela ne durera pas…, On ne sait jamais, etc." C'est une façon de rejeter et d'écarter les choses.
Compensation
Le sentiment d'être défectueux est trop lourd à porter. Aussi les 1 trouvent-ils une compensation. La méthode de compensation des 1 est d'essayer de trouver leurs défauts et de les corriger. La compensation a pour effet de confirmer la distorsion originelle à savoir qu'il y a quelque chose qui ne va pas et qu'il y a quelque chose qui cloche chez lui.
Le fonctionnement courant de la fixation des 1 est centré sur l'amélioration de soi. Ils sont toujours en train de s'observer pour trouver ce qui ne va pas. Cette observation s'étend à l'environnement, et ils commencent à remarquer les défauts dans l'environnement et chez les autres. Le mode de fonctionnement courant des 1 est de considérer qu'ils aident les autres. Comme ils sont à la recherche de ce qui ne va pas chez eux, ils pensent que les autres aimeraient avoir aussi ce feedback. Ce n'est habituellement pas le cas. Le plus souvent, les gens trouvent que les 1 sont critiques, donneurs de leçon et difficiles à satisfaire. Ce que les 1 recherchent est en fait déjà présent chez eux. Ils cherchent inconsciemment leur essence qui est clarté immaculée, ou pureté. C'est la perfection et cela inclut tout ce qui est, même ce qui semble défectueux.
Jerry, un homme avec la fixation 1, a grandi dans une famille avec deux sœurs plus âgées et un frère aîné. Il se rappelle avoir été trop durement puni pour ses erreurs pendant son enfance ; il se rappelle aussi avoir essayé d'être un bon gosse. Quand il était effectivement puni, il savait que c'était parce qu'il y avait quelque chose qui n'allait pas chez lui. Il n'a jamais eu l'impression que ses parents pouvaient agir de façon inappropriée. Il se sentait plus proche de son père, même si celui-ci était et est un alcoolique. Jerry expliquait qu'il était dans l'ensemble un "bon garçon", et qu'il recevait de l'amour, de l'affection et un sentiment d'être spécial. En tant qu'adulte, il a tendance à être critique envers les autres, mais surtout envers lui-même, ayant le sentiment qu'il n'est pas suffisamment bon. Il se sent inadéquat avec son intellect, même si les gens qui le connaissent considèrent qu'il est très brillant.
Sara, la sœur de Jerry (qui a la fixation 2 et est l'aînée), était et est celle de la famille qui cherche le plus à faire plaisir. Elle avait de bonnes relations avec ses deux parents, mais elle était plus proche de son père. En tant qu'aînée, elle a reçu suffisamment d'attention et était bien traitée. Elle a obtenu plus que ses frères et sa sœur qui pensent qu'elle a obtenu plus parce qu'elle cherche à faire plaisir.
La deuxième fille, Gloria (probablement avec une fixation 4), a un point de vue entièrement différent de l'expérience familiale. Elle éprouvait du ressentiment à être négligée et à ne pas être reconnue pour ses accomplissements. Elle est la rebelle, celle qui s'épanouit à être différente et excentrique. Sa perception est qu'elle n'était jamais assez bonne pour sa mère, et elle a un grand ressentiment envers elle. Elle est moins critique vis-à-vis de son père. Adulte, elle a un style de vie libéré et est la mère célibataire martyre.
Gary est le garçon le plus âgé, probablement avec une fixation 1. Il sentait qu'il n'était pas suffisamment bon et qu'il n'arriverait jamais à satisfaire les espérances de sa mère. En tant qu'adulte, il est le plus distant dans sa communication avec sa famille. Il est souvent en colère et critique. Il est aussi moins critique vis-à-vis de son père.
Fixation de l'ennéatype 2
La première prise de conscience des 2 de l'inadéquation dans laquelle ils sont nés est : "Mes besoins ne seront jamais satisfaits." Cette perception initiale sera leur filtre pour la vie jusqu'à ce que le nœud de la fixation se dénoue. À cause de cette perception, les réactions et comportements du 2 vont constamment recréer cela au cours de son existence.
Cette perception passe alors par le filtre supplémentaire de la distorsion de la fixation, et une illusion personnelle se forme. Pour les 2, l'illusion personnelle est : "Je n'ai pas de besoins." C'est un mouvement naturel vers la survie : puisque vos besoins ne seront jamais satisfaits, pourquoi se soucier d'en avoir ? Sous-jacent, il y a une peur plus profonde et une illusion : "Je ne serai pas capable de prendre soin de moi."
Ceci reflète la peur ultime des 2 qu'il n'y a pas d'intelligence divine qui sous-tend l'existence, que c'est à chaque individu de faire face et qu'ils ne sont pas armés pour la tâche. Ils font partie de ces bébés qui ne pleurent pas et dont les parents pensent qu'ils sont si mignons. Après tout, les parents ont plein d'autres sollicitations, un enfant qui pleure est la dernière des choses qu'ils veulent.
Après cette perception initiale, la réaction est d'essayer de manipuler l'environnement. Il y a un sentiment inconscient que personne ne prendra soin d'eux et qu'ils ne peuvent pas le faire eux-mêmes. Afin de survivre, ils trouvent des moyens de manipuler les autres. Ils deviennent gentils et généreux afin que les autres le soient pour eux. Les 2 essaient de satisfaire leurs besoins par leur volonté ! Leur réaction est de croire qu'ils pourront satisfaire leurs besoins malgré l'environnement. C'est la fausse fierté de l'ego. C'est une forme de déni ou de répression. Ils refoulent la conscience que leurs besoins ne seront pas satisfaits, et s'attendent à ce que la vie continue à leur façon.
Compensation
Il est trop douloureux pour les 2 de savoir que leurs besoins ne seront pas satisfaits. Aussi doit-il y avoir une sorte de compensation. Cela prend souvent la forme d'une tentative de séduction par des actes de gentillesse. Au lieu d'être conscients de leurs besoins, ils recherchent les besoins des autres et se concentrent à satisfaire ces besoins. Quand cela est réalisé, il y a une attente cachée que, d'une certaine façon, cette générosité leur apportera ce dont ils ont besoin.
Quand les 2 donnent, ils prennent modèle sur ce qu'ils veulent que les autres leur fassent. C'est une forme de corruption. Quand leurs besoins ne sont toujours pas satisfaits, ils deviennent en colère vis-à-vis des autres et de la vie, renforçant la distorsion originelle, à savoir que leurs besoins ne seront jamais satisfaits. Avant que la gentillesse ne tourne en colère, cela stimule l'essence de la gentillesse qui est action altruiste spontanée et sans arrière-pensée.
Cathy, une femme avec une fixation 2, a grandi dans une famille avec un frère plus âgé et une sœur plus jeune. Sa mère était dépressive et son père indisponible. Elle désirait désespérément de l'attention, et essayait de faire et d'être ce qu'elle pensait que tout le monde voulait, de façon à ce qu'on l'aime. Elle avait tout le temps le sentiment qu'elle ne serait jamais aimée et que ses besoins ne seraient jamais satisfaits. Cathy ne se souvient pas d'avoir été la petite fille préférée de Papa jusqu'à ce qu'elle atteigne la puberté. Alors, son père, qui n'avait jamais vraiment fait attention à elle, devint possessif et importun. Il commença à lui parler de ses problèmes sexuels avec sa mère. Cathy était très perturbée par ces interactions. Quand elle quitta la maison, elle se déchaîna, ayant des relations sexuelles avec n'importe qui, dans une tentative de trouver l'amour. Cela ne marchait jamais.
Le frère de Cathy, Lou, a une fixation 1. Il était en colère et amer quand il était enfant. Sa mère n'avait pas suffisamment de temps pour lui, et son père était indisponible. Quand ses parents ont divorcé, personne ne voulait de lui. Du point de vue de Lou, il s'est élevé tout seul. Il était amer et en colère car il avait tellement conscience que tout le monde faisait quelque chose qui n'allait pas. À l'âge adulte, il croit toujours qu'il sait ce qui est juste et que les autres ne le savent pas. Il trouve la vie et les gens ennuyeux.
Fixation de l'ennéatype 3
La première prise de conscience des 3 de l'inadéquation dans laquelle ils sont nés est : "Ce monde n'offre aucun support." Cette perception passe alors par le filtre supplémentaire de la fixation 3 et une illusion personnelle se forme. Pour les 3, c'est : "Je suis séparé et, par conséquent, mes actions sont indépendantes des autres." En d'autres mots, ils n'ont pas la sensation que ce qu'ils font ou disent a un impact sur les autres. Pour que cette illusion fonctionne, ils doivent se couper de leurs émotions, afin de ne pas sentir les effets de ce que les autres font et de ne pas être sensibles à ce que les autres ressentent.
La réaction à ce sentiment de séparation est d'avoir peur d'éprouver des émotions. La fixation 3 est coupée de l'amour et des connexions avec les autres. Les 3 n'ont pas le sentiment de pouvoir être aimés pour ce qu'ils sont. Cette sensation serait insupportable. Aussi se coupent-ils de leurs émotions. Cela rend aussi plus facile le fait de ne pas ressentir les émotions des autres.
Compensation
Afin de ne pas ressentir les émotions, la fixation 3 devient très productive. Produire a une double fonction : cela bloque les émotions, et cela procure aux 3 une manière de se reconnaître de la valeur. Ceci compense l'état intérieur profond de ne pas se sentir aimé ou de ne pas être digne d'être aimé. Comme ils ne sont effectivement pas en contact avec leurs émotions, ils peuvent se tromper eux-mêmes en croyant que ce qu'ils font leur donne de la valeur et les rend utiles.
Ils doivent maintenir leur niveau de production et de réussites puisque le sentiment de pouvoir être aimé pour ce qu'ils font s'évapore quand le travail ou le projet est réalisé. Cela laisse les 3 constamment sur le qui-vive, recherchant toujours le prochain succès et la prochaine avancée. Leur vie est très remplie, ils réalisent beaucoup de choses et sont généralement couronnés de succès. Il y a un sentiment constant de lutte, ils ne peuvent jamais obtenir suffisamment pour être capable de se détendre. S'ils ralentissaient un peu, ils commenceraient à se sentir séparés, inutiles, inadéquats.
L'essence des 3 est l'Amour. C'est exactement ce pour quoi ils se démènent et, en fait, ce qu'ils empêchent par leurs actions.
Karen, une femme avec la fixation 3, a grandi avec deux sœurs, l'une avec la fixation 2 et l'autre avec la fixation 3. Karen était physiquement et émotionnellement maltraitée par sa mère ; son père était la seule force stable de la famille. Elle s'est appliquée à plaire à son père, tandis qu'elle n'a pas essayé de plaire aussi à sa mère. L'effort de séduction s'est concrétisé par l'obtention du succès. Lorsqu'elle était enfant, Karen éludait la douleur de la maltraitance en étant toujours active. À l'âge adulte, elle a conscience que la douleur de son enfance existe toujours en profondeur. Elle croit qu'elle utilise son dynamisme et sa détermination pour rester à l'écart de ses émotions. Karen essayait aussi de suivre les pas de son père, devenant une femme d'affaires qui réussit.
La sœur de Karen, Beth, qui a une fixation 2, était plus la petite fille préférée de son père et essayait de lui plaire en étant aimable et généreuse. Elle avait des relations difficiles avec sa mère, comme tout le monde. À l'âge adulte, Beth est une personne plaisante et facile à vivre, aidant les autres en étant une masseuse-thérapeute.
La troisième sœur, Deb, qui a une fixation 4, était et est la plus émotionnellement dramatique des trois. Elle est plus spontanée et bohème. Elle essayait d'attirer l'attention en étant la plus émotive.
Fixation de l'ennéatype 4
La première prise de conscience des 4 de l'inadéquation dans laquelle ils sont nés est : "Il n'y a pas de centre réel qui me soutient." Ce manque de support est l'interprétation que les 4 font du manque perçu dans l'environnement nourricier.
De cette interprétation déformée initiale, une illusion personnelle se forme. Pour la fixation 4, c'est : "J'ai souffert une tragédie personnelle." Les 4 pensent qu'il n'y a pas de centre ; aussi ne pas appartenir est vécu comme une tragédie. Tout ceci est expérimenté de façon non verbale.
La réaction à la perception déformée et à l'interprétation illusoire est toujours personnelle. Dans le cas de la fixation 4, la prochaine étape est : "Je suis séparé, j'ai un centre séparé du reste de la création. Aussi je n'ai pas d'appartenance, je suis laissé de côté." Cette réaction survient en premier lieu au sein de la famille. Plus tard, elle réapparaît encore et encore tout au long de la vie.
Sally, une femme avec la fixation 4, a grandi avec un frère qui avait la fixation 2. Sa problématique concernait son père qui devint odieux envers sa mère, puis quitta la famille. Elle s'est sentie abandonnée par son père et passa de nombreuses années de sa vie adulte à essayer de gagner son amour et son attention, ne se sentant jamais assez bien. Ceci eut une influence sur ses relations avec les hommes qu'elle choisissait jamais complètement disponibles et ne pouvant l'aimer comme elle voulait être aimée.
Le frère de Sally, Ken, a une fixation 2. Il avait et a une relation spéciale avec sa mère. Quand il était enfant, il avait des difficultés avec son père, ne se sentant jamais suffisamment intelligent, tandis que sa mère était protectrice et le faisait se sentir spécial. Adulte, il a toujours cette relation spéciale avec sa mère, et choisit des femmes qui ont besoin de son aide.
Compensation
Se sentir déconnecté et en dehors du monde est dévastateur. Afin de pouvoir fonctionner, la fixation 4 doit trouver un moyen de compenser. Les 4 le font en essayant de contrôler la vie. Ils essaient d'être uniques et particuliers afin d'acquérir un sentiment d'appartenance. Cela s'accorde parfaitement avec la perception illusoire : être le seul à être séparé du reste du monde est un rôle très spécial. Pour compenser, ils essaient d'être suffisamment particuliers pour être réintroduits. Ceci perpétue l'illusion originelle.
L'autre façon d'essayer de contrôler la vie est d'être très dramatique et émotionnel. L'histoire tragique de leur vie est toujours plus grave que celle des autres. Leurs souffrances sont plus dévastatrices. Étrangement, cette souffrance spéciale à laquelle ils se laissent aller amoindrit la sensation profonde de ne pas appartenir parce qu'ils ne sont pas suffisamment aimables. Sous le sentiment d'être laissés pour compte, il y a la connaissance (illusion) plus profonde qu'ils ne sont pas dignes d'être aimés, qu'ils ont été bannis à cause d'une chose terriblement honteuse qu'ils ont faite. Ils sont la cause de leur vie tragique, d'une façon ou d'une autre. "Je suis tragiquement déficient, ma vie est une tragédie."
Le rayonnement, qui est l'essence du 4, est en fait l'énergie qui se trouve derrière l'impulsion créatrice. Être créatif et original est le résultat naturel de l'essence des 4. Ceci est bloqué par l'impulsion constante des 4 à être spéciaux.
3. Se libérer de la fixation
Chaque fixation a un chemin ou un accès qui nous conduit à travers les couches de la perception et du comportement égotique vers notre essence véritable. La section suivante décrit le chemin de la libération pour chaque fixation.
Ennéatype 1
L'accès à la pureté et à la perfection véritable pour les 1 est de percevoir la réalité simplement comme elle est, sans trouver de faute. Voir chaque chose comme elle devrait être vue, c'est-à-dire en train de se développer, est terriblement libérateur. Quand le 1 comprend que toute l'existence évolue, et que chaque chose dans la vie sert ce propos, même ce qui semble mauvais et erroné peut être vu comme ce dont il a exactement besoin pour grandir. De cette perspective, les 1 commencent à comprendre qu'ils ne savent pas réellement ce qui est juste et meilleur et qu'ils n'ont certainement pas besoin de corriger les autres.
Le résultat de cette perception ouverte est l'intégrité de l'action. Les 1 commencent à se comporter de façon honnête, morale et éthique. Leur attitude reflète une acceptation de la vie, et est spontanée et sans jugement. Leur comportement devient sans défaut dans le sens où tout est inclus. Chaque erreur peut faire partie de ce qui est sans défaut.
Dans l'état libéré, il n'y a pas quelqu'un qui fait. Ce qui est fait vient de ce qui est, et cela est comme cela devrait être. Il n'y a pas de soi séparé qui perçoit de l'intérieur de soi-même ce qui est à l'extérieur de soi. Il y a la perception et la réalisation de ce que l'on peut appeler l'action spontanément juste.
Ennéatype 2
L'accès à la gentillesse altruiste passe par la vérité humiliante de la fierté de l'ego. Être capable de reconnaître la fausseté de la générosité et les besoins et attentes sous-jacents cause de l'embarras. Un sentiment d'être découvert. Ceci commencera à dissoudre le faux soi.
Pour les 2, il y a la croyance déformée dans le libre arbitre qui, pour eux, signifie faire s'ajuster la vie à leurs désirs. Ceci provient de la compensation de la croyance que personne ne prendra soin d'eux, qu'ils ne peuvent pas le faire eux-mêmes, et que donc ils doivent manipuler la vie afin qu'on prenne soi d'eux. Quand les 2 apprennent à suivre le cours de la vie, il y a finalement un sentiment de liberté.
Avec cet abandon de la fausse générosité et de la manipulation, et avec l'humilité d'être exposé, il y a une action spontanée de la source. Maintenant, il peut y avoir de la gentillesse, mais la sensation d'être gentil a maintenant disparu. Souvent, le 2 n'aura pas conscience d'accomplir une gentillesse. C'est si naturel et advient si facilement qu'il n'a pas le temps de s'accaparer cette action et d'en être fier. En fait, il n'y a plus d'identité personnelle pour s'approprier l'action.
C'est le résultat de la compassion, l'action spontanée de l'essence. À partir de ce moment, quand la gentillesse survient, c'est une action spontanée de l'essence, et non de quelqu'un qui fait.
Ennéatype 3
L'accès à la plénitude aimante est d'admettre la malhonnêteté intérieure du manque d'émotions. Les 3 doivent s'autoriser des pauses dans la journée. Ils doivent ralentir suffisamment pour commencer à sentir ce qui se passe à l'intérieur d'eux. Quand ils ralentissent, ils prennent d'abord conscience qu'ils se sentent mal à l'aise, une sensation d'être improductif. Être improductif n'est pas bien pour eux et peut être menaçant. S'ils peuvent rester avec ces sensations initiales, ils commencent à découvrir les émotions sous-jacentes d'être mal aimés, indignes et honteux. C'est seulement lorsque les 3 s'ouvrent à ces sentiments profonds que se révèle l'essence véritable de l'amour.
Le mensonge est découvert couche par couche. La première couche peut être simplement le fait que les 3 prétendent être ce que les autres veulent qu'ils soient afin d'avoir du succès. Juste en dessous de cette couche, ils découvriront qu'ils ne savent pas vraiment ce qu'ils aiment faire ou avec qui ils aiment être. Plus profond que cela, se trouve le sentiment de ne pas pouvoir être aimé. Les 3 se rendent compte que toute cette activité était une compensation pour ces sentiments insupportables, que s'ils n'étaient pas productifs, il n'y aurait rien d'intéressant en eux. Ceci révèle la peur d'être tout seul, isolé et séparé de tout ce qui est.
Quand tout ceci est accepté sans jugement et que les émotions sont ressenties sans le paravent d'une histoire, le sentiment de ne pouvoir être aimé et d'être séparé se dissout. La fixation 3 se relâche et ce qui est trouvé est la valeur intrinsèque inhérente à toute existence. Quand le moule du 3 se défait, la personne devient authentique et se sent digne d'intérêt simplement parce qu'elle existe.
Ennéatype 4
L'accès à la liberté pour les 4 est d'abandonner l'histoire de la tragédie de leur vie. Ils doivent être prêts à laisser tomber le drame émotionnel qui colore leur expérience. Afin d'être capable de faire cela, ils doivent reconnaître qu'ils sont d'une certaine façon attachés à ce drame émotionnel. Ils quittent l'excitation et l'intensité à être si émotionnels. S'ils peuvent être réellement sincères, ils s'aperçoivent qu'ils aiment en fait être tragiques. Ils se sentent très spéciaux.
Lorsque les 4 commencent à laisser les émotions se calmer, ils peuvent faire face au sentiment de platitude et de banalité. Cela peut être déroutant au début car leur sensation d'être spécial commence à se diluer. Le sentiment d'être ordinaire peut ressembler à la mort pour la fixation 4. En fait, c'est une espèce de mort. C'est la mort de l'ego, du faux soi. Au début quand cela arrive, une peur peut apparaître. "Qui suis-je sans drame émotionnel ? Je ne pense pas que je peux survivre sans mon histoire tragique." Il y a une telle identification à l'histoire tragique qu'ils ne savent pas qui ils sont sans cela. La vie peut d'abord sembler si ennuyeuse, ils peuvent penser qu'ils sont en fait ennuyeux.
C'est l'occasion pour le mensonge profond de faire surface, le mensonge qui dit qu'ils ne peuvent pas être aimés simplement parce qu'ils sont vivants. Ils ont peur que s'ils deviennent ordinaires, plus personne ne veuille d'eux, et ils seront alors véritablement abandonnés. En fait, l'opposé est vrai. La voie vers la vérité est que non seulement ils ont une appartenance en tant qu'éléments de la création, mais la vérité de leur identité est qu'elle est la création elle-même. Lorsque nous reconnaissons qu'il n'y a pas de séparation entre la création et nous-mêmes, nous devenons un avec la création. Nous nous connaissons alors comme étant la création elle-même.
C'est le relâchement de la fixation des 4. Chaque expression individuelle qui émane de la source est unique sans être séparée. Vous êtes la source, toute expression individuelle vient de la source, maintenant l'expression unique qui émane de la source peut sortir librement. Le résultat est la créativité.
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